Cinq points à retenir sur l’état de l’union de l’énergie en 2024

L'UE a réussi à réduire la demande de gaz de 18 % entre août 2022 et mai 2024. Cela a permis d'économiser environ 138 milliards de mètres cubes de gaz selon la Commission européenne. ©Shutterstock

Publié le 11/09/2024

9 min

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La Commission européenne a publié le 11 septembre l’édition 2024 de son rapport sur l’état de l’union de l’énergie. Si l’année 2022 a été particulièrement mouvementée pour le secteur énergétique en Europe, obligeant l’UE à multiplier les initiatives communautaires, l’année 2023 est celle du « continuum » et de la « structuration » indique Bruxelles. Sécurité énergétique, souveraineté industrielle et développement des énergies renouvelables…  L’heure est au bilan pour l’exécutif Bruxellois qui estime notamment que l'UE a réussi à faire face « aux risques critiques » pesant sur sa sécurité d'approvisionnement énergétique. Par Laura Icart   Au cours de l’année écoulée, toute une série d’initiatives de l’UE sont entrées en vigueur. Parmi celles-ci, les législations sur les énergies renouvelables, sur l’efficacité énergétique, sur la performance énergétique des bâtiments, sur l’hydrogène et les gaz décarbonés, sur les émissions de méthane, sur l’organisation du marché de l’électricité et sur l’extension du système d’échange de quotas d’émission. C’est un rapport en forme de bilan qu’ont présenté Kadri Simson, commissaire chargée de l’énergie et Maroš Šefčovič, vice-président exécutif chargé du pacte vert pour l’Europe, le bilan de l’année écoulée et de manière plus globale celle de la mandature von der Leyen. Une mandature rythmée par le Green Deal européen et depuis deux ans par le plan REPowerUE qui ont « profondément transformé le système énergétique européen »,  et qui amène également de nouveaux défis : des ambitions en termes de renouvelables et d’efficacité énergétique très variables d’un pays à l’autre, une précarité énergétique qui augmente, des prix volatils et le risque  « accru » de nouvelles dépendances stratégiques critiques. La fin d’une dépendance au gaz russe? Malgré les divergences, malgré la diversité des mix énergétiques, l’Union européenne a réussi lors de la crise énergétique à mettre œuvre cette solidarité énergétique. Avec les sanctions de l'UE interdisant les importations maritimes de pétrole brut et de produits pétroliers raffinés russes ainsi que de charbon russe, les importations de gaz russe (gazoduc et GNL) sont passées d'une part de 45 % des importations globales de gaz de l'UE en 2021 à seulement 18 % jusqu'en août 2024, tandis que les importations en provenance de « partenaires de confiance » tels que la Norvège et les États-Unis ont augmenté. Ces deux pays ont fourni respectivement 34 % et 18 % des importations de gaz de l'UE au cours du premier semestre 2024. L'UE a réussi à réduire la demande de gaz de 18 % entre août 2022 et mai 2024. Cela a permis d'économiser environ 138 milliards de mètres cubes de gaz. Un nombre record de 12 nouveaux terminaux GNL et six projets d'extension de terminaux existants ont été mis en service entre 2022 et 2024. Dans l'ensemble, ces projets devraient augmenter la capacité d'importation de GNL de l'UE « de 70 milliards de m3 pour atteindre 284 milliards de m3 d'ici 2024 » indique le rapport. Les niveaux de stockage de gaz de l'UE étaient à 59 % de leur capacité le 1er avril 2024, atteignant un nouveau record pour la fin de la saison hivernale. Le 19 août 2024, l'UE a atteint l'objectif de 90 % de capacité de stockage de gaz, avec plus de deux mois d'avance sur la date limite du 1er novembre. La plateforme énergétique de l'UE a attiré « plus de 180 entreprises et mis en relation des acheteurs européens avec des fournisseurs extérieurs pour plus de 75 milliards de m3 de gaz naturel entre 2023 et 2024 » a souligné Kadri Simson. Mais la prudence reste de mise, car  Le déploiement des EnR, le pied sur l’accélérateur L'énergie éolienne a dépassé la production de gaz pour devenir la deuxième source d'électricité de l'UE, derrière l'énergie nucléaire. Avec 56 GW de nouvelles capacités solaires installées en 2023, l'UE a établi un nouveau record grâce aux 40 GW supplémentaires installés en 2022. L'énergie éolienne terrestre et offshore dans l'UE avait une capacité installée cumulée totale de 221 GW (201 GW sur terre, 19 GW en mer), avec 16 GW installés en 2023. Lors du premier semestre 2024, 50 % de l’électricité a été produite à partir de sources d’énergies renouvelables. Pour rappel, c’était en mai 2022 que les énergies éolienne et solaire avaient pour la première fois dépassé les combustibles fossiles dans la production d’électricité de l’UE. Si, en 2022, la consommation d'énergie primaire de l'UE a poursuivi « sa tendance à la baisse », reculant de 4,1 %, les efforts en matière d'efficacité énergétique « devront néanmoins encore être intensifiés » pour que l'UE atteigne l'objectif de 11,7 % de réduction de la consommation finale d'énergie d'ici à 2030. Le rapport évoque notamment comme