le gaz est un outil de développement économique et de gestion environnementale responsable

David Carroll

Publié le 22/10/2017

14 min

Publié le 22/10/2017

Temps de lecture : 14 min 14 min

David C. Carroll, président de l’Union internationale du gaz (UIG)  compte bien inscrire le gaz dans débat international sur le futur bouquet énergétique. Il souhaite amener les décideurs politiques  à considérer le gaz comme un outil de développement économique et de gestion environnementale responsable. Explications.

Propos recueillis par L.I

Quels sont les grands enjeux et les grands objectifs de votre présidence de l’UIG ?

C’est un honneur de servir et diriger l’UIG, qui regroupe associations et sociétés gazières de quatre-vingt-dix pays et représente près de 97 % de la production, du transport et de l’utilisation du gaz naturel dans le monde. Les États-Unis ont le privilège de succéder à la présidence française très réussie, sous la conduite dynamique de M. Jérôme Ferrier. Notre objectif principal est assez simple. Faire entendre la voix du gaz dans le débat international sur le futur bouquet énergétique et amener les décideurs politiques du monde entier à considérer le gaz comme un outil de développement économique et de gestion environnementale responsable. Pour atteindre cet objectif, nous devons privilégier un dialogue direct avec les hauts responsables, des études de cas bien documentées, riches en données et recommandations politiques, et une présence digitale renforcée permettant à un large public d’accéder à l’information. Deuxièmement, nous avons pour ambition d’apporter une valeur ajoutée exceptionnelle à nos associations et sociétés gazières membres. Nos membres veulent s’informer et renforcer leurs connaissances, réseauter avec leurs pairs du monde entier et améliorer les pratiques d’exploitation et de gestion de notre industrie avec, en ligne de mire, la sécurité et l’efficacité de nos clients. Enfin, la présidence de l’UIG étant actuellement assurée par les États-Unis, il nous appartient d’accueillir le Congrès mondial du gaz, un événement de grande ampleur et à fort impact qui rassemble des personnalités de premier plan de l’industrie, du monde politique et d’autres parties prenantes du monde de l’énergie. Inscrivez ces dates dès maintenant dans votre agenda ! Cet événement se tiendra à Washington, D.C., du 25 au 29 juin 2018, à l’occasion du 100e anniversaire de l’American Gas Association. Les préparatifs sont bien avancés et laissent augurer un congrès mémorable.

Justement, où en êtes-vous de l’organisation du prochain Congrès mondial du gaz ? Quelles en seront les grandes thématiques ?

Les préparatifs du Congrès mondial du gaz (WGC) 2018 vont bon train. Plus de 90 % de l’espace du salon ont déjà trouvé preneur. Le hall d’exposition se compose de pavillons consacrés à des pays, ainsi que de pavillons spéciaux consacrés aux thèmes suivants : « robotique et automatique », « énergies renouvelables et gaz naturel », « showcase America » et « gaz naturel pour le transport ». Pour la conférence, 40 intervenants de haut vol ont déjà confirmé leur présence – tous exercent des fonctions de PDG ou de ministre, ou des fonctions équivalentes. Nos 22 sessions-débats sur les questions stratégiques (« current debate ») sont en cours de finalisation et la date limite de soumission des résumés est fixée au 1er septembre. Nous avons reçu un nombre considérable de pré-inscriptions, le tarif préférentiel étant valable jusqu’au 31 janvier 2018. Nous sommes en contact avec des décideurs politiques du monde entier, lesquels devraient être présents en force au WGC 2018. Organisé dans une ville depuis longtemps reconnue comme le centre névralgique des décideurs politiques à l’échelle internationale, le WGC 2018 aura pour thème « fueling the future » et saura, espérons-le, mettre en évidence les opportunités de croissance du marché gazier mondial, même dans un monde sous contrainte carbone.1

« Nous sommes en contact avec des décideurs politiques du monde entier, lesquels devraient être présents en force au WGC 2018. »

Il y a de forts enjeux autour des fuites de méthane. Quelle est la position de l’UIG à ce sujet ?

La réduction des gaz à effet de serre qui contribuent au changement climatique est une priorité pour l’UIG et ses membres. Il importe de veiller à ce que le gaz conserve un rôle de premier plan dans le bouquet énergétique mondial. L’UIG reconnait l’importance de la réduction des émissions de méthane issues de la chaîne de valeur du gaz et a créé une task force qui travaillera en étroite collaboration avec l’industrie dans le but de : renforcer la confiance dans l’exactitude des processus de mesure, quantification et déclaration des émissions de méthane ; réduire systématiquement les émissions de méthane grâce aux bonnes pratiques de gestion opérationnelle, y compris le partage des programmes de détection et réparation des fuites (LDAR) à l’échelle de l’industrie ; soutenir le développement et le déploiement commercial rapides de technologies économiques de détection, mesure et réduction des émissions ; partager dans l’ensemble de la chaîne de valeur les bonnes pratiques favorisant des approches économiques et pragmatiques en matière de mesure, quantification, déclaration et réduction des émissions de méthane.

