L’Iran à la croisée des chemins

Olivier Appert préside le Conseil français de l'énergie

Publié le 25/06/2016

4 min

Publié le 25/06/2016

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Après plus de vingt ans d’embargo, l’accord sur le nucléaire signé le 14 juillet 2015 à Vienne marque le grand retour de l’Iran sur la scène internationale. Ce pays millénaire dispose d’un potentiel de ressources considérable, en gaz et en pétrole notamment.

Par Laura Icart

L’Iran détient l’une des plus importantes réserves de gaz du monde, environ 17 % des réserves mondiales renfermant 34 000 milliards de mètres cubes de gaz. Si la production gazière n’a cessé d’augmenter depuis la révolution iranienne (1979), les sanctions ont affecté le développement du secteur gazier, notamment les projets d‘exportations de gaz via des gazoducs ou sous forme de GNL. Où en est l’Iran aujourd’hui ? Quel est son potentiel ? Pour quelles échéances ? Et quel sera la place des entreprises françaises dans un pays où les besoins techniques et technologiques sont importants mais où les incertitudes politique et économiques demeurent.

Olivier Appert préside le Conseil français de l’énergie, comité français du Conseil mondial de l’énergie. Il est également délégué général de l’Académie des technologies et chercheur associé à la section énergie de l’Institut français des relations internationales (Ifri).

Quel est le potentiel de l’Iran en termes de production de  gaz ?

Son potentiel est considérable ! Deuxième réserve mondiale derrière la Russie, ses réserves – dont une grande partie (40 %) se trouve dans le gisement de South Pars découvert en 1990 – sont en partie inexploitées. À l’heure actuelle, la majorité du gaz produit en Iran sert à couvrir la consommation intérieure, une part non négligeable est réinjectée dans la production de pétrole, enfin une petite part est encore brûlée. L’exportation est anecdotique et principalement dirigée vers la Turquie. L’élément essentiel à mon sens pour que l’Iran développe et augmente sa production est la levée effective des sanctions. En effet elle permettrait à l’Iran d’augmenter sa production à travers des investissements mais aussi avec la mise en place de technologies de pointe, en berne dans le secteur énergétique depuis la révolution. L’incertitude quant à la levée de l’embargo par les États-Unis et la remise en place des sanctions si le pays manque à ses obligations, même s’il n’y a pas d’effets rétroactifs sur les contrats signés, fait tout de même peser une épée de Damoclès sur les contrats à long terme et limite donc l’appétit des investisseurs et de ce fait le développement de sa production de gaz.

Quelle échéance pour un gaz iranien en Europe ?

Pour le moment il est prématuré de parler d’une quelconque échéance pour un gaz iranien en Europe, notamment parce qu’il n’y a pas les infrastructures nécessaires et parce que le prix du gaz sur le marché mondial n’est pas forcément favorable à de tels investissements. En 2011, l’Iran a signé avec l’Irak et la Syrie un projet visant à exporter du gaz en Europe via un gazoduc offshore depuis le Liban. Au vue de la situation actuelle, quelles sont les chances que ce projet aboutisse un jour ? Surtout dans un contexte de concurrence de l’approvisionnement de l’Europe avec des pays fournisseurs bien installés comme la Russie ou des concurrents qui sont en train d’émerger très fortement comme les États-Unis (GNL) ou encore l’Australie. À court terme, la priorité de l’Iran est l’augmentation de sa production via des nouveaux moyens techniques. Ensuite le plus simple serait d’exporter son gaz vers des pays limitrophes – malgré les tensions politiques récurrentes au Moyen-Orient.

Quelle place sur ce marché pour les multinationales françaises ?

Les entreprises françaises telles qu’Engie ou Total ont toujours été présentes en Iran, même du temps de l’embargo. Il est donc logique qu’elles cherchent à se repositionner aujourd’hui avec l’ouverture du marché et ses nouvelles possibilités. Total est par exemple impliquée dans un projet d‘exportation de GNL de South Pars, mais les investissements sont si importants que la question d’une rentabilité économique au vu d’un marché de plus en plus concurrentiel est clairement posée. Dans le secteur de l’énergie les multinationales se doivent d’avoir une stratégie de long terme, voire de très long terme. L’Iran est un grand pays et son potentiel incontestable, cependant les tensions politiques et techniques avec L’Arabie Saoudite notamment sont un jeu d’équilibriste pour les entreprises qui doivent jongler entre leur attrait pour ce potentiel iranien et la nécessité de maintenir de bonnes relations commerciales avec les Émirats.