Hydrogène vert : pourquoi la production n’est-elle pas à la hauteur des objectifs de l’Union européenne ?

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Publié le 05/07/2021

4 min

Publié le 05/07/2021

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Par Arthur Jouannic, Directeur du bureau français de Delta-EE

Ces 10 dernières années, les activités autour de l’hydrogène vert se sont multipliées en Europe. À cette occasion, les experts de notre cabinet Delta-EE spécialisé dans la transition énergétique ont réalisé une étude inédite pour établir un premier état des lieux de ce marché en expansion. D’après nos analyses, il devrait atteindre 2,7 GW en 2025, soit 50 fois les capacités de production créées ces dernières années. Néanmoins, c’est bien en deçà des objectifs de l’Union européenne, fixés à 6 GW en 2024. Décryptage.

Par Arthur Jouannic, directeur du bureau français de Delta-EE

Une étude pour dépasser le battage médiatique

Il y a un an, l’intérêt pour l’hydrogène vert a explosé dans le sillage d’ambitieuses stratégies nationales et européennes. En conséquence, un très grand nombre de projets ont été annoncés à travers l’Europe, affirmant que des centaines de mégawatts, voire des gigawatts de capacité de production d’hydrogène vert seraient installés au cours des prochaines années. Notre cabinet a décidé de compiler ces différentes annonces publiques et d’identifier les projets d’hydrogène vert qui sont actuellement opérationnels et ceux qui sont susceptibles de démarrer d’ici 2025. Grâce à l’analyse de ces données, nous avons pu dépasser le battage médiatique autour de l’hydrogène pour donner une vision réaliste de l’état d’avancement, de la réserve de projets et de la demande d’hydrogène vert jusqu’en 2025. Pour réaliser cette étude, nous avons notamment interrogé un panel composé de plus de 50 entreprises tout au long des 12 derniers mois. Objectif : collecter leurs retours d’expérience et leurs visions du marché de l’hydrogène vert. Ces éléments ont ensuite été couplés à nos données propriétaires et à nos analyses existantes.

Une production d’hydrogène vert encore fragmentée en Europe

Selon l’étude, l’Europe peut aujourd’hui produire 56 MW, soit environ 4 700 tonnes d’hydrogène vert par an. La moitié de cette production est consommée par l’industrie des transports et environ un tiers est utilisé pour décarboniser des applications industrielles, telles que le raffinage pétrochimique. À cette date, l’Allemagne est le pays leader en matière d’hydrogène. Le pays assure près de la moitié de la production européenne, tandis qu’aucun autre pays n’atteint individuellement les 10 MW. Toutefois, le secteur est en pleine expansion. En effet, des projets de grande envergure sont prévus cette année, notamment en Espagne, aux Pays-Bas et au Danemark et vont permettre d’atteindre les 10 MW d’ici 2022 et 100 MW en 2025.

Une production d’hydrogène vert sous perfusion

Pour porter cette croissance, les principaux fabricants d’électrolyseurs, comme Nel Hydrogen, ITM Power, Cummins et McPhy, construisent tous de nouvelles usines capables de produire des centaines de MW, voire des GW par an. Toutefois, atteindre 6 GW d’ici 2024 sera très difficile. En effet, il reste très peu de temps pour planifier, construire et mettre en service les dizaines de projets de 10 MW et de 100 MW nécessaires… Au-delà de ces considérations matérielles, atteindre l’objectif communautaire implique de bénéficier d’une croissance exponentielle continue de la demande en hydrogène vert ainsi que les États multiplient les pressions réglementaires et financières ciblées. Nous nous attendons à ce que le financement des projets d’hydrogène vert continue à stimuler la croissance du secteur. Cependant, il serait stratégique de mettre l’accent sur les projets de plus grande envergure (supérieurs à 10 MW) visant les applications industrielles et mixtes plutôt que les applications de transport plus petites qui sont les plus courantes aujourd’hui. En matière d’hydrogène vert, le bilan est donc mitigé. On peut se réjouir de la croissance rapide de cette technologie clé pour atteindre les objectifs de zéro émission carbone. Mais on est encore très loin des objectifs nationaux et européens extrêmement ambitieux qui ont été fixés. Aujourd’hui, le marché de l’hydrogène vert est embryonnaire. Les projets en cours sont presque entièrement financés par l’Union européenne ou par des fonds nationaux et les parties prenantes ciblent les secteurs d’utilisation où les aides publiques sont les plus élevées. À ce stade, le marché est totalement dépendant des énormes capitaux mis à disposition par le Green Deal européen et par les diverses stratégies nationales en matière d’hydrogène. Au-delà des belles annonces, il est nécessaire d’investir davantage pour développer, dans les faits et sur la durée, cette technologie d’avenir.