leviers d’action à prioriser l'électrification de tous les équipements de chauffage et le taux de rénovation des bâtiments. La France, le vilain petit canard ? La part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie en France a atteint 22,2 % en 2023 indiquait le Commissariat général au développement durable (CGDD) selon des données encore provisoires. Une hausse significative depuis 2005 mais néanmoins insuffisante pour notre pays, qui n’a toujours pas rempli son objectif fixé en 2009, à savoir d’atteindre 23 % d’énergies renouvelables dans sa consommation finale brute en 2020. En 2022, les énergies renouvelables représentaient 23 % du mix énergétique européen, et 20,3 % en France. Cette part devra quasi doubler d’ici la fin de la décennie pour atteindre le nouvel objectif de 42,5 %. La part des énergies renouvelables dans les transports de l’Union européenne se situe à 9,6 % en 2022 selon les chiffres de l’office statistique Eurostat. Les sources d’énergies renouvelables ont représenté 41,2 % de la consommation brute d’électricité quand la part des renouvelables dans le chauffage et le refroidissement s’élève à 24,8 %, avec de grandes disparités entre les pays membres. La Commission européenne a appelé mercredi à une nouvelle impulsion en faveur des énergies renouvelables, en particulier en France, qui "n'a pas rempli ses objectifs". Bien que notre pays ne soit pas le seul concerné - c’est le cas notamment de la Belgique, du Luxembourg, ou de l’Irlande -, la France a engagé depuis plusieurs années un bras de fer avec Bruxelles qui refuse de reconnaître le caractère décarboné du mix électrique français, principalement dominé par l’énergie nucléaire. La France a d’ailleurs explicitement refusé de parler en part de renouvelables dans la consommation finale d’énergie brute d’ici à 2030 lorsqu’elle a remis à Bruxelles, en juillet, son plan national intégré énergie climat (Pniec), évoquant un objectif d’énergies renouvelables fixé à 570 TWh et un pourcentage de 58 % d’énergies décarbonées en 2030. L'enjeu industriel Accroître la compétitivité et la primauté industrielle de l’UE est une « absolue nécessité » pour la Commission. À l’heure où la Chine comme les États-Unis massifient le soutien à leurs industries et investissent des milliards dans la décarbonation des process, l’Union européenne doit aller plus vite pour profiter de son immense potentiel dans le domaine des technologies « zéro net ». L’année dernière, plusieurs textes sont venus renforcer les ambitions européennes en la matière : le Net Zero Industry Act (NZIA), qui doit accroître la capacité de production globale des technologies « zéro net » stratégiques de l’Union afin qu'elle atteigne ou approche au moins 40 % de ses besoins de déploiement d’ici à 2030 ; le règlement sur les matière premières critiques ; et en toile de fond l’incontournable reforme du marché de l’électricité. La Commission évoque également la « nécessité de s'appuyer sur des partenariats avec l'industrie » pour accélérer le développement des technologies « zéro net » et consolider la base de production de l'UE telles que les alliances industrielles comme l'alliance européenne pour les batteries, l'alliance européenne pour un hydrogène propre, l'alliance pour l'industrie solaire photovoltaïque, l'alliance industrielle pour la chaîne de valeur des carburants renouvelables et à faible teneur en carbone, et l'alliance industrielle pour les petits réacteurs modulaires. Des initiatives public-privé qui auront « de plus en plus de poids dans les années à venir » indique la Commission. Des consommateurs moins vulnérables à la volatilité des prix « Dans d'autres domaines, l'Europe devra être plus ambitieuse et plus audacieuse, et agir davantage de concert » a reconnu Kadri Simson, et notamment agir sur les prix de l’énergie. Ces prix pèsent « très fortement » sur les consommateurs européens, particuliers comme professionnels, rappelait dans son rapport Mario Draghi, et impactent la compétitivité internationale de l'Europe, en particulier vis-à-vis de la Chine et des États-Unis. En effet, si les mesures prises aux niveaux européen et national « ont porté leurs fruits » selon la Commission - et les prix de l'électricité et du gaz ont considérablement baissé par rapport aux sommets atteints en 2022, tant sur les marchés de gros que sur les marchés de détail -, les prix restent toutefois  élevés. Mais grâce à la nouvelle législation sur le marché de l'énergie, telle que la réforme de l'organisation du marché de l'électricité, « les plus vulnérables seront mieux protégés » assure Kadri Simson. Idem en cas de crise des prix du gaz naturel, les États membres pourront introduire des mesures visant à protéger les consommateurs et à garantir l'accès à une énergie à prix abordable ainsi qu'à des services sociaux essentiels. « Il s'agira notamment d'interventions sur la fixation des prix dans le commerce de détail, pour protéger les consommateurs contre des prix excessivement élevés » précise la Commission.

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