« L’UIG reconnaît l’importance de la réduction des émissions de méthane issues de la chaîne de valeur du gaz et a créé une task force qui travaillera en étroite collaboration avec les industriels. »

Au travers d’études dédiées, l’UIG milite pour l’adoption du gaz naturel dans les mégapoles qui selon vous contribue nettement à réduire les émissions de gaz à effet de serre et les polluants atmosphériques. Avez-vous l’impression que les dirigeants des grandes mégalopoles intègrent de plus en plus les enjeux autour de la qualité de l’air dans le choix de leur politique énergétique ?

La qualité de l’air est une priorité de notre présidence depuis le début. Les effets sur la santé et la qualité de vie imputés à la mauvaise qualité de l’air par l’Organisation mondiale de la santé, les Nations Unies et d’autres organisations sont véritablement effarants. Et nous estimons que ce problème a parfois été négligé par les décideurs politiques et les autorités du monde de l’énergie. Les risques liés à la mauvaise qualité de l’air, en particulier les effets à long terme des particules fines, sont trop grands pour que l’on puisse les ignorer. Un nombre croissant de villes s’attaquent de front au défi de la qualité de l’air. Au cours des dix-huit derniers mois, l’UIG a fait paraître plusieurs publications comprenant des études de cas sur des villes du monde entier. Nous avons ainsi documenté des améliorations de la qualité de l’air découlant de la mise en œuvre de plans basés sur la substitution des carburants, les systèmes à haute efficacité énergétique et les modes de transports alternatifs. Ces études de cas sont disponibles sur notre site web et comportent également de recommandations politiques. Le dernier rapport que nous avons remis à la présidence allemande du G20 porte sur le transport maritime et identifie les opportunités et obstacles associés à la réduction de la pollution dans les villes portuaires attribuée à la combustion des fuels lourds. Dans certaines villes portuaires telles que Hong Kong, le trafic maritime est responsable de la moitié des polluants toxiques. Cela devrait suffire à attirer l’attention des responsables gouvernementaux. Et les décideurs politiques réagissent. Par exemple, l’Organisation maritime internationale a décidé de réduire le taux de soufre dans le carburant marin dès 2020. L’application rigoureuse de cette nouvelle norme devrait se traduire par un air plus propre et un recours accru au gaz dans ce secteur.

« Les effets à long terme des particules fines, sont trop grands pour que l’on puisse les ignorer. Un nombre croissant de villes s’attaquent de front au défi de la qualité de l’air. »

Ces dix dernières années, les échanges gaziers internationaux ont bondi de 58 % par rapport à une augmentation de la consommation de 31 %. Le marché gazier s’internationalise de plus en plus. Quels sont les grands enjeux géostratégiques des prochaines années pour votre industrie ?

Nous observons une hausse des échanges mondiaux de GNL : il représente aujourd’hui plus d’un tiers du commerce mondial et devrait dépasser les 50 % d’ici 2040, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Le GNL a enregistré une croissance plus de deux fois supérieure à la croissance de la demande de gaz, avec une augmentation substantielle du nombre des exportateurs et importateurs ces cinq dernières années. Encourager la poursuite de la construction d’infrastructures, gérer le risque d’investissement et appliquer des technologies innovantes contribueront à une baisse des coûts et à des économies d’échelle. Un autre défi est la sécurité de la demande. Nous devons veiller à ce que les politiques énergétiques permettent aux utilisateurs du gaz naturel de profiter de ses avantages. L’UIG n’a pas ménagé ses efforts pour délivrer des informations et des recommandations politiques pertinentes aux décideurs politiques clés internationaux et nationaux concernant le rôle du gaz dans le futur bouquet énergétique. Nous devons continuer à travailler ensemble en tant qu’industrie et avec nos clients des secteurs de l’électricité, du transport et autres afin d’améliorer l’efficacité et la performance globale. Cela signifie plaider en faveur de politiques qui reflètent le rôle crucial joué par le gaz en tant que complément flexible d’autres sources énergétiques, y compris les énergies renouvelables intermittentes. L’industrie doit rester déterminée à investir dans la chaîne de valeur du gaz naturel afin de se prémunir contre les chocs d’offre qui pourraient saper la confiance en la sécurité de l’offre et/ou provoquer des hausses de prix.

L’UIG s’est beaucoup engagée sur la scène internationale ces dernières années, en affichant sa volonté de travailler avec de grandes institutions comme l’ONU ou la Banque mondiale. Quel premier bilan dressez-vous de cette nouvelle approche ?

