Quelle place pour le consommateur face aux enjeux énergétiques ?

Françoise Thiebault est secrétaire départementale des Associations familiales laïques (AFL Paris) et membre titulaire au Conseil supérieur de l’énergie.

Publié le 13/06/2016

5 min

Publié le 13/06/2016

Temps de lecture : 5 min 5 min

Par Laura Icart

La loi sur la transition énergétique et pour la croissance verte fixe les grands objectifs d’un nouveau modèle énergétique français. Si elle vise une économie verdie et une société plus sobre en énergie, le consommateur risque d’en supporter les surcoûts. Pour Gaz d’aujourd’hui, Françoise Thiebault secrétaire départementale des Associations familiales laïques (AFL Paris) et membre titulaire au Conseil supérieur de l’énergie (CSE) pour le collège des organisations de consommateurs fait le point.

Par Laura Icart

 

La loi de transition énergétique pour une croissance verte aborde-t-elle suffisamment la question des consommateurs ?

Françoise Thiebault : Les associations de consommateurs défendent et développent depuis de nombreuses années nombre de points qui sont aujourd’hui inscrits dans cette loi. Que ce soit le chèque énergie, les afficheurs déportés dont on croyait le projet abandonné, ou encore la question de l’aide pour l’isolation thermique, tous ces dispositifs devraient permettre aux usagers de faire des économies réelles. Pour nous, la maîtrise de l’énergie passe d’abord par l’isolation du bâti, ensuite par des équipements performants, enfin par des comportements vertueux. Nous considérons donc que cette loi a globalement bien pris en compte nos attentes, même si la traduction réglementaire et la mise en œuvre de certains dispositifs nous font craindre de nombreux retards et des difficultés sérieuses.

Les consommateurs sont-ils assez informés sur les enjeux et dispositifs d’aide qui existent pour répondre à la précarité énergétique ?

Les associations de consommateurs sont énormément sollicitées et, clairement, ne peuvent pas tout faire. La meilleure réponse qu’elles ont trouvée pour être pertinentes c’est de se spécialiser. Mon association a fait ce choix en concentrant ses efforts sur le secteur de l’énergie. Traiter des questions énergétiques demande une grande connaissance des problématiques rencontrées par les différents acteurs. C’est un secteur complexe autant par ses mouvements réglementaires et législatifs que par l’instauration d’un marché concurrentiel où les consommateurs n’ont pas toujours une place de choix. Nous n’avons pas suffisamment de moyens pour agir, il y a donc sûrement un déficit d’information qui nous pénalise lorsque nous sommes face aux professionnels du secteur, alors que nous aurions tout intérêt à agir ensemble et à faire que le marché qui se construit permette à chacun de trouver sa place, ce qui n’est clairement pas le cas aujourd’hui pour les personnes en situation de précarité énergétique.

Que pensez-vous des dispositifs du chèque énergie et des certificats d’économies d’énergie (CEE) « précarité énergétique » entrés en vigueur en début d’année ? 

Nous avons souhaité cette évolution des tarifs sociaux vers le chèque énergie. Cela constitue une avancée car ce chèque bénéficiera à d’autres énergies que le gaz et l’électricité. Les CEE précarité vont également dans le bon sens, mais attention à la mise en œuvre de ces deux dispositifs qui d’ailleurs se recoupent, car elle risque d’être compliquée. Sur le chèque énergie proprement dit, il y a une première difficulté sur laquelle les fournisseurs et les associations de consommateurs se rejoignent : c’est l’inversion de la mécanique antérieure. Nous étions, avec les tarifs sociaux, sur un système automatisé : tout ayant-droit était automatiquement bénéficiaire du tarif social électricité TPN ou gaz TSS. Il ne devait se manifester que pour faire opposition à ce bénéfice. Aujourd’hui, si le consommateur veut bénéficier du chèque énergie, il devra envoyer son chèque au fournisseur, au moins la première année. De plus, des démarches administratives fastidieuses et un délai très court entre l’expérimentation et la généralisation du dispositif me font craindre de nombreux retards. Les associations de consommateurs ont d’ailleurs déposé un amendement au Conseil supérieur de l’énergie afin que nous soyons, nous aussi, saisis du retour d’expérience qui pourra nous permettre de contribuer le cas échant à l’amélioration du dispositif. Pour les CEE précarité énergétique (PE), notre avis est encore plus mitigé : c’est un dispositif intéressant mais très complexe. Ce que l’on craint avec les CEE PE, c’est qu’ils soient utilisés par des entreprises indélicates et cela risque d’engendrer beaucoup d’arnaques. Il ne faut pas qu’une bonne idée se transforme en « risque » pour les consommateurs. Par ailleurs, il faudra gérer la possibilité de cumuler plusieurs années de chèques énergie dans le temps pour faire des travaux et bénéficier des CEE. Ce n’est pas simple et cela pose la question des locataires, qui n’ont pas à réaliser certains travaux et ne le savent pas toujours. À mon sens, il faudra plusieurs années de retours d’expérience pour savoir si la direction que l’on a prise est pertinente et efficace. Dans tous les cas, il faudra beaucoup de pédagogie à tous les niveaux pour arriver à faire comprendre ces dispositifs et veiller à ce qu’il n’y ait pas des dérives.