Ils ont écrits l’histoire du gaz…

Publié le 05/06/2016

8 min

Publié le 05/06/2016

Temps de lecture : 8 min 8 min

Depuis le début de l’histoire moderne, des hommes ont savamment poussé l’énergie gaz à occuper une place prépondérante dans l’histoire industrielle et domestique française et européenne. Par leur talent, leur ingéniosité et leur savoir-faire, ces hommes savants ont contribué à faire de cette énergie l’atout indispensable de la modernité et du confort dans des millions de foyers français.

Par Laura Icart

De Philipe Lebon, qui le premier a détecté le potentiel de la flamme de gaz, au comte de Rambuteau qui a généralisé l’éclairage au gaz à Paris, en passant par l’anglais Murdoch et l’allemand Winsor qui ont œuvré pour son apogée industrielle, sans oublier la folle aventure des frères Montgolfier qui l’ont envoyé dans les airs, beaucoup d’hommes ont étudié, créé et contribué à développer le gaz. Si la primeur de certaines découvertes ou inventions ont pu susciter des polémiques, l’histoire retiendra surtout que c’est l’ensemble de leurs travaux qui a permis l’essor de l’industrie gazière.

 

Le visionnaire

Philippe Lebon (1767-1804)

Philippe Lebon devient ingénieur après de brillantes études à l’école des ponts et chaussées de Paris, dans laquelle il exercera comme professeur de mécanique.
Entre 1785 et 1786,  il invente le gaz d’éclairage en France. Ses travaux l’amènent à mettre en évidence les propriétés des gaz de distillation du bois.
En 1797, après des expériences réussies dans sa maison familiale de Brachay, il construit un appareil de distillation et acquiert la conviction de l’utilité majeure de sa découverte. Il l’exploite par la suite pour l’éclairage et le chauffage, avec une première application par une démonstration d’éclairage à Paris, après avoir obtenu le 28 septembre 1799 un brevet pour son « thermolampe » qui a initié l’éclairage urbain. Il installe pour la première fois ce système dans l’hôtel de Seignelay à Paris, le 11 octobre 1801. Dans une notice, il publie les modalités d’emploi du gaz pour l’éclairage, le chauffage, y compris les problèmes de ventilation, la cuisine et la force motrice. Grâce à ses nombreuses recherches sur l’action du gaz et de la vapeur, Lebon a amélioré le système de la machine à vapeur et notamment le procédé de condensation.

En 1801, Philippe Lebon dépose un brevet pour un moteur à gaz à combustion interne, mais ce moteur reste à l’état de projet. Philipe Lebon meurt prématurément en 1804 sans avoir jamais pu présenter son invention. L’anglais William Murdoch et l’allemand Frederick Albert Winsor se serviront de ses travaux pour développer l’industrie du gaz en France et en Angleterre.

L’érudit

Jan Pieter Minckelers (1748-1824)


Jan Pieter Minckelers est né en 1748 à Maastricht, aux Pays-Bas. En 1783, ce professeur de sciences naturelles à l’université de Louvain s’intéresse à la question des ballons dirigeables, montgolfières et ballons à gaz, vaste sujet chez les scientifiques de l’époque. Dans ses travaux, il essaye de mettre en évidence la meilleure solution pour le gonflage des ballons d’aérostation. Il intègre le comité chargé d’examiner la question du meilleur gaz pour des aérostats. Après de nombreuses expériences, il publie en 1784 un ouvrage intitulé Mémoire sur l’air inflammable tiré de différentes substances, dans lequel il conclut que l’air de houille est la solution la plus adaptée. Il installe même une petite unité de production de gaz de houille dans sa salle de cours de Louvain afin de l’éclairer.

Les conquérants

Joseph (1740-1810) et Étienne Montgolfier (1745-1799)


Joseph et Étienne Montgolfier sont des industriels français, inventeurs de la montgolfière, ballon à air chaud grâce auquel a été réalisé en 1783 le premier vol d’un être humain dans les airs.
Passionnés par les sciences, les frères Montgolfier sont des inventeurs depuis leur plus jeune âge. Durant l’une de leurs expériences, l’idée leur est venue de substituer l’air chaud à l’hydrogène comme gaz d’ascension. Les Montgolfier essayèrent d’abord de faire voltiger de petits ballons en papier dans leur laboratoire. L’expérience fonctionnant, ils décidèrent ensuite de lancer un gros ballon de toile dans le ciel. Après plusieurs expérimentations, le premier vol d’êtres vivants (un mouton, un coq et un canard) dans leur aérostat baptisé «  montgolfière » eut lieu le 19 septembre 1783, devant le roi Louis XVI, à Versailles. Un mois plus tard, d’autres vols eurent lieu avec cette fois-ci des êtres humains à bord. Le 10 décembre 1783, Joseph et Étienne furent nommés membres correspondants de l’Académie des sciences. Le ballon à l’hydrogène restera pendant plus de cinquante ans le maître du siècle, jusqu’à qu’il soit remplacé par le gaz d’éclairage en 1835.

