Électricité : L’Union européenne muscle son « Green Grid »

10/12/2025
5 min
©European Union, 2025

Bruxelles a dévoilé ce 10 décembre un vaste paquet législatif destiné à moderniser et interconnecter les réseaux électriques, hydrogène et CO₂. Objectif : des prix plus stables, des délais raccourcis et une résilience accrue face aux menaces. Une priorité renforcée depuis la panne géante ayant frappé la péninsule ibérique au printemps.

Par la rédaction, avec AFP

L’Union européenne veut accélérer son virage vers une infrastructure énergétique moderne et résiliente. En présentant le « European Grids Package », la vice-présidente exécutive Teresa Ribera et le commissaire à l’énergie Dan Jørgensen ont insisté sur la nécessité d’un système pleinement intégré, capable d’absorber la montée des renouvelables et de sécuriser l’approvisionnement du continent. Une ambition devenue d’autant plus pressante après la panne d’électricité du 28 avril, qui avait plongé l’Espagne et le Portugal dans le noir pendant plusieurs heures. « Ce paquet permettra aux Européens de bénéficier de prix plus stables, de factures plus faibles et d’une sécurité accrue », a assuré Teresa Ribera. Selon Bruxelles, cette réforme structurelle est indispensable pour assurer la compétitivité du marché intérieur et bâtir ce que la Commission décrit comme « la colonne vertébrale énergétique de l’Europe ». Dans cette optique, les réseaux d’électricité, d’hydrogène et de CO₂ sont considérés comme « les maillons manquants » permettant de dépasser les obstacles géographiques. Une nécessité illustrée par la panne géante d’avril, qui a ravivé les critiques de Madrid et Lisbonne, accusant Paris de freiner les projets d’interconnexions transpyrénéennes.

L’affaire franco-ibérique, symbole des retards européens

Quelques jours après l’incident, les deux capitales avaient réclamé à Bruxelles une « impulsion politique » pour accélérer les liaisons électriques avec la France. Une demande entendue : deux nouvelles lignes souterraines à travers les Pyrénées figurent désormais parmi les huit « autoroutes européennes de l’énergie » que la Commission veut faire avancer en priorité. Ces projets, pourtant prévus depuis 2015, étaient restés bloqués. « Je ne pense offenser personne en disant que, parfois, la France s’est montrée réticente à développer ses interconnexions », a lancé Dan Jørgensen. Selon lui, ces liaisons permettent pourtant à la France d’éviter chaque année « 40 blackouts ». « Plus nous serons connectés, plus nous pourrons réagir en cas de crise énergétique », a renchéri Teresa Ribera. Parallèlement, une liaison sous-marine dans le golfe de Gascogne est en construction pour porter à 5 gigawatts la capacité d’échange entre la France et la péninsule ibérique. Mais Madrid et Lisbonne veulent aller plus loin pour sécuriser leur approvisionnement.

Accélérer le déploiement : une priorité absolue

Le diagnostic est clair : « Nous ne déployons pas nos réseaux assez vite », a averti Dan Jørgensen. Si le rythme actuel se maintient, il manquera en 2030 la moitié des capacités transfrontalières nécessaires à l’Union. Aujourd’hui, un projet de réseau de transport exige plus de 10 ans, dont plus de la moitié en procédures administratives. Le nouveau cadre législatif vise à réduire ce délai à deux ans, trois pour les projets les plus complexes. Une simplification portée par la Commission, qui propose aussi de pouvoir lancer elle-même des appels à projets lorsque les États tardent à combler certains manques. Bruxelles veut également instaurer une planification intégrée : un « scénario central européen » capable d’identifier les besoins, leur localisation et leur échéancier. Une meilleure coordination qui pourrait générer, selon une étude citée par Jørgensen, plus de 560 milliards d’euros d’économies d’ici 2050. La montée des risques est désormais un facteur déterminant. « En 2022, les infrastructures européennes ont subi 48 cyberattaques réussies », a rappelé le commissaire. Le sabotage du câble Estlink 2 a encore illustré la vulnérabilité des réseaux. Le paquet impose l’intégration systématique de critères de sécurité — cyber, climatiques et physiques — dans la conception et la supervision des projets stratégiques.

Au total, Bruxelles estime que les investissements nécessaires dans les réseaux atteindront 1 200 milliards d’euros d’ici 2040. Parallèlement, la Commission propose une série de mesures visant à simplifier certaines règles environnementales et accélérer l’octroi de permis pour les projets stratégiques, notamment dans l’énergie. Avec ce train de mesures, La Commission veut tourner la page des plans nationaux fragmentés pour entrer dans une ère de planification véritablement européenne. « Le Grids Package est plus qu’une politique : c’est un engagement pour une Europe plus forte, interconnectée et durable », a résumé Teresa Ribera. Dan Jørgensen évoque, lui, « une nouvelle phase de notre projet commun, pour une Europe propre, compétitive et indépendante, faite par nous, pour nous ».

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