Les yeux persans de Total

Publié le 12/07/2017

4 min

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Le 10 juillet 2017, Total a annoncé la signature avec l’Iran d’un accord visant à développer South Pars, le plus grand gisement de gaz naturel du monde, pour un montant total avoisinant les 5 milliards de dollars. Restée en Iran après la révolution, la compagnie française est aujourd’hui en première ligne depuis la levée des sanctions internationales.

Par Laura Icart

C’est fait : Total a finalement signé un contrat sur vingt ans pour le développement de la phase 11 du champ gazier de South Pars, situé à une centaine de kilomètres des côtes iraniennes. Un projet titanesque, dont le groupe pétrolier français sera l’opérateur principal à hauteur de 50,1 %. Sont également actionnaires la compagnie nationale chinoise CNPC (30 %) et la compagnie iranienne Petropars (19,1 %). Un projet mené en plusieurs étapes. La première prévoit la construction de deux plateformes, de trente puits de production et de deux gazoducs reliant le champ aux installations de traitement du gaz situées sur la côte. Cette phase à elle seule devrait coûter près de 2 milliards de dollars, sur les 4,8 milliards estimés pour l’ensemble du développement. Total envisage de financer la moitié de la première phase en fonds propres. Le champ de South Pars devrait permettre de produire 2 milliards de pieds cubes par jour, soit 400 000 barils équivalent pétrole par jour en incluant les condensats qui seront disponibles pour le marché local dès 2021.

Des ressources phénoménales

L’Iran détient les plus importantes réserves de gaz naturel au monde, selon les chiffres publiés le 13 juin 2017 par le BP Statistical Review of World Energy 2017. Avec 33,5 trillion cubic meters (TCM), elles dépassent celles de la Russie (32,3 TCM). Mais pour développer ce potentiel le pays doit recourir aux technologies étrangères.

Total, un ancrage de plusieurs décennies

De mémoire d’Iranien, Total a toujours été considéré comme un précurseur dans le pays, si bien que l’accord signé le 3 juillet dernier ne doit rien au hasard, comme l’explique à Gaz d’aujourd’hui Payam Heidararabi, qui a été responsable de l’ingénierie de développement des phases 9 et 10 du champ gazier de South Pars. « Depuis la révolution, Total a toujours eu un lien très important avec Téhéran. À la fin des années 90, Total a développé les phases 2 et 3 du projet de South Pars. Mais il a surtout construit un contrat type alliant financement, appui technologique et développement de partenariats avec des entreprises locales. » L’ingénieur poursuit : « Ce contrat type a été à la base de toutes les négociations qu’a mené pendant des années l’Iran avec les entreprises étrangères. » Pendant la période des sanctions internationales Total n’a jamais rompu le dialogue avec Téhéran. Il a toujours maintenu une présence dans le pays, même si ce sont des sociétés coréennes qui ont poursuivi le développement du champ gazier, notamment avec des technologies développées par le français Technip.

Une nouvelle base de négociation

Ces dernières années, l’Iran a travaillé longuement à la conception d’un nouveau type de contrat. « Le gouvernement iranien en a d’ailleurs discuté l’année dernière à Londres avec les grandes entreprises gazières et pétrolières internationales »  souligne Payam Heidararabi. « L’objectif était de construire un schéma plus intéressant pour les Iraniens tout en attirant des investissement étrangers. Le contrat avec Total en est le symbole, c’est un partenariat gagnant-gagnant. L’Iran touchera 84 milliards de dollars de revenus pendant vingt ans, contre 13 milliards de dollars pour le groupe français », conclut-il. Le partenariat signé avec Total semble être une belle vitrine pour un pays qui espère, selon son sixième plan de développement, attirer 130 milliards de dollars d’investissements étrangers dans les secteurs pétrolier et gazier.

Quels sont les risques à investir en Iran ?

Au-delà du risque géopolitique illustré par des tensions constantes avec les États-Unis, il y a, selon Payam Heidararabi « un risque interne ». En Iran, le secteur gazier n’est pas encore privatisé, contrairement à celui du pétrole. « Le principal risque pour les investisseurs étrangers réside dans la difficulté à identifier le bon « local partner » », indispensable à la réussite d’un projet. « Incontestablement, les entreprises françaises ont une longueur d’avance », selon Payam Heidararabi, qui explique que les sociétés hexagonales ont « une place privilégiée dans les négociations avec les Iraniens » grâce aux liens historiques qui les unissent.