« La neutralité technologique est une condition sine qua non du rehaussement de notre ambition climatique »

Entretien
24/06/2025
26 min
Marc Ferracci (crédit : Sébastien Mulyaert).

Neutralité carbone, renouvelables, nucléaire, indépendance énergétique, politique et stratégie française et européenne... Entretien * avec Marc Ferracci, ministre de l'Industrie et de l'énergie.
Propos recueillis par Laura Icart

Pour la France, l’objectif 2040 doit s’accompagner d’un objectif de réduction de l’intensité carbone de l’énergie finale consommée en lieu et place d’un objectif EnR (énergies renouvelables) européen. Pourquoi acter ce principe est si important ?

Nous plaidons pour qu’on passe d’une directive sur les seules énergies renouvelables à une directive « bas carbone », qui applique une réelle neutralité technologique. La feuille de route de la Commission européenne, de Wopke Hoekstra [commissaire au climat], comme de Teresa Ribera  [vice-présidente de la Commission en charge de la concurrence] est claire : le principe de neutralité technologique doit s’appliquer. La neutralité technologique prévue dans les traités européens et qui implique de ne pas privilégier une technologie sur une autre, est une condition sine qua non du rehaussement de notre ambition climatique.

Vous évoquez la neutralité technologique, mais d'autres pays en Europe semblent avoir une approche différente, particulièrement en ce qui concerne les énergies renouvelables. Selon vous, cette divergence pourrait-elle être réconciliée au niveau européen?

Ce que nous observons, c’est une prise de conscience croissante de l'urgence d'accélérer la décarbonation au sein de l'Union européenne. Ce principe de neutralité technologique est en train de s'imposer et plusieurs discussions entre les leaders européens, comme entre le chancelier Merz et le président Macron, montrent des signes d’évolution. Cependant, il faut aussi comprendre que des différences politiques existent encore, notamment en Allemagne, où la coalition gouvernementale n’est pas toujours d’accord sur la manière de traiter certaines technologies. Mais je reste optimiste quant à une évolution vers des solutions communes. L’enjeu est de permettre à l’Europe de se défaire des énergies fossiles et de créer une souveraineté énergétique.

Nous devons permettre à l’Europe de se défaire des énergies fossiles et de créer une souveraineté énergétique.

Quelles sont les stratégies à court et moyen terme pour renforcer l'indépendance énergétique de la France ?

À court terme, nous devons diversifier nos sources d’approvisionnement pour ne plus dépendre des pays qui ne sont plus fiables, comme la Russie. C’est pour cela qu’après l’agression de l'Ukraine, nous avons mis en place une stratégie de diversification énergétique, notamment en regardant vers les pays du Golfe pour le gaz. Mais il faut aussi penser à long terme, en soutenant des technologies renouvelables et souveraines comme le biogaz, le biométhane et bien sûr les énergies décarbonées comme l'hydrogène. Cela nous permettra de diminuer notre vulnérabilité tout en poursuivant notre objectif de décarbonation d’ici 2050.

L'Europe fait face à une concurrence accrue, notamment de la part de la Chine et des États-Unis, en matière de technologies bas carbone. Estimez-vous qu’elle reste dans la course ?

L'Europe doit absolument renforcer sa compétitivité face à la Chine, qui est bien avancée, notamment dans les secteurs de l’électrification et des batteries. Nous devons soutenir nos industries pour qu'elles deviennent plus compétitives sur le marché mondial. Cela inclut le soutien à la production industrielle des batteries et d'autres technologies vertes, mais aussi la recherche de partenariats, y compris avec la Chine, qui dispose d’une certaine avance technologique dans ce domaine. Le but est de combiner développement industriel local et partenariats stratégiques, tout en assurant un soutien solide à nos industries pour les rendre compétitives.

La France défend depuis plusieurs mois une proposition qui consiste à interdire toute importation de GNL en provenance de Russie.

L’UE a adopté son 18e paquet de sanctions contre la Russie. Ce texte va-t-il assez loin sur la question énergétique ? Concrètement, quels sont encore les points de dépendance aujourd’hui ?

Je pense que ce nouveau paquet de sanctions marque une étape importante, mais il faut être lucide : tant que nous dépendrons encore, même marginalement, des énergies fossiles russes, nous...

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