L’UIG travaille depuis longtemps en collaboration avec des décideurs politiques influents afin de faire évoluer les choses de façon positive. Nous allons poursuivre dans cette voie. Les Nations unies et la Banque mondiale méritent d’être félicitées pour les efforts qu’elles déploient en vue d’améliorer la qualité de vie des citoyens partout dans le monde. L’accès à une énergie abordable constitue un élément critique de cette démarche. L’énergie permet de meilleures opportunités éducatives, de meilleurs soins de santé, un environnement plus sûr, un air plus propre et de meilleures opportunités économiques. Cependant, pour atteindre ces résultats désirés, il faut construire des infrastructures énergétiques de toutes sortes, allant des énergies renouvelables aux combustibles fossiles. Construire des infrastructures demande des investissements, mais il n’y a pas d’investissements sans investisseurs motivés et solvables et sans un environnement réglementaire prévisible, soutenu par des perspectives de demande favorables. Les politiques et les programmes de la Banque mondiale et des Nations unies destinés à consolider des éléments du processus de prise de décision d’investissement ont un impact clair et direct sur la construction d’infrastructures. L’UIG coopère avec les deux organisations sur différents fronts : elle apporte un soutien et fournit des informations aux décideurs politiques clés et rapproche l’industrie des communautés afin d’améliorer l’accès à une énergie abordable, permettant ainsi à chacun de profiter des avantages que le gaz naturel peut apporter.

Les membres de l’UIG représentent 90 % du marché mondial du gaz. Quels rôles doivent-ils jouer pour l’accès à l’énergie dans les pays du Sud ?

Nos membres actuels doivent continuer à encourager l’engagement actif des nouveaux membres, en leur montrant de façon concrète les formidables avantages qu’ils peuvent tirer de leur adhésion à l’UIG, tels que réseauter avec des pairs du monde entier, identifier des opportunités potentielles de marché, partager des connaissances technologiques et des pratiques opérationnelles et établir des partenariats formels et informels. Nous devons faire en sorte que les décideurs politiques des régions développées prennent toujours en compte les défis et opportunités uniques associés au monde en développement à l’heure de décider de soutenir la construction d’infrastructures énergétiques dans d’autres régions. Des facteurs locaux tels que le type et la quantité de ressources énergétiques locales, la maturité de l’environnement règlementaire, le niveau de qualification de la main d’œuvre, la situation en matière de sécurité et le profil de risque de l’investissement influent sur la capacité d’un pays à élargir l’accès à une énergie abordable. Les sociétés les plus avancées ont fortement bénéficié d’un éventail diversifié de ressources d’énergie et des investissements réalisés au fil des ans. Le gaz a contribué pour une large part à ce succès et devrait être le combustible de base pour les décennies à venir.

 « Aux États-Unis, j’ai le sentiment que l’administration actuelle reconnaît et soutient activement les contributions du gaz naturel à l’économie et à notre environnement. »

En Europe, le marché américain est surtout synonyme de gaz de schiste. Quelle est la place du gaz naturel aux États-Unis ? Cette place peut–elle évoluer sous la présidence Trump ?

Il est vrai qu’aujourd’hui aux États-Unis la production de gaz naturel et la consommation de gaz naturel atteignent des niveaux record, et la marge de progression est énorme. Les perspectives pour le secteur gazier demeurent très favorables aux États-Unis. Aujourd’hui, le gaz naturel représente environ 28 % de la production d’énergie directe, et ce chiffre devrait atteindre 40 % d’ici 2040 selon le rapport « AEO2017 » de l’Energy Information Agency (EIA) américaine. Le gaz de schiste est bien entendu un élément moteur. Plus de la moitié du gaz produit aux États-Unis provient des ressources de schiste. Selon les prévisions de l’EIA, le gaz de schiste représentera les deux tiers de la production de gaz d’ici 2040. Les avancées rapides dans la caractérisation des ressources, les techniques de production et les pratiques d’exploitation font de cette ressource critique un combustible plus compétitif que jamais. Le Potential Gas Committee, en collaboration avec l’American Gas Association (AGA), a publié récemment son rapport biennal 2016, lequel indique que les États-Unis possèdent des ressources techniquement récupérables de gaz naturel d’environ 2 817 billions de pieds cubes (Tcf) restant à découvrir, soit une hausse de 12 % par rapport aux niveaux record mentionnés dans le précédent rapport 2014. La croissance de la demande de production d’électricité, le secteur industriel et le marché d’exportation émergent de GNL contribueront à une hausse significative de la demande. L’industrie et les décideurs politiques considèrent le gaz comme une voie sûre pour maintenir la compétitivité économique et parvenir à un environnement plus propre. J’ai le sentiment que l’administration actuelle à Washington reconnaît et soutient activement les contributions du gaz naturel à l’économie et à notre environnement. La révolution du gaz de schiste américain n’en est qu’à ses débuts.