Le sacre du GNL

Publié le 20/07/2016

8 min

Publié le 20/07/2016

Temps de lecture : 8 min 8 min

Perth, capitale de l’Australie-Occidentale, a accueilli en avril dernier la 18e conférence internationale du gaz naturel liquéfié (GNL) organisée par l’Union internationale de l’industrie du gaz. Quatre jours de conférence durant lesquels 2 000 congressistes et plus de 6 000 visiteurs ont évoqué le futur d’un secteur en pleine expansion.

Par Laura Icart

Trois ans après l’euphorie qui avait marqué la 17e édition à Houston, LNG 18 s’est ouvert sur les terres australiennes dans un contexte économique marqué à la fois par la faiblesse du prix de vente du gaz sur le marché mondial mais aussi par la mise en service de sept nouveaux projets de liquéfaction en Australie. Ces projets, qui représentent un investissement de près de 200 milliards de dollars australiens (d’ici 2019-2020), devraient faire de l’Australie, à cet horizon, le premier exportateur mondial de GNL devant le Qatar. Avec une croissance économique de 3,7 % et un taux de chômage descendu à 5,7 %, les Australiens soutiennent très fortement le développement de cette énergie devenue le symbole ces dernières années de la bonne santé de leur secteur industriel.

Ils ont marqué LNG 18

De nombreux chefs d’entreprises, responsables politiques et spécialistes internationaux de l’énergie se sont succédés lors de ce congrès. Retours sur les quelques faits marquants et les messages importants à retenir.

Pour John Watson, PDG de l’entreprise américaine Chevron, l’industrie du gaz doit se fixer comme objectif prioritaire de réduire le prix du gaz et de le rendre plus abordable pour approvisionner aux meilleures conditions ceux qui sont encore privés d’énergie. Un discours en contradiction avec ceux des PDG de Shell, Ben Van Beurden et de Total, Patrick Pouyanné, qui soutiennent l’idée d’un prix du carbone capable de réduire les émissions de CO2 afin de privilégier la consommation de gaz par rapport au charbon et répondre ainsi aux exigences des conclusions de la dernière conférence climatique COP 21. La différence, voire même la fracture entre les compagnies américaines réticentes à toute idée de taxation additionnelle et les autres grandes compagnies notamment européennes qui réclament, de leur côté, la mise en place rapide d’une taxe carbone afin de rétablir l’avantage compétitif du gaz sur le charbon, est plus qu’évidente.

De nombreux axes de croissance

Patrick Pouyanné imagine de nouveaux développements pour le GNL dans un avenir proche, avec des investissements qui pourraient ainsi se réaliser à contre cycle dans la situation actuelle de baisse des coûts. « L’industrie doit savoir être patiente mais elle doit également savoir anticiper et décider des projets qui seront mis en production en 2020-2025 et au-delà. Il faut investir quand les prix de l’énergie sont peu élevés car c’est là que les coûts sont les plus bas. Il faut prendre garde tout de même à ne pas introduire de nouvelles règles qui seraient des restrictions aux exportations de GNL au profit du marché domestique » a déclaré le PDG du groupe français. Cette crainte vient du fait que le marché domestique australien souffrirait d’un manque de gaz et que sous la pression de certains gros consommateurs industriels australiens, les responsables politiques pourraient être tentés d’instaurer des quotas pour le marché local.

Le ministre australien des Ressources Josh Frydenberg prévoit que son pays approvisionnera en 2020 40 % du marché chinois, 40 % des besoins du Japon et 25% des besoins de la Corée. Il a insisté sur cinq points sur lesquels le gouvernement australien doit concentrer ses efforts : les relations avec les industriels, la réforme fiscale, le développement des infrastructures, la dérégulation et la balance commerciale.

Alexandre Medvedev, vice-président de Gazprom, a une nouvelle fois rappelé que les producteurs ont besoin de contrats long terme pour financer leurs projets, insistant sur le fait que le hub pricing n’était pas la solution puisqu’il estime que le gaz n’est pas une commodité suffisamment mature. En revanche, il imagine bien à terme un hub européen pour le GNL à Saint-Pétersbourg.

