Quand le gaz se met au vert

Publié le 06/05/2018

7 min

Publié le 06/05/2018

Temps de lecture : 7 min 7 min

Le Syndicat de l’énergie renouvelable (SER) et les opérateurs gaziers de transport et de distribution français (GRDF, GRTgaz, SPEGNN et Teréga) ont publié le 5 avril le troisième opus de leur « Panorama du gaz renouvelable ». Une étude qui confirme le potentiel de la filière d’injection de biométhane et laisse présager de belles perspectives pour les années à venir.

2018 sera-t-elle l’année du biométhane ? De nombreux signaux nous le laissent penser. Une étude publiée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) début février laissait présager un beau potentiel en indiquant que « la France dispose des ressources naturelles et des infrastructures pour pouvoir produire et consommer un gaz 100 % renouvelable en 2050 ». La publication au printemps du « Panorama du gaz renouvelable » vient confirmer cette tendance. Les opérateurs de réseaux gaziers et le SER sont très optimistes et affichent fièrement leur ambition commune de 30 % de gaz renouvelable injecté dans le réseau d’ici à 2030. Et cela alors que le biométhane ne représente aujourd’hui que 0,1 % de la consommation française. On vous explique pourquoi.

Une progression constante

À la fin de l’année 2017, notre pays comptait 592 unités de production de biogaz dont 44 le valorisent sous forme de biométhane. Si la majorité de la production est utilisée aujourd’hui pour fabriquer de l’électricité et de la chaleur par cogénération, la valorisation en injection dans le réseau voit chaque année sa part augmenter (+ 70 % en 2017). Autorisée seulement depuis fin 2011, l’injection du biométhane dans nos réseaux, bien que jeune et modeste de surcroît, a révélé pourtant en 2017 un potentiel des plus prometteurs avec 18 nouveaux sites en service et un volume injecté avoisinant les 406 GWh en 2017 contre 215 GWh en 2016 (+ 90 % !), correspondant à la consommation d’environ 34 000 foyers. Des chiffres qui sont encore plus significatifs si l’on tient compte de la capacité maximale annuelle du parc français qui atteint fin 2017 les 682 GWh (+ 66 %). En 2017, si le gaz renouvelable ne représentait que 0,1 % de la consommation de gaz naturel française, « son potentiel est ailleurs » souligne Jean-Louis Bal, président du SER, qui précise qu’avec « 361 projets en file d’attente pour une capacité maximale cumulée de 8 TWh par an, la part du gaz renouvelable dans la consommation française pourrait, d’ici deux à cinq ans, atteindre 2 % ». L’optimisme est donc de rigueur et semble assez logique lorsque l’on sait que la centaine de nouveaux projets déclarés en 2017 a permis d’accroître la capacité de production de biométhane de 3 TWh, soit une augmentation de 60 % par rapport aux projets déclarés en 2016.

Une ambition revue à la hausse…

Si le gouvernement français planche actuellement sur la révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui avait fixé un objectif de production pour l’injection de biométhane de 8 TWh en 2023, les opérateurs de réseaux et le SER, portés par le dynamisme de la filière et par les récentes prises de position du gouvernement, affichent un nouvel objectif de 60 TWh pour 2028 et de 90 TWh en 2030. Avec près de 70 TWh, la méthanisation sera le principal levier de la production de biométhane, le restant (entre 15 et 20 TWh) sera du gaz renouvelable de synthèse issu de procédés tels que la pyrogazéification ou le power to gas. Des procédés sur lesquels les gaziers misent aussi beaucoup dans les années à venir.

… portée par des usages diversifiés…

C’est la volonté des acteurs de la filière : diversifier les usages afin de maximiser le potentiel du biométhane. À ce titre, la mobilité est particulièrement concernée « puisqu’elle constitue le principal débouché du biométhane », souligne Édouard Sauvage, directeur général de GRDF, qui n’hésite pas rappeler qu’aujourd’hui « un poids lourd sur deux est immatriculé au GNV dans notre pays ». L’offre de stations GNV permet à l’heure actuelle d’approvisionner en carburant bioGNV la flotte française constituée de 16 125 véhicules, dont 1 285 poids lourds et 3 064 bus. Si la PPE a fixé la part du bioGNV dans le GNV à 20 % d’ici 2023, elle atteint déjà 8,7 % en 2017. Les gaziers estiment que cet objectif peut lui aussi être revu à la hausse, pour atteindre 30 % en 2028.

Outre la méthanisation, seule technologie véritablement mature aujourd’hui, les acteurs de la filière gazière ont les yeux tournés sur deux technologies qui sont encore en phase d’expérimentation mais qui s’annoncent très prometteuses à moyen et long terme : la pyrogazéification de la biomasse sèche et des combustibles solides de récupération (CSR). Cette filière, dont les premiers projets sont attendus à partir de 2020, aurait selon des études un potentiel de près de 180 TWh en 2050 de gaz renouvelable. Le power to gas, dont la valorisation par injection directe dans le réseau ou après conversion en méthane de synthèse par méthanation, devrait, grâce à ses deux démonstrateurs pilotes (Gryhd et Jupiter 1000), injecter dès cette année de l’hydrogène dans les réseaux, possèderait un potentiel technique avoisinant les 140 TWh, équivalent à celui de la méthanisation.

… et le soutien des pouvoir publics

La filière biométhane bénéficie, depuis 2011, de deux outils économiques majeurs : à savoir un tarif d’achat réglementé et garanti pendant quinze ans pour les producteurs et un système de garanties d’origine assurant la traçabilité du biométhane et permettant sa valorisation auprès du consommateur. Le panorama précise d’ailleurs que 75 % des garanties d’origine ont été utilisées sous forme de bioGNV depuis la création du registre en 2012. En 2017, la filière a connu deux autres mesures favorables à son développement : une réfaction tarifaire sur les coûts de raccordement au réseau de distribution et l’ouverture de l’accès aux stockages souterrains. À cela il faut ajouter les quinze mesures du groupe de travail méthanisation rendu public en mars dernier par le secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire Sébastien Lecornu, qui ont fait consensus au près des acteurs et dont les gaziers espèrent qu’elles seront rapidement mise en œuvre.

Si aujourd’hui, la filière biométhane semble avoir les faveurs des pouvoirs publics pour répondre aux objectifs qu’ils se sont fixés, les acteurs gaziers ont besoin de visibilité sur le long terme. Ils demandent notamment que le tarif d’achat actuel d’injection de biométhane soit maintenu jusqu’à ce que la filière soit jugée suffisamment mature, également la mise en place d’un mécanisme de soutien adapté pour les sites existants souhaitant passer à l’injection ou souhaitant faire de la valorisation mixte, plus encore conforter le système des garanties d’origine, et enfin la filière demande que l’usage du bioGNV soit exonéré de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).

En 2017, 90 000 tonnes de CO2 ont été évitées grâce au biométhane. À l’horizon 2050 la filière des gaz renouvelables permettrait d’éviter les émissions de presque 20 millions de tonnes de CO2 par an. Accélérer le développement de la filière biométhane serait donc clairement un atout dans la bataille qu’à lancé la France pour se « décarboner » tout en maintenant une attractivité économique sur ses territoires.