Plein gaz pour le GNL carburant !

Publié le 10/09/2017

8 min

Publié le 10/09/2017

Temps de lecture : 8 min 8 min

L’Association française du gaz a publié le 1er septembre un dernier état des lieux de la filière GNL comme carburant maritime et fluvial ainsi qu’une série de mesures destinées à accompagner le développement d’une filière en pleine croissance. Décryptage.

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui

En ce début de XXIe siècle, l’empreinte environnementale du transport maritime et fluvial est une préoccupation majeure, partagée au niveau planétaire. Ainsi, sous l’égide de l’Organisation maritime internationale (OMI), la réglementation sur les émissions atmosphériques devient de plus en plus exigeante. Son intérêt pour le GNL s’explique notamment par ses qualités environnementales, lui qui permet d’éliminer la quasi-totalité des oxydes de soufre (SOx) et des particules fines, de réduire de 85 à 90 % les oxydes d’azote (NOx) et de réduire jusqu’à 25 % les émissions de CO2.

L’Union européenne (UE) est également très engagée sur le sujet et a en particulier adopté une directive qui vise à faciliter le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs, dont le GNL. Cette directive demande notamment aux États membres d’élaborer d’ici le 18 novembre 2016 un cadre d’action national pour le déploiement des infrastructures pour carburant alternatif (dit « Canca ») qui devra désigner, pour le volet maritime et fluvial, un nombre approprié de points de ravitaillement en GNL dans les ports maritimes et intérieurs.

Pourquoi une directive sur les carburants alternatifs ?

Pour chaque carburant, les États membres ont l’obligation d’établir un cadre national qu’ils doivent transmettre à la Commission européenne avant le 18 novembre 2016.  Le cadre d’action national doit contenir l’évaluation de la situation actuelle et des perspectives de développement du marché ainsi que du développement des infrastructures, les objectifs chiffrés et objectifs nationaux en ce qui concerne le déploiement d’infrastructures pour les carburants alternatifs ainsi que les mesures requises pour les atteindre.

Dans ce contexte, l’AFG a mené avec l’ensemble des acteurs concernés et intéressés une réflexion sur le rôle du GNL carburant marin et fluvial dans l’esprit de la transition énergétique pour la croissance verte, afin d’apporter sa contribution à l’élaboration du Canca au niveau français.

Cette directive offre-t-elle une place de choix au GNL carburant marin ?

C’est en tout cas la conviction de l’AFG, qui a souhaité concentrer ses travaux sur le GNL carburant marin. L’objectif était de fournir à l’administration des éléments pour proposer des points et des types de ravitaillements GNL pour les ports maritimes pour 2025 et pour les ports fluviaux en 2030, d’établir des projections de volumes de GNL carburant à usage maritime et fluvial en portant en priorité les réflexions sur le réseau central puis sur les ports de plus petite taille du réseau global. Plusieurs réunions ont été organisées pendant de nombreux mois, avec l’ensemble des acteurs de la filière maritime et fluvial, afin d’établir une liste de mesures la plus consensuelle possible.

Focus sur les spécificités françaises

En France métropolitaine, les ports du réseau RTE-T pour le réseau central sont les grands ports de Marseille-Fos, du Havre-Rouen, de Nantes-Saint-Nazaire, de Dunkerque-Calais et de Bordeaux, ainsi que sept ports intérieurs1 (les autres constituant le réseau global). Au printemps 2016, on comptait plus d’une dizaine de projets GNL maritime et fluvial en France. Le port multimodal entre Dunkerque et Calais, Haropa, le premier système portuaire français créé en 2012 réunissant Le Havre-Rouen-Paris ou encore le LNG Master Plan-Rhône fluvial (départ de Fos avec une station le long du fleuve pour l’alimentation en GNL fluvial et routier en iso-conteneurs), pour ne citer qu’eux, sont autant d’exemples de la grande attractivité du GNL sur notre territoire. À noter que des projets fluviaux sont en cours d’expérimentation à Lille et Lyon.

Quel potentiel de soutage au GNL ?

