Biométhane : Méthamaine, la pionnière

L'unité de méthanisation Methamaine (53) valorise annuellement 3500 tonnes de fumiers équins des fermes équestres environnantes.

Publié le 09/05/2022

7 min

Publié le 09/05/2022

Temps de lecture : 7 min 7 min

Située à Meslay-du-Maine, en Mayenne, l’unité de méthanisation Méthamaine injecte du biométhane dans le réseau de distribution de GRDF depuis février 2020. Un projet qui s’est construit en concertation avec les acteurs du territoire, permettant d’alimenter en gaz renouvelable plus de 50 % de la consommation de gaz de Meslay-du-Maine et jusqu’à 100 % l’été. Depuis mars 2022, l’unité, en partenariat avec GRDF, teste également un procédé innovant de stockage temporaire de biométhane permettant de s’adapter à la consommation et d’éviter principalement les congestions estivales.

Par Laura Icart

 

Onze exploitants agricoles sont à l’origine de la SAS Méthamaine, principalement des éleveurs et une SARL spécialisée dans la collecte de fumier. Car c’est bien la recherche de nouveaux débouchés pour les fumiers de chevaux, principalement valorisés autrefois dans l’activité champignonnière, qui a conduit Benoît Dutertre, négociant local en chevaux de courses, à la tête d’une société spécialisée dans la collecte de fumier de cheval, a initier dès 2013 avec 11 éleveurs locaux un projet d’unité de méthanisation. Sur ce territoire, l’hippisme est fortement ancré dans l’histoire du département qui ne compte pas moins de neuf hippodromes et plus d’un millier d’élevages équins. En région Pays de Loire, 25 unités injectent du biométhane dans les réseaux gaziers.

Première installation en injection de la Mayenne

En Mayenne, Méthamaine a été la première installation du département à injecter du biométhane dans le réseau gazier, en l’occurrence celui de GRDF. Mais c’est aussi un site pionnier et une vitrine d’expérimentations (stockage, bilan carbone) qui accueille à l’année du public, des agriculteurs, des élus mais aussi des écoles désireuses de comprendre le fonctionnement d’une unité de méthanisation. C’est aussi un projet patiemment travaillé avec les acteurs locaux qui a permis une intégration et une implantation sans fausses notes dans la commune de Meslay-du-Maine. Le secret : « Beaucoup de communication, un travail de concertation en bonne intelligence avec les associations et les élus locaux » nous confie Benoît Dutertre, aujourd’hui président de la SAS. « Le territoire doit être intégré dans dès le début de la réflexion du projet, le projet ne doit pas déjà être ficelé » car la méthanisation est une « action très concrète de transition énergétique à l’échelle du territoire ».

Environ 20 000 tonnes de déchets valorisés

À Méthamaine, dont la capacité installée avoisine le 10 GWh par an, soit la possibilité d’alimenter en gaz vert environ 2 000 logements, l’intégralité des intrants sont d’origine agricole. Il s’agit principalement d’effluents d’élevage, de déchets verts et issus de céréales. Le fumier équin représente environ 3 500 tonnes sur les plus de 20 000 tonnes annuelles traitées par l’unité de méthanisation. Une des caractéristiques de Méthamaine est sa capacité à fonctionner en circuit court avec une faible part d’intrants exogènes, « entre 2 et 5 % » nous précise Yves Lancelin, l’un des agriculteurs engagés dans l’unité de méthanisation, qui nous rappelle que se lancer dans la méthanisation fut avant tout l’envie d’écrire une histoire « agricole, collective et territoriale avec en toile de fond l’intérêt agronomique du digestat ». Depuis un an, l’unité a trouvé son rythme de croisière. Comme tout outil nouveau, il y a eu le temps de l’apprentissage et il y aura celui de l’optimisation du process mais « nous maîtrisons notre outil avec des ajustements au fil de l’eau » souligne Benoît Dutertre qui rappelle que la montée en compétence « est et doit être permanente » sur une filière encore « jeune ». Une expérience qu’il partage notamment avec l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France. Autre point important pour les agriculteurs de Méthamaine : avoir la pleine maîtrise de leur projet, gage d’indépendance. La majorité des capitaux investis dans la SAS sont détenus par des agriculteurs. Ils partagent ce capital avec Engie Bioz qui possède 35 % – part qui « va baisser à 20 % » nous précise Benoît Dutertre – et avec Territoire d’Énergie Mayenne (10 %), syndicat intercommunal en charge de la transition énergétique dans le département, qui accompagne notamment le développement des projets d’énergies renouvelables. « Ici, les élus et la collectivité sont très impliqués dans les projets de méthanisation, ce qui favorise aussi l’acceptabilité » souligne le président de Méthamaine.

3 700 tonnes équivalent CO2 évitées chaque année

La méthanisation est aussi une opportunité d’améliorer le bilan carbone de son exploitation mais sa réalisation peut s’avérer complexe et, par nature, source de débats et de controverses entre les émissions évitées et les émissions induites. À Méthamaine, c’est l’agence Aile, une agence locale de l’énergie, spécialisée dans la maîtrise de l’énergie et les énergies renouvelables en milieu agricole et rural, qui les accompagne depuis le début du projet qui s’est chargée de réaliser le bilan carbone de l’exploitation. « Un sujet compliqué » selon Armelle Damiano, directrice et responsable du secteur biogaz à l’agence mais « très intéressant » pour se rendre compte de l’apport d’une méthanisation sur une exploitation agricole. Sur l’unité Méthamaine, selon la méthode déployée par Aile, 3 700 tonnes équivalent CO2 sont évitées chaque année depuis la mise en place de l’unité. « Un résultat obtenu pour moitié grâce à la substitution de gaz fossile par du biométhane. L’autre moitié, c’est le non stockage des fumiers à l’air libre qui émettent du méthane [dans le cas d’une méthanisation, ce méthane est capté, NDLR] » précise Armelle Damiano.

Une installation unique en France

Depuis le mois de mars, l’unité de méthanisation teste également une toute nouvelle solution de flexibilité dans le cadre du projet Flores 2 initié par GRDF. Un projet lié aux réseaux intelligents, développant une solution innovante de stockage de gaz. En d’autres termes, il s’agit de mieux faire coïncider les besoins des réseaux de gaz et la capacité de production des unités de méthanisation. À Méthamaine, le principal consommateur du biométhane en été est la laiterie voisine Perreault, avec une fluctuation de la demande difficile à suivre, entre besoins importants mais ponctuels et saturation du réseau quand la demande redescend. L’innovation installée en mars est justement là pour palier à la faiblesse des capacités de stockage sur les réseaux de distribution avec l’installation d’un compresseur et d’un réservoir de gaz en aval du poste d’injection. Une manière de faire tampon, de maintenir une production continue et de pouvoir la réinjecter dans le réseau quand la demande est de nouveau forte. Des solutions « complémentaires aux rebours et maillages » souligne GRDF, qui permet concrètement de conserver le biométhane sur le territoire où il est produit. Cet été, Méthamaine testera donc à plein régime ce nouvel équipement avant de lancer de nouveaux projets : une station de distribution de biogaz carburant serait en effet dans les tuyaux.