Enfin, le PDG de Woodside, Peter Coleman, prédit qu’investir dans les centrales électriques et les petits terminaux de regazéification en faisant du bunkering de GNL peut stimuler la demande. Il envisage en particulier de développer de tels projets dans la région de Perth pour permettre l’approvisionnement en GNL dans des zones encore inaccessibles au réseau gazier. Les opérateurs ont de leur côté soulevé un point essentiel, celui de la nécessité d’établir une relation de qualité avec les communautés vivant près des infrastructures. L’Australie, première concernée, est un bon exemple, elle qui s’efforce de protéger les communautés aborigènes nombreuses et influentes, notamment dans les nouvelles zones de production de gaz.

Plusieurs recommandations

En résumé, si des points de désaccords sont apparus lors de ce congrès, de nombreuses recommandations ont fait l’objet d’un véritable consensus entre responsables politiques et industriels telles que la diminution de la régulation, l’accélération des procédures d’autorisation, la réduction des coûts de production mais également la mise en place d’un système fiscal qui encourage l’investissement, l’entreprenariat et la création d’emploi. Il a été naturellement souligné l’importance d’encourager l’innovation pour que se renforce la part du gaz naturel dans la matrice énergétique, de mettre en valeur les qualités intrinsèques du gaz au regard non seulement des émissions de CO2 dans la génération d’électricité, mais des émissions de particules et d’oxydes de soufre et d’azote qui polluent l’air des grandes agglomérations et enfin d’être en mesure d’évaluer avec fiabilité les émissions de méthane. Ce dernier point devra faire l’objet d’une coopération internationale sur des bases scientifiques crédibles afin de pouvoir obtenir des données irréfutables.

Et de nombreux atouts

En dépit de prix bas sur les marchés mondiaux, les perspectives de développement des marchés de GNL restent encourageantes pour plusieurs raisons. En effet les niveaux de prix actuels ouvrent de nouvelles perspectives de marché pour le GNL, y compris dans de nouveaux pays comme le Pakistan, l’Égypte, la Jordanie ou le Ghana dont personne n’imaginait il y a trois ans qu’ils pourraient devenir importateurs.

Le gaz, parce qu’il est abondant, accessible, abordable et acceptable d’un point de vue environnemental, se présente comme la seule énergie fossile capable de répondre aux exigences de lutte contre le changement climatique en accompagnement le développement des énergies renouvelables. Enfin, avec une offre qui excède la demande à un moment où le GNL des projets australiens et américains s’apprête à approvisionner les marchés, ces quantités additionnelles pourront être écoulées grâce aux capacités actuellement disponibles dans les infrastructures de liquéfaction et de transport des pays consommateurs.

Le prochain congrès mondial LNG 19 aura lieu en avril 2019 à Shanghai, dans un pays porteur de beaucoup d’espoirs pour la consommation gazière de la zone Asie-Pacifique. La Russie accueillera quant à elle la 20e édition de la conférence mondiale du GNL en 2021, à Saint-Pétersbourg. Gageons que

 

L’Union internationale de l’industrie du gaz (IGU) a publié le 8 avril un rapport sur la situation de l’industrie du GNL dans le monde
Le commerce du GNL a atteint 244,8 millions de tonnes (Mt) en 2015, en hausse de 4,7 Mt par rapport à 2014. C’est la meilleure année pour l’industrie du GNL dépassant ainsi le précédent record de 241,5 Mt obtenu en 2011. Bien que le bassin du Pacifique demeure la principale source de la demande, la croissance a été tirée par l’Europe et le Moyen-Orient. Les nouveaux marchés de regazéification apparus en Égypte, en Jordanie, au Pakistan et en Pologne, ont pu bénéficier de prix historiquement bas. La baisse des prix du pétrole et la faiblesse de la demande croissante de la zone Asie-Pacifique ont amené tous les marqueurs des prix mondiaux de GNL à baisser en 2015, passant d’une moyenne de 15,60 dollars/million de MBTU (million british thermal units) en 2014 à 9,77 dollars/million de MBTU en 2015. Le gaz naturel représente environ un quart de la demande mondiale en énergie. L’industrie du GNL s’est considérablement développée, notamment au travers des différents projets mis en place en 2015 avec des infrastructures compétitives permettant à la fois de répondre à l’amélioration de la sécurité énergétique et à une demande en forte croissance…