Une pandémie mondiale

picture of one young woman wear mask looking at camera in the foggy city

Publié le 22/06/2018

6 min

Publié le 22/06/2018

Temps de lecture : 6 min 6 min

La pollution de l’air est responsable à elle seule de près de 7 millions de décès prématurés dans le monde. Soit  trois fois plus de morts que le sida, la tuberculose et le paludisme réunis, et quinze fois plus que ceux causés par les guerres et toutes les autres formes de violence. C’est ce qu’ont conclu les experts dans une étude mondiale parue dans la revue médicale britannique The Lancet. Si ce chiffre est accablant, c’est aussi parce que ce sont les populations les plus pauvres qui en sont les principales victimes.

Par Laura Icart

 

« La pollution de l’air continue de peser lourdement sur la santé des populations les plus vulnérables, à savoir les femmes, les enfants et les personnes âgées », a déclaré en 2016 le docteur Flavia Bustreo, sous-directrice générale à l’OMS. « Pour être en bonne santé, il faut respirer un air pur, du premier au dernier souffle », a-t-elle précisé. Selon l’Unicef, c’est près de 2 milliards d’enfants qui vivent dans des pays où la pollution atmosphérique dépasse entre cinq et dix fois les seuils autorisés par l’OMS.

L’Asie du Sud-Est et l’Afrique sont particulièrement concernées. « Dans les pays en voie d’industrialisation rapide, comme la Chine, l’Inde, le Kenya, Madagascar ou le Pakistan, jusqu’à un décès sur quatre pourrait être lié à la pollution de l’air » note The Lancet en octobre 2017, qui déplore non sans une certaine amertume que les gouvernements mondiaux, toujours prompts à parler de développement économique, ne soient pas capables de mesurer « le poids économique de ces vies écourtées chaque année (4 600 milliards, soit 6,2 % de la richesse mondiale) ».

Dans un rapport sur la qualité de l’air publié en 2016, les experts de l’OMS notent que les niveaux mondiaux de pollution atmosphérique en milieu urbain ont augmenté de 8 % entre 2008 et 2013. À l’instar de plusieurs États du Golfe : l’Arabie saoudite, le Qatar, ou encore le Koweït payent en polluants le prix de leurs immenses activités dans l’industrie énergétique et s’affichent en haut du classement des pays les plus pollués au monde. A contrario la Chine, qui a souvent fait ces dernières années, et à juste titre, la Une des journaux internationaux, confrontée à des épisodes de smogs persistants, occupe le 17e rang des pays à l’air le plus pollué (61,83 μg/m3). Un classement honorable dans un pays qui compte un quart de la population mondiale et qui semble s’être engagé dans la lutte contre la pollution de l’air.

Si toutes les villes du monde ont des problèmes de pollution, elles n’ont pas toutes pris les mesures adéquates. Certaines, notamment dans « les pays riches », refusent même de communiquer leurs données.

Top 10 des pays les plus pollués au monde

Au sein de l’Union européenne, les taux de concentration de polluants atmosphériques ont baissé depuis 2013, mais il n’en reste pas moins que la plupart des personnes qui vivent dans des villes européennes sont exposées à de l’air de mauvaise qualité. Pourtant, un grand nombre de villes observent les limites recommandées par l’UE mais aussi par l’OMS. Malgré cela, l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) estime que l’espérance de vie moyenne des Européens est amputée de 8,6 mois en raison de l’exposition de la population aux particules fines issues de l’activité humaine. En 2015, 9 % de la population urbaine de l’UE était exposée à des taux de dioxyde d’azote (NO2) supérieurs à la valeur limite annuelle européenne et aux lignes directrices de l’OMS et 30 % à des taux d’ozone (O3) supérieurs à la valeur cible européenne. En Europe, la présence de l’ozone est considérée comme très préoccupante, d’autant plus que si l’on tient compte des seuils définis par l’OMS, c’est 95 % des citadins qui ont été exposés à une concentration bien trop élevée d’O3 en 2015.

Focus sur la France : un cas d’école ?

En vingt ans, notre pays a enregistré une baisse importante des émissions et des concentrations dans l’air du dioxyde de soufre et du monoxyde de carbone, grâce notamment à une meilleure réglementation du secteur industriel, principal pourvoyeur. Si les émissions de NO2 et de PM 10 ont aussi diminué, ils demeurent dans certaines villes françaises au-dessus des seuils journaliers autorisés.

Top 10 des villes les plus polluées en France (PM 10)

Outre notre pays, ce sont l’Allemagne, l’Espagne, la Hongrie, l’Italie, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni et la Slovaquie qui sont concernés par le rappel à l’ordre de la Commission européenne. Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, a présenté le 30 janvier dernier un plan d’actions pour lutter contre la pollution de l’air, avec des mesures relatives aux émissions des véhicules et à la circulation et destinées à réduire les émissions liées au chauffage. Le ministre compte principalement sur la mise en œuvre du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (Prepa) pour éliminer d’ici 2020 les dépassements en PM 10 et fortement réduire les valeurs en NO2. Différentes pistes, comme la prime à la conversion, l’instauration des zones de circulations restreinte (ZCR) ou encore le verdissement des flottes de poids lourds (avec du GNV) ont été proposées par le ministre, qui mise désormais sur les feuilles de route réalisées en concertation avec les territoires pour faire bouger les lignes.

Aucun pays dans le monde n’est épargné par la pollution de l’air ! Des plus riches aux plus pauvres, elle nous impacte tous et elle augmente malgré les progrès technologiques et les prouesses scientifiques. Et les perspectives en la matière devraient encore s’aggraver selon l’institut de santé américain Health Effects Institute, qui estime qu’en 2050, avec 65 % de la population mondiale qui sera citadine, c’est la santé de près de 10 milliards d’individus qui sera en jeu face au problème de la pollution de l’air.