Le marché du gaz en eau profonde se développe

Philip Hagyard, Senior Vice President Gas Monetization, Technip

Publié le 12/11/2016

8 min

Publié le 12/11/2016

Temps de lecture : 8 min 8 min

Par Laura Icart

Philip Hagyard travaille chez Technip depuis trente-quatre ans. Senior Vice President Gas Monetization au sein du groupe, il est un fin connaisseur du marché gazier.

Quels sont les principaux marchés pour Technip dans le monde ?

Philip Hagyard : Technip est une entreprise internationale, capable de répondre à des appels d’offres relatifs principalement à l’industrie de l’énergie, quel que soit le pays et ce sur l’ensemble de la chaîne de valeur, c’est à dire dans l’amont et l’aval pétrolier. Dans la pratique, en ce qui concerne le gaz,  nous travaillons plutôt dans les pays où se trouvent de grands champs de gaz naturel, condition nécessaire à des projets importants, liés à l’export et parfois à la pétrochimie dans le pays. Historiquement, nous avons surtout travaillé en Afrique du Nord, en ex-URSS et au Moyen-Orient – le Qatar et les Émirats arabes unis. Aujourd’hui nous sommes présents en Amérique du Nord où la croissance considérable de la production de gaz de schiste a créé d’importantes opportunités pour Technip dans le domaine de la pétrochimie, dans le grand nord russe avec le projet Yamal, ainsi que l’Asie-Pacifique et  l’Australie – principalement pour le FLNG [gaz naturel liquéfié flottant, NDLR]. En regardant devant nous, parmi les nouveaux marchés gaziers figure notamment celui du gaz en eau profonde. Depuis quelques années, des réserves importantes de gaz de bonne qualité ont été découvertes dans plusieurs nouveaux territoires : l’Afrique de l’Est (Mozambique, Tanzanie) en premier lieu, suivie par la Méditerranée orientale et plus récemment l’Afrique de l’Ouest (Sénégal et Mauritanie).

Pour quelles raisons fait on appel à vous dans le secteur gazier ?

Sans vouloir généraliser, nos clients font appel à nous lorsqu’ils font face à un niveau de complexité élevé. Bien souvent, cette complexité s’explique par une combinaison de facteurs liés à la technologie, à l’environnement et à la taille du projet. Cela ne nous empêche pas d’être impliqués sur des projets plus traditionnels, au travers de certaines de nos filiales. Sur le plan technologique, le nom de Technip est associé à la liquéfaction de gaz naturel depuis toujours. Aujourd’hui, nous sommes l’un des principaux contracteurs sur technologie Air Products, mais il nous arrive aussi de travailler sur d’autres technologies choisies par le client. Notre particularité en GNL relève de la grande diversité de taille des projets, des technologies employées et des lieux de réalisation. Le FLNG est un domaine dans lequel Technip détient une position unique parmi ses pairs, avec la réalisation de deux des trois premières applications de cette technologie. Dans le domaine du GTL (gaz to liquids), nous avons des liens étroits avec le procédé vedette, le SSPD (« Sasol Slurry Phase Distillate Process »™). Notre division « Process Technologies » est à l’origine des réacteurs FT en suspension de Sasol, qui constituent la pièce maîtresse de cette technologie. Par ailleurs, nous réalisons de façon exclusive les avant-projets détaillés de ces unités pour Sasol. Grâce aux efforts de développement menés conjointement  avec Sasol sur  des concepts d’usine et d’intensification de la production par réacteur, nous offrons via cette technologie des solutions très intéressantes en matière de monétisation du gaz, soit pour des investisseurs disposant de ressources gazières mais pas pétrolières, soit lorsque le prix du pétrole est élevé par rapport à celui du gaz. Enfin, dans le cadre de notre activité de licensing, nous proposons depuis quelques années une famille de procédés pour le fractionnement des gaz naturels, sous le nom de marque Cryomax.

Sur le plan technologique, le nom de Technip est associé à la liquéfaction de gaz naturel depuis toujours.

Parlez-nous de la technologie Cryomax développée par votre société ?

Le gaz naturel contient souvent des quantités intéressantes d’éthane, de propane, de butane et condensats. L’extraction de ces constituants souvent groupés sous l’acronyme LGN [liquides de gaz naturel, NDLR] est souhaitable afin de mieux valoriser la ressource. Les procédés Cryomax permettent une récupération élevée d’éthane et de propane – jusqu’à 99 % – grâce à un fractionnement à basse température et à pression réduite. Conçus autour d’équipements disponibles chez plusieurs fabricants, permettant ainsi de rester très compétitifs, les procédés sont caractérisés par l’utilisation de turbo-expandeurs couplés à une colonne de distillation munie d’un ou de plusieurs reflux.

