Et la PPE fut !

Publié le 30/11/2018

5 min

Publié le 30/11/2018

Temps de lecture : 5 min 5 min

Le gouvernement français a dévoilé, mardi 27 novembre, la première version du programme de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) révisé, qui porte deux objectifs principaux : lutter contre le changement climatique en réduisant les émissions de gaz à effet de serre (GES) et diversifier le mix électrique en réduisant la dépendance du pays au nucléaire. Décryptage.

Par Laura Icart

C’est dans un climat social tourmenté que le président Emmanuel Macron a présenté  la PPE, la feuille de route énergétique de notre pays pour la décennie à venir. Si le sujet des fermetures de réacteurs nucléaires était très attendu, le gouvernement a également annoncé un accroissement des soutiens aux énergies renouvelables, parmi lesquelles le biogaz. 

Les principaux messages de la PPE

Emmanuel Macron a déclaré vouloir « désintoxiquer la France des énergies fossiles » en proposant aux Français un nouveau modèle énergétique basé sur une baisse de la consommation énergétique et un mix plus diversifié, avec une montée en puissance des énergies renouvelables, notamment dans la production d’électricité.

Le PPE va différer de dix ans l’élimination progressive de l’énergie nucléaire : la part du nucléaire dans le mix de production français devrait maintenant tomber sous le seuil des 50 % d’ici 2035. Le gouvernement prévoit actuellement de fermer quatorze réacteurs nucléaires de 900 MW chacun entre 2020 et 2035, y compris les deux plus anciens réacteurs français à Fessenheim d’ici 2020, et entre quatre et six unités d’ici 2030. De plus, aucune décision ne sera prise concernant la construction d’un nouveau projet de réacteur nucléaire EPR avant au moins 2021. Un autre objectif fondamental de la politique mise à jour est la décarbonisation complète du secteur énergétique national d’ici 2050. Des efforts seront faits pour réduire la consommation d’énergie et améliorer l’efficacité énergétique, grâce à l’isolation des bâtiments et au renouvellement des équipements, à la réduction de la consommation de véhicules et au recyclage dans le secteur industriel. Dans le secteur de l’électricité, toutes les centrales au charbon seront fermées d’ici 2022.

François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire, a explicité et détaillé les objectifs chiffrés énoncés dans la feuille de route lors d’une présentation à la presse à l’hôtel de Roquelaure. Il a notamment annoncé des investissements futurs de 7 à 8 milliards d’euros par an pour soutenir le développement des énergies renouvelables, ce qui dépasse de beaucoup les 5 milliards d’euros actuels. En 2028, la capacité photovoltaïque domestique sera cinq fois supérieure à 40 GW, tandis que d’ici dix ans la capacité éolienne terrestre va plus que doubler, passant de 14 GW à 35 GW. Une tranche supplémentaire de 2,5 GW de projets éoliens en mer sera déployée en plus des 3 GW actuellement prévus.

Pour couvrir les besoins en chaleur et en gaz, la stratégie du gouvernement prévoit une montée en puissance de la géothermie, dont le potentiel est indéniable en France selon Storengy qui croit beaucoup en cette technologie et qui en a fait un fer de lance de sa stratégie de diversification de ses activités. La méthanisation est également une filière en plein développement dans notre pays, qui s’intègre parfaitement selon les acteurs de la filière à une logique d’économie circulaire sur nos territoires.


Méthanisation : une ambition notable mais mesurée

Prometteuse mais encore trop coûteuse, c’est en substance ce que l’on retient des allocutions successives du président et du ministre d’État. La production de biogaz va être accrue et de plus en plus soutenue puisque l’objectif de 10 % de gaz renouvelables à horizon 2030 a été réaffirmé. Emmanuel Macron a notamment cité la méthanisation comme « une solution de diversification » pour  le gaz, lui permettant de « continuer à jouer un rôle important dans notre mix énergétique ». Il a également salué l’intérêt de la méthanisation pour les territoires qui offre « des perspectives à nos agriculteurs et pour lesquels c’est un complément de revenu utile ». Si le président de la République reconnait les vertus de la méthanisation, il a également précisé que le gouvernement sera très exigeant sur la baisse des coûts de production. Une enveloppe de 800 millions d’euros sera allouée chaque année pour soutenir la filière.

Des réactions mitigées

Si la filière biogaz et ses externalités positives ont effectivement été reconnues, ce qui a réjoui l’ensemble des représentants de cette filière, la plupart s’estiment déçus du manque d’ambition d’une trajectoire à 10 % de gaz vert dans la consommation énergétique en 2030 quand la filière faisait état il y a encore quelques mois d’un possible 30 % à horizon 2028, au vu des projets en attentes (près de 560). Pour les gaziers, l’usage du biogaz va se massifier, notamment dans le domaine des transports où les enjeux de réduction du CO2 et autre polluants atmosphériques sont colossaux.

Le PPE révisé n’est qu’un premier jet et sera soumis à plusieurs organes consultatifs et autorités au cours des prochains mois. Dans le même temps, la loi de transition énergétique de 2015 devra être modifiée pour inclure l’objectif de réduction du nucléaire de 2035 par rapport à l’objectif précédent de 2025. La version finale est prévue pour l’été 2019.