Open data : le bal des données

Publié le 03/01/2018

8 min

Publié le 03/01/2018

Temps de lecture : 8 min 8 min

 

Le secteur de l’énergie vit une véritable révolution ! La question énergétique est désormais au centre des préoccupations sociétales. Entre enjeu politique, manne économique et développement territorial, elle occupe et anime les débats, notamment autour de la transition énergétique. Avec l’arrivée du big data, le secteur subit une profonde mutation technique et technologique, dont l’ouverture des données – appelées aussi open data -, pierre angulaire de la transformation de notre système énergétique.

Par Laura Icart

 

Nous n’avons jamais été aussi connectés qu’aujourd’hui ! L’essor d’Internet a littéralement fait exploser le volume de données collectées et conservées. Une réalité s’impose à nous : nous sommes tous producteurs de données et fournisseurs, relayeurs, consommateurs au cœur de cette révolution numérique.

Vers une transformation du système énergétique

En France, l’ouverture des données énergétiques est un sujet relativement récent, né avec la loi relative à la transition énergétique qui prévoit la mise à disposition de données énergétiques sur les territoires, à différents maillons, afin de faciliter la mise en place de stratégies et de politiques d’efficacité énergétique et de déploiement d’énergies renouvelables.

Dans le monde énergétique d’aujourd’hui et a fortiori de demain, les notions d’efficacité énergétique et de big data sont étroitement liées. Elles sont complémentaires, la gestion des données étant en mesure d’accompagner la réduction énergétique en proposant des technologies de collecte capable de fournir des systèmes plus intelligents, des installations plus performantes et optimisées pour aller vers davantage d’efficacité énergétique. C’est aussi en substance le message délivré en octobre dernier par Brune Poirson, secrétaire d’État auprès de Nicolas Hulot, qui a réaffirmé l’ambition du gouvernement en matière de maîtrise de la consommation d’énergie dans les territoires à l’occasion d’une journée dédiée aux données énergétiques (data session) en octobre dernier. « Les données d’énergie sont essentielles à l’élaboration des plans climat-air-énergie territoriaux », pour diagnostiquer entre autres « les consommations énergétiques dans les territoires » ou planifier « de nouvelles orientations énergétiques, comme les énergies renouvelables » a-t-elle déclaré, en annonçant notamment la mise en place d’un nouveau dispositif, plus complet d’accès, aux données énergies, intégré à la plateforme nationale data.gouv.fr.

L’open data, fer de lance de la transition énergétique ?

L’ouverture des données est aujourd’hui au centre de toutes les stratégies de développement des entreprises énergétiques. Le rapport du comité d’études relatif aux données dont disposent les gestionnaires de réseaux et d’infrastructures d’énergie publié par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) le 18 mai 2017, évoque ses proportions, toujours croissantes, dès les premières lignes : « Le volume global de données produit double tous les vingt-quatre mois. » En France, les acteurs énergétiques ont donc entamé le virage de l’open data.

Par exigence réglementaire mais aussi par nécessité, les opérateurs d’énergie repensent leurs métiers mais surtout leurs outils de travail. Il s’agit pour eux de créer des infrastructures plus intelligentes et des outils plus efficaces, avec des systèmes de mesure, de contrôle, de régulation pour à la fois maîtriser l’énergie mais aussi en décupler la possibilité. Proposer de nouveaux services d’optimisation énergétique basés sur des données de consommation et de production toujours plus précises, d’adapter aux besoins spécifiques d’un territoire, offrir de nouveaux débouchés pour répondre aux problématiques du secteur énergétique, c’est l’ambition des gaziers qui, s’ils ont toujours été des pourvoyeurs de données, en sont désormais des émetteurs qui rendent les données accessibles à tous. Avec des réseaux plus intelligents, les fameux smart gas grids, les gaziers seront en mesure demain d’optimiser l’intégration du gaz renouvelable dans les réseaux de transport et de distribution, de rendre le réseau bi-directionnel – comme c’est le cas sur le projet « west grid synergy » – ou de démontrer l’apport d’une synergie gaz-électricité pour le stockage de l’électricité avec le démonstrateur de power to gas Jupiter 1000.