En quoi consiste le protocole d’accord d’élaboration de solutions digitales que vous avez signé avec GE oil & Gas ?

Une unité de liquéfaction de gaz naturel est candidate à la digitalisation pour plusieurs raisons. On demande une grande régularité de production, les usines sont complexes et elles se situent souvent dans des endroits isolés. GE dispose de sa plateforme Predix et Technip, maître d’œuvre de projets de GNL importants, connaît ces aspects mieux que quiconque aux yeux de GE. Nous explorons ensemble des solutions digitales axées sur l’ingénierie, la construction, la mise en service et les phases opérationnelles des installations de GNL ayant pour objectif d’améliorer la productivité et la maintenance de ces installations.

Quelles sont les raisons de la présence importante de Technip en zone Asie-Pacifique ?

Présent en Asie-Pacifique depuis 1982 – année au cours de laquelle le groupe s’est établi en Malaisie, Technip est aujourd’hui l’un des plus grands contracteurs pétrole et gaz présents dans ce pays. Le siège du groupe dans cette région appelée également « Apac » est d’ailleurs basé à Kuala Lumpur. Nos investissements y ont été significatifs avec notamment la création d’Asiaflex, la seule unité de fabrication de conduites flexible en Asie du Sud-Est. Elle sert les marchés des mers profondes à peu profondes, ainsi que les marchés de surface. Nous avons réalisé de très nombreux projets – des complexes pétrochimiques aux raffineries, en passant par les développements sous-marins. Nous sommes présents en Australie depuis plus de vingt ans. À travers nos centres opérationnels et d’ingénierie, nous sommes également basés en Chine, en Thaïlande, au Vietnam et en Indonésie. Nous avons participé directement à l’intégralité des développements en eaux profondes en Asie du Sud-Est et en Océanie ainsi qu’aux deux projets de GNL flottants – Petronas FLNG Satu & Shell Prelude. Technip a également été impliqué dans l’amont de projets gaziers importants tels que Gorgon et Wheatstone pour Chevron en Australie,  Ichthys pour Inpex en Australie ou encore Jangkrik pour ENI en Indonésie.

Technip a remporté le 26 juillet aux USA un contrat cadre de services auprès de SCT&E LNG, Inc. Quelle place occupez-vous sur le marché américain ?

Sur le territoire américain, ce sont historiquement les activités subsea qui ont été dominantes. Aujourd’hui, nous y avons une activité dans la plupart des domaines de Technip, y compris en gaz. Dans le domaine du GNL nous avons notamment réalisé le FEED [contrat d’ingénierie d’avant-projet détaillé, NDLR] pour le « Lake Charles Liquefaction Project » de BG (désormais Shell). Ce nouveau contrat s’inscrit dans notre offre de diversification et de services, nous permettant d’être plus proches de nos clients aux États-Unis.

Quels projets menez vous actuellement en Amérique du Sud ? 

Nos références en gaz en Amérique du Sud sont surtout situées au Venezuela, mais aujourd’hui les investissements dans ce pays sont faibles. Nous sommes très actifs sur le continent avec Libra au Brésil (pétrole offshore) et nous venons de terminer « Etileno XXI », un vapocraqueur important au Mexique.

« Le marché africain est promis à une forte progression. »

Et sur le continent africain ? 

Le marché africain est promis à une forte progression. Nous suivons très activement plusieurs projets en Afrique de l’Est et nous nous intéressons aux récentes découvertes de gaz au large du Sénégal et de la Mauritanie.

Technip va fusionner dans les prochains mois avec l’américain FMC Technologies pour former un géant mondial de l’industrie du pétrole et du gaz. Avec cette fusion, quelles sont vos ambitions ?

Notre ambition est de créer un leader des segments subsea, surface et onshore/offshore qui s’appuie sur des technologies et innovations de pointe. Ensemble, nous allons développer une offre étendue et modulable sur nos marchés, de la conception à la livraison du projet et au-delà. Notre portefeuille élargi de solutions permettra de favoriser l’innovation, d’améliorer la réalisation, de réduire les coûts et de contribuer au succès des clients. TechnipFMC réunit deux leaders complémentaires et leurs talents, et capitalise sur le succès avéré de l’alliance existante et de la co-entreprise Forsys Subsea, permettant ainsi une intégration rapide.