« La filière gazière est pleinement engagée sur la voie de la neutralité carbone »

Le président de l'AFG présidait son dernier congrès du gaz , le 30 septembre à Paris. Il a rappelé qu 'un mix équilibré qui valorise toutes les ressources de notre pays est meilleur qu’une solution unique'.

Publié le 30/09/2021

6 min

Publié le 30/09/2021

Temps de lecture : 6 min 6 min

Après quatre années à la présidence de l’Association française du gaz (AFG), Patrick Corbin a transmis le relais à un nouveau président, Jean-Marc Leroy, à l’occasion du 138e Congrès du gaz. Pour Gaz d’aujourd’hui, il revient sur les principaux faits marquants, les avancées mais aussi les regrets de sa présidence, alors que l’industrie gazière connaît de profondes mutations et accélère son verdissement, condition sine qua none à la décarbonation de ses activités à horizon 2050.

Propos recueillis par Laura Icart 

 

Trois faits marquants ?

Le fait le plus marquant est l’engagement plein et total de toute la filière gazière sur la voie de la neutralité carbone à partir de gaz renouvelable ou bas carbone. L’industrie gazière européenne s’est aussi donnée comme ambition d’atteindre 20 % de gaz renouvelable et bas carbone, dont 11 % de gaz renouvelable en 2030. C’est certes une nécessité mais c’est une formidable avancée dans laquelle la France a été moteur. Autre fait important : l’essor de la production de biométhane injecté dans notre pays. En 2017, la capacité installée n’excédait pas les 315 GWh par an, elle est aujourd’hui en passe d’atteindre les 6 TWh par an et les 40 TWh par an en 2030, correspondant à 10 % de la consommation de gaz française, ce qui est, pour notre industrie, au vu du dynamisme actuelle, parfaitement réaliste. Enfin, l’inscription dans la loi climat et résilience du dispositif de certificats de production, un mécanisme venant soutenir la demande dans un pays où historiquement le développement des énergies renouvelables est fortement soutenu par une politique de l’offre et des prix garantis, est une réelle avancée pour la filière biométhane. À titre personnel, je suis convaincu que le mécanisme des certificats de production est excellent pour verdir le gaz dans les années qui viennent. L’AFG et la filière dans son ensemble se tient à disposition des pouvoirs publics pour transcrire les décrets relatifs à cette disposition majeure.

Atteindre 10 % de gaz dans la consommation de gaz française est parfaitement réaliste au vu de la dynamique actuelle

Un regret ?          

La réglementation environnementale 2020. La non prise en compte du biométhane comme une énergie renouvelable pour le logement neuf restera un grand regret de ma présidence et du monde gazier en général. À cela s’ajoute la non reconnaissance des pompes à chaleur hybrides qui permettent d’aller chercher le meilleur des deux mondes, une forte décarbonation de l’énergie consommée et un outil de flexibilité du réseau électrique.

Un regard sur l’actualité et la flambée des prix de l’énergie ?

Nous assistons aujourd’hui à une envolée des prix du gaz et de l’électricité sur les marchés mondiaux qui nous rappelle brutalement notre interdépendance avec les autres continents et le déclin de notre souveraineté énergétique. La hausse des prix du gaz [+ 57 % depuis le début de l’année selon la CRE, NDLR] est principalement due à un rebond de la demande en Asie qui tend les marchés après un hiver rigoureux mais aussi par une anticipation par le marché du coût du CO2. Quand cela se terminera-t-il ? Difficile à prévoir. Cependant, je note deux choses qu’il me semble importantes à retenir et qui pourraient s’apparenter à des bonnes nouvelles : les prix du gaz sont si élevés qu’ils pourraient rendre très rapidement le biométhane produit localement en France compétitif ; et notre pays possède un vrai système assurantiel pour éviter les pénuries de gaz en hiver, avec un approvisionnement diversifié et des stockages remplis.

Deux chantiers prioritaires pour le futur ?

Les notions de sobriété et d’efficacité énergétique sont de plus en plus employées aujourd’hui. Elles viennent transcrire un enjeu majeur de la transition énergétique : le consommer moins en consommant mieux. Aujourd’hui, toutes les politiques s’orientant vers la neutralité carbone s’appuient sur des politiques d’économie d’énergie basées sur la sobriété et sur la décarbonation de l’énergie finale consommée. À ce titre, les orientations prises l’année dernière pour augmenter et faciliter les aides à la rénovation énergétique vont dans le bon sens. J’ajoute que l’industrie gazière, dans sa capacité à innover, constitue un formidable levier pour accompagner et aider les industriels à réduire leurs consommations. Deuxième chantier majeur et à court terme : les garanties d’origine (GO), ou plutôt la mise en place d’un système européen de traçabilité des gaz renouvelables. L’harmonisation des GO au niveau européen est un enjeu majeur, renforcé par la mise en place d’un mécanisme d’ajustement aux frontières pour rééquilibrer les échanges commerciaux entre l’UE et les pays plus émetteurs de GES. Aussi, il serait incompréhensible de mettre en place un tel système et d’apporter au même moment une distorsion de concurrence en Europe. D’où l’importance de la mise en œuvre d’un système harmonisé de GO dans tous les pays européens. Et plus spécifiquement pour les armateurs qui peuvent aujourd’hui par exemple acheter, via le système des GO, du bioGNL à Rotterdam mais pas à Marseille.

L’industrie gazière, dans sa capacité à innover, constitue un formidable levier pour accompagner et aider les industriels à réduire leurs consommations.

Un mot pour l’hydrogène ?

L’hydrogène est indispensable à notre décarbonation, comme le sont les gaz renouvelables et bas carbone. Dans le monde de demain, les infrastructures gazières et particulièrement celles liées aux transports seront une vraie opportunité pour développer une véritable économie de l’hydrogène, notamment autour des grands sites industriels en Europe. 

Un souhait pour la prochaine PPE ?

Une meilleure reconnaissance du gaz naturel véhicule (GNV) et du bioGNV comme une alternative crédible et parfaitement viable pour le transport de marchandises. J’attends également de vrais débats en Europe sur la nécessité de raisonner selon une démarche en analyse de cycle.

Crédit : François Daburon