« Les CEE sont le premier outil de financement de l’efficacité énergétique en France »

Publié le 03/11/2022

5 min

Publié le 03/11/2022

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Le 28 octobre, deux texte particulièrement attendus par la filière des certificats d’économie d’énergie (CEE) et annoncés en juillet par le gouvernement ont été publiés. Nous avons demandé à Florence Lievyn, responsable des affaires publiques chez Sonergia, de nous expliquer pourquoi ces textes auront un impact important sur le marché des CEE en France. 

Propos recueillis par Laura Icart 

 

Le décret concernant l’obligation de la cinquième période a été publié au Journal officiel. Que faut-il en retenir ?

Ce texte, annoncé fin juillet par le gouvernement et très attendu par les acteurs du dispositif, vient corriger le volume de l’obligation sur les trois années restantes de la cinquième période et le porter à 3 100 TWhc. Ce sont ainsi 600 TWhc qui sont ajoutés, se répartissant en 400 TWhc de CEE précarité et 200 TWhc de CEE classique. Le niveau de l’obligation se rapproche désormais du scénario médian que proposait l’Ademe lors des consultations préparatoires de la cinquième période. Si cette hausse peut paraître importante, elle est en fait proportionnée au stock de CEE hérités de la quatrième période qui venait rompre l’équilibre offre-demande. Il ne s’agit donc pas d’une rehausse de l’ambition de la France sur ses économies d’énergie mais uniquement d’une mesure corrective visant à faire repartir le marché.

Sur le C2E Market, les cours des CEE ont presque immédiatement rebondi suite à cette annonce. Comment l’expliquez-vous ?

Le mouvement de remontée des cours s’est amorcé depuis la rentrée, suite à l’annonce de la rehausse faite en juillet, et s’est en effet amplifié à l’approche de la publication du texte. L’ajout des 600 TWhc, acté par le décret du 27 octobre 2022, permet de venir « éponger » le stock P4 et de relancer la dynamique d’achat-vente de CEE. Par ailleurs, le lancement de la consultation par le ministère de la Transition énergétique d’un corridor de prix pour les CEE sur le marché secondaire entre également en ligne de compte. Même si rien n’est acté, les prix cibles, à savoir entre 7 et 10 euros pour les CEE classiques et 10 à 14 euros pour les CEE précarité, tirent le marché vers le haut, ce qui est d’autant plus nécessaire que certaines offres, notamment les Coups de pouce, imposent une prime minimale de 6,5 euros le MWhc. 

 » Nous restons convaincus que le dispositif des CEE fonctionnerait d’autant mieux s’il y avait moins de changements de règles. En 2022, pas un mois ne se passe sans qu’un texte impactant le dispositif ne soit publié. « 

 

À l’heure de la sobriété, pourquoi les CEE sont un outil indispensable pour le pilotage des politiques publiques d’efficacité énergétique ?

Avec près de 5 milliards d’euros qui devraient être délivrés en 2022, les CEE sont le premier outil de financement de l’efficacité énergétique en France et notamment de la rénovation énergétique chez les particuliers. Si beaucoup de communication est faite sur Ma prime  renov’, il faut garder en tête que les CEE offrent une enveloppe environ deux fois plus importante ! Alors que les tensions sur l’approvisionnement en énergie restent d’actualité à l’approche de l’hiver, la bonne question à se poser est de savoir si nous pourrions nous passer de ce financement extra-budgétaire. Je pense que la réponse fait consensus : non !

 

« Face aux appels d’air créés par les Coups de pouce et à l’engouement des ménages, la qualité des travaux peut en pâtir. »

Y a-t-il déjà des risques identifiés avec l’arrivée du « Coup de boost chauffage » ? Avez-vous des craintes particulières ?

Nous sommes toujours mesurés sur les annonces de Coup de pouce et Coup de boost dans la mesure où il s’agit d’un mécanisme de bonification et non d’économies réelles que la France peut rapporter auprès de la Commission européenne. Que ce mécanisme intervienne en fin de période face à des difficultés éventuelles d’atteinte de l’objectif, pourquoi pas, mais y avoir recours en début de période nous interpelle. Plus du tiers des CEE déposés depuis le début de l’année sont issus d’opérations Coup de pouce… Nous gardons également en tête la mauvaise expérience des offres à 1 euro qui, en étant trop alléchantes, ont attiré des sociétés avec pour seule ambition le profit. Il faut donc être vigilant : les consommateurs ne sont pas toujours gagnants face à des mécanismes dont ils devraient pourtant être les premiers bénéficiaires. Face aux appels d’air créés par les Coups de pouce et à l’engouement des ménages, la qualité des travaux peut en pâtir. Nous restons convaincus que le dispositif des CEE fonctionnerait d’autant mieux s’il y avait moins de changement de règles. En 2022, pas un mois ne se passe sans qu’un texte impactant le dispositif ne soit publié. Ce n’est pas tenable ni pour les acteurs du dispositif qui doivent le mettre en œuvre, ni en termes de visibilité pour les bénéficiaires.

Enfin, comment la révision de la directive efficacité énergétique en cours à Bruxelles peut-elle affecter le marché des CEE en France ?

C’est une très bonne question à laquelle il est difficile de donner une réponse précise. Les discussions sont encore en cours, même si les trilogues ont bien avancé et du niveau de l’ambition dépendra le niveau d’une possible augmentation de l’obligation. Ce qui est sûr c’est que nous sommes sur une tendance de fond au renforcement des exigences en matière d’économies d’énergie. Certains acteurs avancent un doublement, voire un triplement de l’obligation… Je ne saurais dire si nous sommes dans le domaine du fantasme ou de la réalité mais nous serons fixés en 2023 !