Les Pays-Bas mettent fin à l’extraction de gaz du plus grand gisement d’Europe

Publié le 02/10/2023

5 min

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Les Pays-Bas ont mis fin dimanche 1er octobre à l’extraction de gaz naturel du gisement de Groningue, le plus grand d’Europe, son exploitation étant à l’origine de séismes qui ont secoué des riverains durant des décennies, et menacent de persister.

Par la rédaction, avec AFP

 

Le gouvernement de Mark Rutte avait décidé en juin de mettre complètement fin à la production du gisement gazier de  Groningue à partir du 1er octobre, même si 11 puits resteront ouverts au moins une année supplémentaire pour faire « face en cas de crise », alors que le contexte géopolitique mondial reste incertain. 

La terre tremble depuis longtemps

Le gisement de gaz naturel de Groningue, le plus grand d’Europe occidentale, a été découvert en 1959. En 1963, les premières extractions ont débuté. Le 26 décembre 1986, le premier tremblement de terre a été mesuré. Depuis, ils n’ont jamais cessé. Les spécialistes évaluent à plus de 1 000 le nombre de secousses recensées dans cette zone depuis plus de 30 ans. Même si elles sont généralement d’une assez faible magnitude sur l’échelle de Richter (inférieures à 1), elles causent de nombreux dégâts sur les habitations environnantes et sont fortement ressenties par les habitants de la région. Une grogne locale et une situation que beaucoup d’experts géologues ont jugé depuis de nombreuses années « extrêmement préoccupante » ont conduit en 2013 les autorités néerlandaises à reconnaître le lien entre les forages et le risque sismique et à prendre des mesures, quitte à devoir fermer le robinet de sa poule aux œufs d’or.

Un arrêt d’extraction reporté plusieurs fois

L’extraction de gaz du champ gazier de Groningue (exploité par Shell et Exxon Mobil) est progressivement passée de 53,8 milliards de m3 en 2013 à 42,5 milliards de m3 en 2014, 33 milliards de m3 en 2015, 27 milliards de m3 en 2016, 21,6 milliards de m3 en 2017 et 20,1 milliards de m3 en 2018. La production maximale d’année jusqu’en octobre 2019 est plafonnée à 19,4 milliards de m3. En avril 2018, le gouvernement s’est fixé un objectif de production de 12 milliards de m3 pour les cinq prochaines années et a ordonné aux utilisateurs industriels néerlandais de supprimer progressivement l’utilisation du gaz naturel de Groningue d’ici 2022. Même si l’extraction de gaz dans la région a été presque réduite à néant au cours des dernières années, le gouvernement néerlandais a maintenu le site opérationnel en raison des incertitudes énergétiques mondiales, en grande partie provoquées par l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022.

L’adaptation à une « situation internationale incertaine »

En raison de la « situation internationale incertaine » et en cas d’hiver extrêmement froid, 11 dernières unités d’extraction de gaz du champ de Groningue doivent toutefois rester opérationnelles une année supplémentaire, avant une fermeture définitive en octobre 2024, a annoncé le gouvernement. Shell Pays-Bas et ExxonMobil ont une participation égale dans la NAM, société responsable de l’extraction du gaz de Groningue depuis le début des années 1960. En février dernier, un rapport d’une commission parlementaire a incriminé le gouvernement néerlandais pour avoir failli dans sa gestion du dossier de l’extraction du gaz dans la région de Groningue. La commission d’enquête note que le gouvernement a une obligation morale de remédier à la situation à Groningue, où de nombreuses habitations ont subi des dommages considérables. Selon Shell, environ 2 300 milliards de mètres cubes ont été extraits du gisement. Entre 1963 et 2020, environ 429 milliards d’euros (chiffre corrigé en prenant compte de l’inflation) ont été générés par le gaz de Groningue et 85 % de ces profits allaient dans les caisses de l’État.

Une population victime 

Le gisement était exploité depuis 1963 mais depuis plus de 20 ans, la population subit des séismes de faible magnitude mais proches de la surface, dus aux poches de vide formées lors de l’extraction de gaz, qui ont provoqué de nombreux dégâts. Après s’être réjouis en 2018 de la fermeture annoncée du gisement, les riverains ont déchanté face aux avertissements d’experts selon lesquels les séismes pourraient continuer durant des années. « Énormément de personnes dans la province souffrent de problèmes psychologiques à cause de l’extraction du gaz« , a souligné à l’AFP Jan Wigboldus, président du Conseil du gaz de Groningue, une association locale qui milite pour les victimes des séismes. Nombre d’entre elles se sont également retrouvées face à un bourbier juridique et technique relatif aux indemnisations. Depuis plusieurs mois, des montagnes de débris de pipelines sont visibles sur les terrains d’anciennes stations d’extraction, déjà démantelées ou en cours de démantèlement. Mais, selon des experts, les séismes pourraient, malgré la fin de l’extraction, continuer durant des années. De nombreuses maisons de la région de Groningue ont été restaurées ou reconstruites, en y intégrant des structures antisismiques. Dans la région, il y a « des dizaines de milliers d’enfants dans une situation de merde« , c’est « terrible« , a déclaré le Premier ministre démissionnaire Mark Rutte vendredi lors d’une visite, a rapporté l’agence néerlandaise.