2023 sera-t-elle l’année de l’hydrogène ?

Publié le 25/04/2023

5 min

Publié le 25/04/2023

Temps de lecture : 5 min 5 min

Par Mei Chia , Senior Business Lead (Honeywell Sustainable Technology Solutions)

Au cours des dernières années, l’attrait pour l’hydrogène en tant que source d’énergie durable a connu de nombreuses fluctuations. En cause notamment : d’importantes barrières à sa commercialisation, en particulier en raison d’un processus de production très gourmand en énergie contribuant de ce fait à un coût trop élevé. Cependant, le contexte actuel, sur fond de crise économique, énergétique et diplomatique, pousse les gouvernements européens à réévaluer leurs priorités stratégiques et à placer désormais l’autosuffisance et la durabilité au cœur de leurs politiques, donnant un nouveau souffle aux recherches en la matière. Cela sera-t-il suffisant pour faire de l’hydrogène la source d’énergie du futur ?

Mei Chia est Senior Business Lead chez Honeywell Sustainable Technology Solutions, la branche en charge d’innovations de recyclage de déchets plastiques, de stockage d’énergie et de conversion des matières premières renouvelables en carburants plus respectueux de l’environnement. Mei Chia travaille au sein d’Honeywell depuis 12 ans et occupait précédemment le poste de Senior Business Lead chez Honeywell Universal Oil Products, où elle était chargée des thématiques liées au traitement du gaz.
 

La France, qui se définit comme une nation pionnière sur la question de l’hydrogène, ambitionne d’accélérer son déploiement et d’en faire l’une des clés de voûte de la décarbonation de l’industrie. Avec 9 milliards d’euros dans le cadre du plan France 2030, l’État investit massivement dans la structuration de la filière de l’hydrogène décarboné par électrolyse et vise à en devenir l’un des leaders mondiaux.  

Cependant, alors que de nombreux États reconnaissent le rôle déterminant de l’hydrogène dans la lutte contre le changement climatique, les avis divergent quant à la rapidité avec laquelle une économie de l’hydrogène pourrait être mise en place. Une chose est claire : cette transition, qui demandera plusieurs décennies, s’effectuera par étapes. Plus précisément, elle se fera au fil d’une gradation des couleurs, allant de l’hydrogène « gris » à l’hydrogène « vert » en passant par l’hydrogène « bleu ».  

L’une des techniques les plus répandues et efficaces à ce jour pour produire de l’hydrogène est l’électrolyse. Elle consiste à isoler le dihydrogène (H₂) issu des molécules d’eau à l’aide d’un puissant courant électrique obtenu à l’aide d’un électrolyseur. Ce processus nécessitant une grande quantité d’énergie, tout l’enjeu de la profonde mutation du secteur consiste donc à réfléchir au meilleur moyen aujourd’hui de faire en sorte que l’offre en la matière soit de taille à répondre aux besoins en énergie – ce qui est encore loin d’être le cas pour le moment – tout en limitant l’impact environnemental lié à sa production.

Pour l’heure, une grande partie de l’hydrogène utilisé appartient à ce que l’on définit comme la famille de l’hydrogène « gris ». Or, cette forme d’hydrogène produit à partir de combustibles fossiles affiche un taux de carbone important. En effet, en l’absence de recours à des technologies de réduction de dioxyde de carbone, une quantité significative de CO2 est émise au cours de sa production. Comment, en tout état de cause, favoriser une transition massive vers l’adoption de l’hydrogène à l’heure où les ressources en énergies renouvelables demeurent encore trop limitées pour répondre aux besoins nécessaires à sa production ?

À la différence de l’hydrogène « gris », la production d’hydrogène « vert » s’appuie quant à elle sur l’utilisation de sources d’électricité renouvelables pour séparer les molécules d’hydrogène des molécules d’oxygène dans l’eau. Plus durable, ce procédé ne requiert pas de sous-produit constitué de CO2 nuisible à l’environnement, et l’électricité nécessaire à sa mise en œuvre provient de sources renouvelables, telles que l’énergie solaire et éolienne. Toutefois, l’augmentation de l’offre d’hydrogène « vert » pauvre en émissions et la réduction de son coût de production est fortement conditionné à des investissements très importants en matière notamment d’infrastructures.

À la croisée de l’hydrogène « gris » et de l’hydrogène « vert », l’hydrogène « bleu » peut être considéré comme un intermédiaire indispensable dans la transition vers un modèle plus vertueux. S’il est lui aussi, tout comme le premier, obtenu à partir de gaz naturel, les émissions de carbone issues de sa phase de production sont toutefois capturées et stockées en toute sécurité dans les profondeurs de la terre grâce aux technologies de capture carbone. Cette configuration permet de réduire considérablement les émissions de CO2 par rapport à celles associées à l’hydrogène « gris ».

Tandis que les États et les organisations sont de plus en plus nombreux à rechercher des moyens de mettre en œuvre des stratégies faibles en émissions pour mieux atteindre les objectifs climatiques fixés à l’échelle mondiale et faire face à la crise énergétique actuelle, l’hydrogène s’impose comme une composante essentielle de ces initiatives. Or la bonne nouvelle est que l’hydrogène existe partout autour de nous et qu’il est même l’élément le plus abondant dans l’univers. Néanmoins, le chemin qui mène à une consommation nette nulle est long et complexe et nous devons développer des moyens économiques et efficaces d’aider les industries, où qu’elles se trouvent, dans leur quête de durabilité. À ce titre, l’hydrogène « bleu » apparaît donc une technologie de transition essentielle pour parvenir à l’hydrogène « vert », la plus propre de toutes les formes d’hydrogène. Elément clé de la décarbonation à grande échelle, cette technologie est déjà disponible aujourd’hui.