La gestion des données

Lorsque l’on fait référence à la gestion des données, on entend aussi bien la collecte, le filtrage, l’analyse, le stockage et bien évidemment la mise à disposition des données à d’autres acteurs. Cette gestion apporte de fait de précieuses réponses pour les acteurs du monde de l’énergie : de l’état de l’équipement des réseaux aux besoins et aux préférences de leurs clients.

Collecter les données

Collecter les données n’a jamais été plus facile. Les analyser et en déduire des services aux clients est un processus qui a ouvert et ouvrira de vastes perspectives dans le domaine de l’énergie. Aujourd’hui, de nombreux « objets énergétiques » sont connectés : du capteur aux chaudières en passant par les thermostats de nouvelle génération, les objets connectés ont littéralement envahi notre quotidien. Les compteurs intelligents sont sans doute les plus connus du grand public. En offrant une meilleure connaissance et un pilotage actif de sa consommation, Gazpar devrait en 2021 offrir aux 11 millions de clients GRDF une opportunité de consommer « mieux » et de réduire leur consommation énergétique. Cela permet également au producteur ou au distributeur d’énergie de pouvoir lisser sa consommation en fonction de la demande. Enfin, toutes ces données disponibles sont aussi une nouvelle source de revenu pour les réutilisateurs qui s’en serviront pour créer de nouveaux produits et de nouveaux services sur les territoires.

Analyser les données

Si ces diverses données apporteront de nouvelles opportunités aux acteurs du monde de l’énergie dans les domaines de la gestion de l’énergie, de l’exploitation des réseaux ou de l’évolution de la relation avec le client, il faudra être en mesure de les analyser pour les rendre utilisables et exploitables par les tiers.
De nombreuses entreprises ont ouvert des plateformes open data soft (GRTgaz ou GRDF par exemple) ou multi-énergies telle la plateforme Odre (Open data réseaux énergie) qui, toutes, mettent à disposition des jeux de données. L’agence Opérateurs de réseaux énergie (ORE), créée par l’ensemble des acteurs gaziers français, rentrera en phase active en 2018 et devra s’assurer entre autres que l’ensemble des formats mis à disposition sont compatibles les uns avec les autres. À ce stade, plusieurs questions demeurent, notamment celle-ci : comment parvenir à ouvrir des données à une granularité suffisamment fine pour être exploitables directement et sans menacer la vie privée des particuliers ?

L’utilisation des données : une question sensible pour les usagers

L’open data est pour une majorité de Français une source d’inquiétude. Bien que la plupart use d’un smartphone quotidiennement, certains ne voient pas d’un très bon œil l’arrivée dans leur quotidien d’objets communicants intrusifs qui vont révéler des détails de leur vie. Et même s’ils peuvent refuser à leur fournisseur le droit de diffuser à des tiers leurs données, ils ressentent encore le besoin d’être rassurés sur le traitement et la confidentialité de leurs données.

La menace du hacking pour les entreprises

Avec une circulation des données grandissante et des volumes à traiter de plus en plus importants, une réelle menace réside dans la sécurisation des flux et du stockage de ces informations. En France, nos entreprises sont-elles prêtes à faire face au risque et aux conséquences d’une cyberattaque ?

Si l’open data combiné à l’essor du gaz renouvelable et à la multitude d’objets connectés favorise déjà l’avènement d’un réseau gazier plus intelligent, nous ne sommes qu’au début de cette révolution numérique et énergétique. Une chose est certaine : le monde énergétique de demain sera connecté ou ne sera pas !

L’ouverture des données, késako ?
Une entité « ouvre ses données » lorsqu’elle met à disposition de tiers externes certaines données conservées auparavant en interne. Elles sont ensuite à libre disposition des tiers. Ils peuvent les manipuler, les agréger avec d’autres données mais aussi développer de nouvelles applications et de nouveaux usages.
L’ouverture des données s’inscrit dans une chaîne d’au moins trois acteurs réunis au sein d’un écosystème : les émetteurs de données, ou entités qui ouvrent leurs données en les rendant accessibles à tous ; les réutilisateurs (tiers), qui développent de nouveaux usages à partir de ces données ouvertes ; les consommateurs, qui bénéficient de ces nouveaux usages.