Quand l’air tue !

Publié le 19/05/2018

8 min

Publié le 19/05/2018

Temps de lecture : 8 min 8 min

 

La pollution de l’air : un fléau devenu affaire d’État, responsable en 2014 de près de 7 millions de morts dans le monde selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En France, c’est même la troisième cause de mortalité après l’alcool et le tabac. Le monde s’asphyxie doucement sous l’effet des polluants atmosphériques qui mettent en péril notre santé et notre environnement.

Par Laura Icart

 

Si l’air c’est la vie, ce principe de base est aujourd’hui remis en cause, principalement par l’activité humaine. De l’agriculture à la production d’énergie en passant par le transport routier et maritime ainsi que l’industrie, tous génèrent des polluants atmosphériques. Particules fines (PM), ozone (O3), dioxyde d’azote (NO₂), dioxyde de soufre (SO₂), oxydes d’azote (NOx) : derrière ces noms barbares se cache un tueur invisible dont les impacts sur la santé humaine se mesurent chaque jour davantage. Pour y répondre, l’OMS fixe depuis 1987 des lignes directrices qui font office de valeur seuil à ne pas dépasser. Et pourtant 80 % de la population mondiale vit dans des lieux où les niveaux de qualité de l’air ne respectent pas ces limites.

Notre santé en péril !

Véritable enjeu de santé publique, cette pollution se concentre particulièrement dans les grandes zones urbaines qui cumulent densité du trafic routier, densité des industries et des chantiers de construction. Près de 92 % des citadins dans le monde sont exposés à des polluants atmosphériques dépassant les seuils de l’OMS. Si les pics de pollution ces dernières années sont la partie immergée de l’iceberg, c’est bien l’exposition chronique à des taux de polluants élevés, notamment les particules fines (PM 10 et PM 2,5), qui contribue au développement d’un grand nombre de pathologies cardio-vasculaires, de maladies respiratoires et neurologiques ou encore de cancers.

Un constat accablant partout dans le monde

La Tour Eiffel et les pyramides du Caire sous un smog, Djakarta et Islamabad suffocant sous le poids de leur trafic routier, le Taj Mahal et la Grand Muraille de Chine disparaissant presque derrière une épaisse fumée noire qui avale littéralement certains jours New Delhi et Pékin… Et que dire de la Bulgarie et de la Pologne qui payent quotidiennement le poids de leur héritage industriel « toxique », avec un air parmi les plus pollués d’Europe. L’Arabie saoudite et le Qatar quant à eux détiennent le triste record du taux de particules fines (PM 2,5) le plus important au monde, avec des niveaux dépassant plus dix fois les seuils de l’OMS.

La qualité de l’air est très disparate dans le monde et comme souvent ce sont les pays à bas et moyens revenus qui sont les plus impactés. Presque 100 % des habitants des villes de plus de 100 000 habitants respirent un air contaminé. Un pourcentage qui se réduit de moitié si on l’applique aux citadins des villes les plus riches.

À peine mieux en Europe

En Europe, près de 530 000 personnes sont mortes en 2014 des effets causés par la pollution de l’air et cela même si les émissions de certains polluants ont sensiblement diminué ces dernières décennies, entraînant une amélioration de la qualité de l’air. Il n’empêche que le Vieux Continent a « mal à ses os » et ne semble pas encore à la hauteur de ses ambitions. La législation européenne concernant la qualité de l’air fixe des valeurs limites pour les principaux polluants atmosphériques. Bon nombre de pays ne les respectent pas alors qu’elles sont pourtant plus faibles, pour certains polluants, que celles fixées par l’OMS. « 7 % de la population urbaine européenne a été exposée en 2015 à des niveaux de PM 2,5 supérieurs à la limite européenne » (soit 25 microgrammes – µg/m3  – en moyenne annuelle), relève l’Agence européenne de l’environnement (AEE). Une proportion qui monte à près de 82 % si l’on tient compte du seuil fixé par l’OMS (10 µg/m3). Si, en cas de dépassement de ces valeurs limites, les États membres sont tenus d’adopter et de mettre en œuvre des plans relatifs à la qualité de l’air qui prévoient des « mesures appropriées visant à mettre fin à cette situation dans les plus brefs délais », nombre de pays ne respectent pas les normes. La Bulgarie a déjà été condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne, et la Pologne semble en passe de l’être. En février, certains pays dont la France ont été rappelés à l’ordre par Bruxelles pour des dépassements réguliers des seuils autorisés. Une situation problématique en Europe, à laquelle l’UE doit à tout prix remédier… Peut-être avec l’aide du satellite Sentinel-5P qui sera en charge pendant sept ans d’observer notre atmosphère.

La France, mauvaise élève ?

Depuis 2009, notre pays est régulièrement épinglé par l’UE pour non-respect de seuils. En cause : le NO₂ et les particules fines PM 10, responsables de 48 000 décès prématurés par an, avec des dommages sanitaires estimés par la Cour des comptes entre 20 à 30 milliards d’euros. Ces seuils sont régulièrement dépassés à Toulouse, à Marseille, à Paris ou encore à Valence. Le 12 juillet dernier, le Conseil d’État avait déjà tiré la sonnette d’alarme. Après le rappel à l’ordre de Bruxelles fin janvier, le gouvernement français a présenté à la Commission européenne son plan d’actions. Si la Commission rendra son verdict au plus tard début mai, Nicolas Hulot a publié le 13 avril des feuilles de route destinées à améliorer localement l’air des 14 zones française les plus impactées. Il y a fort à parier que le volet des transports sera déterminant pour la France, elle qui possède un des parc automobiles les plus « diésélisés » au monde avec un enjeu : réconcilier air et mobilité.

Quelle place pour l’énergie gaz ?

La mobilité est sûrement le secteur où le gaz et le biogaz peuvent contribuer le plus efficacement à la lutte contre la pollution de l’air, sans oublier le développement de la mobilité hydrogène. Même si son rôle pour « décarboner » la production d’électricité ou encore dans les solutions de chauffage moins polluantes que le bois ou le fuel n’est pas à occulter. Le trafic routier est le principal pourvoyeur de NOx et de NO₂, et les solutions apportées par la mobilité gaz terrestre ont un impact direct sur la qualité de l’air et commencent à s’imposer comme une alternative crédible, notamment dans transport collectifs et de marchandises. Longtemps oublié et pourtant grand pollueur devant l’éternel (SO₂, CO₂), le secteur maritime voit dans des alternatives comme le GNL carburant une solution de plus en plus prisée pour répondre à la nécessité urgente d’agir. Espérons que l’adoption, le 13 avril à Londres par l’Organisation maritime internationale (OMI), d’une stratégie de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) des navires, soit un signal fort dans un secteur, à l’origine chaque année du décès prématuré de près de 60 000 habitants des zones côtières européennes.

Pour l’industrie gazière : un point de vigilance important demeure : le méthane Ce redoutable  gaz à effet de serre ( CH4) est aussi le principal composant du gaz naturel. Des fuites de méthane sont  constatées lors de l’extraction ou du transport du gaz naturel. «De nombreuses études ont montré l’importance de réduire rapidement les émissions de méthane si nous voulons répondre à la demande croissante en énergie et atteindre de multiples objectifs environnementaux», déclarait en 2017, Mark Radka, le directeur de l’énergie et du climat à l’Onu.
 
CHIFFRES CLÉS
1 personne sur 9 dans le monde meure des effets de la pollution de l’air ;
92 % des populations urbaines ne respirent pas un air sain ;
570 000 enfants de moins de 5 ans meurent chaque année à cause de la pollution de l’air.