Le marché du soutage GNL en France est encore au tout début de son histoire. Le premier avitaillement en GNL a eu lieu au mois de mai dernier, au Havre. Pour le moment les volumes concernés sont encore très modestes – les ports de soute français2 consomment en moyenne 2 millions de tonnes de soute par an -, au regard des 45 millions de tonnes consommées dans le plus grand port de soutage du monde à Singapour et des 10,5 millions de tonnes du port de Rotterdam.

Deux scénarios et plusieurs possibilités

Pour évaluer les perspectives du marché du soutage GNL en France et du déploiement des infrastructures correspondantes, l’AFG a mené une approche par scenario avec une vision utilisateur. L’étude produite s’est concentrée sur les types de navires les plus susceptibles d’utiliser du GNL et a examiné leurs activités dans les principaux ports français métropolitains, ainsi que les prévisions de trafic à partir des plans stratégiques de ces ports.

Pour la quantité totale de soute au GNL en France, deux scénarios ont été examinés, à plusieurs horizons de temps : un socle raisonnablement ambitieux (douze points de ravitaillement) qui donnerait une consommation de 0,3 million de tonnes de GNL par an et une variante optimiste (vingt points de ravitaillement) qui aboutirait à 1 million de tonnes de GNL par an avec des mesures incitatives fortes. Ces quantités sont conséquentes puis qu’elles représentent entre 20 % et 70 % des soutes actuelles en France mais restent largement accessibles aux terminaux méthaniers français car elles correspondent à bien moins de 10 % de la capacité de ces terminaux cumulée.

Les scénarios conduisent à un déploiement progressif du GNL carburant dans les ports français, sur les trois façades maritimes ainsi que sur les cinq couloirs fluviaux. Ils font apparaître des besoins en GNL carburant dans tous les ports de réseau central RTE-T, dès 2020 pour les ports maritimes et dès 2025 pour les ports intérieurs.

Quelles sont les solutions techniques pour le soutage au GNL ?

La France dispose de quatre terminaux GNL, répartis sur ses différentes façades maritimes : Fos-Cavaou et Fos-Tonkin au port de Marseille-Fos, Montoir-de-Bretagne et Port de Nantes Saint-Nazaire et enfin Dunkerque dont le premier de chargement de GNL a eu lieu le 8 juillet 2016.

Selon les types de navires à souter, les solutions sont plus ou moins appropriées : dans un premier temps et dans de nombreux cas, le soutage par camion-citerne (truck to ship) permettra de répondre à la demande même si elle reste limitée en volume. Pour les navires de croisière et les grands porte-conteneurs deep sea, l’avitaillement ne peut se faire qu’avec un navire ou une barge de soutage (solution ship to ship), en raison de l’importance des quantités soutées à chaque opération. Les container to ship et les bunkering station to ship sont également envisagés. Dans la pratique, les solutions seront adoptées au cas par cas, éventuellement avec des variantes et/ou des étapes intermédiaires si besoin.

Accompagner la filière

Si le GNL carburant semble aujourd’hui constituer une véritable opportunité pour le marché des soutes en France de par son attractivité et ses multiples perspectives de développement, sa réussite dans un contexte ultra concurrentiel nécessite un engagement fort des acteurs de la filière. Dans son rapport, l’AFG préconise une série de mesures destinées à accompagner et favoriser son essor : adapter sans tarder la réglementation aux spécificités du GNL dans les ports français est une première étape. Former les acteurs à la manipulation et à l’utilisation du GNL carburant est également une étape incontournable au développement du marché en toute sécurité. Un soutien à l’investissement notamment pour les infrastructures de soutage comme pour les bateaux utilisant le GNL s’avère indispensable pour donner un véritable élan à la filière. Enfin, le rapport suggère la mise en place d’une « plateforme nationale GNL » permettant de fédérer l’ensemble des professionnels de la filière autour d’actions concrètes. Des actions de communication pour favoriser l’usage du GNL carburant alternatif destiné aussi bien aux professionnels qu’au grand public font également partie des pistes évoquées.

1 Dont Paris, Lyon, Lille et Strasbourg.

2 Marseille, Le Havre, Nantes-Saint-Nazaire.