Quel programme énergétique sous l’administration Trump ?

Alexandre Andlauer, analyste financier

Publié le 14/12/2016

7 min

Publié le 14/12/2016

Temps de lecture : 7 min 7 min

Alexandre Andlauer

L’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche est perçue comme une très bonne nouvelle pour l’industrie pétrolière et gazière aux États-Unis. Et pour cause, lors de ses deux discours prononcés durant sa campagne électorale à Williston (Dakota du Nord) et à Pittsburg (Pennsylvanie), ses propositions de politique énergétique étaient proches d’une liste de souhaits des pétroliers : lever des restrictions environnementales sur l’extraction de pétrole et de gaz naturel, construction de pipelines (Keystone XL et Dakota Access), ouverture de plus de terres fédérales au forage, remise en question des accords sur le climat ou encore relance de l’industrie minière du charbon.

Dans la mesure où son prédécesseur a mis en application un bon nombre de règles par décrets présidentiels, il ne sera pas très compliqué pour le nouveau président de les annuler sans devoir passer par le Congrès. Sans compter que le nombre de divergences d’opinions entre Trump et les républicains sont bien plus faibles sur l’énergie que dans d’autres domaines.

L’élection de Donald Trump semble donc être une bonne nouvelle pour une industrie qui a beaucoup souffert de la baisse des prix et qui a supprimé des milliers d’emplois depuis deux ans. Reste à savoir quelles seront les mesures concrètes à mettre place – certaines semblent contradictoires – et d’en connaître les impacts économiques réels. Tour d’horizon de ce que pourrait être le programme énergétique de l’administration Trump.

Donald Trump 45eme Président des États-Unis

Des climato-sceptiques dans les premières nominations

Pour mettre en place une stratégie pro-énergies fossiles rien de mieux que de nommer… des pétroliers. On ne s’en étonnera pas, Donald Trump a désigné de grands promoteurs des combustibles fossiles affichant un déni marqué aux changements climatiques. La plus importante est bien sur celle de Rex Tillerson en tant que secrétaire d’État, soit responsable de la politique étrangère, incluant les accords internationaux sur le changement climatique. L’ancien patron d’ExxonMobil, russophile, est sans aucun doute un soutien prestigieux aux énergies fossiles. Tout aussi radicale est la nomination d’un climato-sceptique, Scott Pruitt, à la tête de l’EPA (Environnent Protection Agency), créée en 1970 pour protéger la nature et la santé des citoyens américains. Procureur général d’État de l’Oklahoma (État dont 50 % des revenus viennent du pétrole), il a tenté à de nombreuses reprises d’infléchir la réglementation liée à l’extraction d’énergies.

Enfin, Ryan Zinke, fervent partisan de l’exploitation du charbon et ancien militaire, occupera le poste de secrétaire à l’Intérieur et assurera la supervision de plus de 15 % des terres fédérales du pays. Seule incertitude à toutes ces nominations : leurs confirmations au Congrès.

Vers un aménagement des accords de Paris ?

Le respect des accords de Paris est une des grandes interrogations de la nouvelle administration américaine. Décrié tout au long de la campagne de Trump, sans doute pour des motivations purement politiques, l’accord de la COP21 pourrait être revu pour laisser plus de flexibilité aux acteurs américains. De son possible retrait, envisageable trois ans après la date d’entrée en vigueur grâce à l’article 28 (c’est-à-dire dès 2019) à de simples aménagements du texte, il est fort probable que l’équipe Trump s’attèle à assouplir la décision pour les États-Unis. Des aides visant à soutenir la loi Obama sur la pollution de l’air ou donner plus de marge dans les normes d’émissions auprès des constructeurs automobiles font partie des points sensibles de négociation.

En somme, cette élection ne va sans doute pas remettre fondamentalement en question les accords de Paris mais pourrait en revanche en ralentir le processus. L’enjeu n’est pas nul pour les autres pays, puisque les États-Unis sont le deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre (14 à 15 % des émissions globales).

Une plus grande confiance des pétroliers et des gaziers américains

Reste à savoir ce qui va concrètement changer pour les acteurs pétroliers et gaziers d’outre-Atlantique. Premier constat : le pire est évité. La crainte de voir arriver Hillary Clinton à la Maison-Blanche, avec un flot de nouvelles réglementations, était grande. C’est une première bonne nouvelle et un regain de confiance pour les industriels.  Autre changement rapidement applicable et avec un impact non négligeable : la construction de nouveaux pipelines. En effet, celle-ci ne sera plus soumise à l’approbation du Congrès, en invitant les sociétés (TransCanada ou autres) à déposer de nouvelles demandes. Ainsi certaines régions pourront augmenter leur prix de vente, en évitant le coût de transport onéreux tel que le train. Rappelons que le prix du pétrole se vend à 10 dollars de moins pour le baril de Brent [référence européenne, NDLR] que le WTI [référence américaine] par manque d’infrastructures dans certaines régions. L’effet combiné de la diminution de la réglementation, du regain de confiance, d’une meilleure infrastructure et de la baisse des impôts améliorera sans aucun doute les perspectives des sociétés américaines le mandat Trump.

Il reste cependant des zones d’ombres. La nouvelle administration américaine pourra par exemple difficilement soutenir le gaz et le charbon. En effet, une meilleure production de gaz pourrait accélérer le déclin du charbon. De même, la volonté de limiter l’immigration pourrait être néfaste pour une industrie en plein redémarrage, qui nécessite beaucoup de main-d’œuvre (300 personne par puits au moment de sa mise en production) et un chômage extrêmement faible.

La plus grande incertitude est géopolitique

Mais c’est sur la scène géopotlique et tous les effets en cascade que l’incertitude est la plus grande. Les tensions avérées avec la Chine (importations d’équipements pétroliers chinois), le changement de ton vis-à-vis de l’Iran (reprise des sanctions ?) et le probable rapprochement avec la Russie (levée des sanctions ?) pourraient avoir des impacts des plus significatifs à terme sur les marchés.

De toute évidence, les acteurs de pétrole et gaz américains continueront de répondre à une logique économique qui sera influencée par la géopolitique. Les variations du prix du pétrole et les avancées technologiques auront bien plus d’impact que les mesures sur le secteur pétrolier de la nouvelle administration Trump.

Alexandre Andlauer est analyste financier sur le secteur pétrolier depuis plus de dix ans. Son travail sur le terrain aux États-Unis lui a permis de prévoir dès 2012 la chute des prix du pétrole pour 2015 avec l’essor des huiles de schiste. Observateur des marchés pétroliers, il participe également aux réunions d’experts à l’Institut d’Oxford pour les recherches économiques sur l’énergie. Depuis 2015 il se rend aussi à Vienne pour suivre les négociations de l’Opep mais aussi en Russie, ce qu’il lui permet d’avoir une vision globale des marchés.