L’Union européenne s’accorde pour « taxer » le carbone à ses frontières

Publié le 13/12/2022

4 min

Publié le 13/12/2022

Temps de lecture : 4 min 4 min

Grand enjeu de la présidence française du Conseil de l’Union européenne qui en avait fait une priorité, le Parlement européen et les États membres de l’UE ont annoncé le 13 décembre s’être entendus pour adopter un mécanisme d’ajustement carbone au frontière (MACF). Un mécanisme inédit visant à verdir les importations industrielles de l’Union en taxant les émissions carbone liées à leur production. Une mesure environnementale qui vise à prévenir les fuites de carbone et éviter le spectre des délocalisations. 

Par la rédaction, avec AFP

 

Appelé communément « taxe carbone aux frontières » bien qu’il ne s’agisse pas d’une taxe à proprement parler, ce dispositif sans précédent à cette échelle consistera à appliquer aux importations des Vingt-Sept les critères du marché du carbone européen, où les industriels de l’UE sont tenus d’acheter des  « droits à polluer ». Le CBAM sera « un pilier crucial des politiques climatiques européennes  » affirme l’eurodéputé et vice-président du groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen, Mohammed Chahim, également rapporteur du texte. « C’est l’un des seuls mécanismes dont nous disposons pour inciter nos partenaires commerciaux à décarboner leur industrie manufacturière. En outre, il s’agit d’une alternative à nos mesures actuelles de fuite de carbone, qui ne sont pas toujours efficaces. » Avec l’envolée du prix de la tonne de CO2, cette taxe carbone a effectivement pour but d’éviter un dumping écologique qui verrait les industriels délocaliser leur production hors d’Europe, tout en encourageant le reste du monde à adopter les standards européens.

MACF (CBAM en anglais), de quoi parle-t-on ?

L’objectif est de taxer dès 2023 certaines importations (acier, aluminium, ciment, engrais, électricité mais aussi hydrogène) au prix du marché carbone européen, selon les émissions liées à leur production. Il sera également étendu à certains produits en aval tels que les vis et boulons et les articles similaires en fer ou en acier. En permettant de réduire l’écart de compétitivité entre les industriels européens et étrangers, le MACF place toutes les industries sur un pied d’égalité, ce qui constitue un vrai tournant dans la politique industrielle de l’Europe. « Une très bonne nouvelle » selon certains, « plus d’excuse pour ne pas agir » estiment d’autres. En pratique, l’importateur devra déclarer les émissions directement liées au processus de production et si celles-ci dépassent le standard européen, acquérir un « certificat d’émission » au prix du CO2 dans l’UE. Si un marché carbone existe dans le pays exportateur, il paiera seulement la différence. Selon l’accord, le dispositif tiendra compte des émissions indirectes, celles générées par l’électricité utilisée pour la production des produits importés.

Une période-test en fin d’année 2023

Une période-test commencera dès octobre 2023, durant laquelle les entreprises importatrices devront simplement rapporter leurs obligations. Le calendrier de mise en œuvre effective du dispositif, qui sera progressive, dépendra de pourparlers ultérieurs en fin de semaine sur le reste de la réforme du marché carbone de l’UE, au cœur du plan climat européen. Ainsi, à mesure que cet ajustement aux frontières montera en puissance, l’UE supprimera progressivement les quotas d’émission gratuits alloués jusqu’ici aux industriels européens pour leur permettre d’affronter la concurrence extra-européenne. Le rythme de suppression de ces quotas gratuits et la possibilité d’aides alternatives aux exportateurs européens, pour ne pas les désavantager sur le marché mondial, font encore l’objet d’âpres discussions. Les eurodéputés réclament une suppression très progressive des quotas gratuits à partir de 2027, avant leur disparition complète en 2032, date où le  MACF entrerait entièrement en vigueur. Les États défendent, eux, une élimination très graduelle entre 2026 et 2035. Avant la fin de la période de transition, la Commission  indique qu’elle évaluera « l’opportunité d’étendre le champ d’application à d’autres biens présentant un risque de fuite de carbone, notamment les produits chimiques organiques et les polymères » . L’objectif à terme étant d’inclure tous les biens couverts par le cadre du système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE) d’ici 2030. 

Avec le CBAM, Bruxelles estime rester dans les clous des règles de  l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et contrer les accusations de protectionnisme. En mars, la Commission estimait que le mécanisme pourrait lui rapporter entre 5 et 14 milliards d’euros par an et permettra de corréler concrètement stratégie industrielle et environnementale, au bénéfice d’une concurrence plus juste.