Le pionnier

William Murdoch (1754-1839)


William Murdoch est un ingénieur et inventeur écossais. Il commence sa carrière en 1777 chez les industriels Boulton et Watt à Liverpool où il est chargé notamment d’améliorer le rendement des machines à vapeur. Parallèlement à son travail, il entreprend une série de travaux sur les matières combustibles.
En 1792, il commence son expérimentation des gaz pour l’éclairage, provenant de l’échauffement du charbon et autres matériaux. Ayant suivi de près les travaux de Philipe Lebon, il découvre que le gaz distillé de la houille peut être accumulé dans de vastes réservoirs, purifié par son passage à travers un liquide et enfin dirigé à grande distance des fourneaux générateurs vers les points de combustion où il doit produire dans des becs convenables une lumière plus vive et moins coûteuse que celle dérivée du suif, de la cire ou de l’huile. Il ne rend ses découvertes publiques qu’en 1798. En 1802, il fait une expérience d’éclairage au gaz limitée (entrée de l’usine) chez Boulton et Watt à Soho et, en 1804, il entreprend l’éclairage complet au gaz, extrait de la houille, des vastes usines de tissage Phillips et Lee à Manchester. Le chantier durera trois ans et il en fera une description complète en 1808 devant la Société royale britannique, qui lui décernera sa récompense la plus recherchée.

L’industriel

Frederick Albert Winsor (1762-1830)


Albert Wintzler de son vrai nom, voit le jour en 1762. En 1801, en Allemagne, Frederick Albert Winsor, s’inspirant largement des travaux de Philipe Lebon, publie un essai sur ses expériences d’éclairage produit par la distillation des bois de chêne et de sapin. Il se rend à Londres faire des expériences en public. En 1807, il fonde la «  Gas Light and Coke Compagny », une société d’éclairage général au gaz pour les rues, les usines, les boutiques, les hôtels et les maisons bourgeoises de Londres. En 1814, le brevet de Lebon tombe dans le domaine public. À l’été 1815, Windsor se précipite dans la capitale française pour y déposer une demande de brevet, qu’il obtint en janvier 1816. Il entreprend alors l’éclairage au gaz du passage des Panoramas, à Paris. C’est dans cette ville qu’il fonde en 1817 la première compagnie de gaz. Ruiné après la faillite de son entreprise, il meurt en 1830 et est enterré au cimetière parisien du Père-Lachaise.

Les entrepreneurs

Émile (1800-1875) et Isaac (1806-1880) Pereire


Les frères Pereire, hommes d’affaires, prirent une part active à l’essor du gaz à Paris, notamment lors de la signature le 23 juillet 1855 du traité de concession de l’éclairage et du chauffage au gaz à Paris accordé pour cinquante ans à six compagnies. L’empereur Napoléon III préconise un gaz à bon marché, les banquiers proposent alors une diminution de 25 % du prix du gaz et favorise son développement rapide. En 1861, ils construisent le Grand Hôtel, rue Scribe, sur des plans de Charles Garnier, éclairé par des milliers de becs de gaz.

L’éclaireur

Claude- Philibert Barthelot de Rambuteau (1781-1869)


Haut fonctionnaire de la première moitié du XIXe siècle, le comte de Rambuteau a été conseillé d’État, pair de France et préfet de la Seine de 1833 à 1848. Il a mis en place les premiers éléments de la transformation de Paris et notamment l’essor de l’éclairage au gaz, achevé par le préfet Haussmann sous le Second Empire. Réalisant de nombreux travaux d’embellissement et d’assainissement dans la capitale (première vespasienne en 1840), il acheva l’Arc de Triomphe et généralise l’éclairage au gaz : à son arrivée en 1833, la ville comptait 69 becs de gaz ; on en dénombrait plus de 8 600 à son départ, en 1848.