Le bel avenir du gaz selon l’AIE

Publié le 15/11/2017

7 min

Publié le 15/11/2017

Temps de lecture : 7 min 7 min

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a publié le 14 novembre son traditionnel World Energy Outlook (WEO). Dans un monde énergétique en profonde mutation, l’AIE indique que le gaz naturel deviendra « plus important que jamais dans le mix énergétique mondial ». Une affirmation qui n’a pas été sans réjouir la communauté gazière mondiale. Analyse.

Par Laura Icart

« Le WEO de cette année est extrêmement positif pour l’industrie du gaz naturel, soulignant le rôle absolument essentiel que nous devons jouer dans le mélange énergétique mondial en fournissant un carburant abordable, polyvalent et durable », a déclaré David Carroll, président de l’Union international du gaz (UIG) quelques heures après la publication du WEO 2017. Il faut dire que cette année l’AIE a mis en avant dans son étude « la forte dimension environnementale » du gaz naturel et a loué « les multiples rôles du gaz naturel dans le système énergétique », même si elle tempère ses propos en expliquant que l’utilisation du gaz naturel en tant qu’outil de décarbonation dépend d’une « action crédible » de l’industrie gazière pour lutter contre les fuites de méthane dans le système.

Une place de choix pour le gaz naturel ?

Selon l’AIE, la consommation mondiale de gaz devrait croître à un taux moyen de 1,6 % par an jusqu’en 2040 – une projection de croissance bien plus élevée que le pétrole ou le charbon – et devrait représenter le quart de la demande énergétique mondiale. L’AIE souligne que les aspects environnementaux du gaz naturel et notamment sous sa forme carburant – qui libère 40 % de CO₂ en moins que la combustion du charbon et 20 % de moins que la combustion du pétrole – sont un atout significatif et peuvent jouer un rôle important dans l’amélioration de la qualité de l’air urbain et la réduction de la pollution atmosphérique. Un atout de taille lorsque l’on sait que près de 9 millions de personnes décèdent dans le monde à cause de la pollution de l’air (directement ou indirectement), soit un sixième des décès à l’échelle mondiale. Dans certaines villes comme New Delhi, les taux de particules sont quarante fois supérieurs aux recommandations de l’OMS. Si l’industrie gazière a pris conscience de la nécessité d’atténuer les émissions de méthane en menant ces derniers mois des actions pour les mesurer et tenter de les réduire, l’AIE insiste sur la nécessité d’aller plus loin sur cette question et d’apporter des réponses concrètes.

Un scénario de référence profondément modifié

Entre décarbonation et hausse de la demande énergétique, le scénario de référence de l’AIE connait de profonds bouleversements. Pour les comprendre, plusieurs changements importants sont à retenir. En premier lieu, les émissions mondiales de carbone liées à l’énergie augmenteront de 5 % d’ici 2040. La hausse est principalement attribuable à l’utilisation du pétrole et à une augmentation de 20 % des émissions industrielles susceptibles de compenser la baisse des émissions du secteur de l’électricité. Cette hausse, même si elle représente une économie de 600 millions de tonnes (d’ici à 2040) par rapport aux prévisions de l’AIE dans le WEO 2016, nous rappelle que la bataille pour décarboner le secteur de l’énergie est loin d’être gagnée ! D’ici 2040, la demande énergétique mondiale sera supérieure de 30 % à ce qu’elle est aujourd’hui selon l’analyse de l’AIE, qui reconnaît que sans une amélioration de l’efficacité énergétique l’augmentation serait deux fois plus élevée. Les énergies renouvelables et le gaz naturel devraient être les sources de production les plus populaires pour combler l’écart de demande, ce qui équivaut à ajouter une autre Chine et une autre Inde à la demande énergétique actuelle, selon l’AIE. Enfin, l’agence souligne également que les « années fastes » du charbon sont à présent terminées. Au cours des vingt-trois prochaines années, l’AIE prévoit que seulement 400 GW de nouvelle capacité au charbon seront ajoutées dans le monde – à comparer aux 900 GW de ces dix-sept dernières années.

La Chine se verdit

La Chine devrait être la cheville ouvrière de la transition énergétique mondiale autour de laquelle les marchés évoluent, déclare l’AIE dans son rapport. L’utilisation du charbon dans le pays devrait baisser de 15 % jusqu’en 2040, tandis que la demande de gaz naturel augmentera et jusqu’à un tiers des nouvelles énergies éoliennes et solaires du monde trouveront une place en Chine. L’accent mis sur la politique énergétique chinoise s’est carrément déplacé du charbon vers les énergies renouvelables, le gaz naturel et les technologies du réseau dit « intelligent » (smart grids). Les règles d’efficacité énergétique ont contribué à ralentir la croissance de la demande dans le pays au cours des dernières années et continueront de mordre dans la demande d’énergie, qui ne devrait augmenter que de 1 % par an d’ici 2040. « L’accent mis sur les technologies d’énergies propres, en grande partie pour remédier à la mauvaise qualité de l’air, propulse la Chine au rang de leader mondial des véhicules éoliens, solaires, nucléaires et électriques et est à l’origine de plus d’un quart de la croissance consommation de gaz », prédit l’AIE. Autrefois mauvais élève du climat, l’influence grandissante de la Chine pourrait, si elle s’engageait dans des politiques de décarbonisation encore plus importantes, être l’une des clés de l’accélération de la transition énergétique mondiale.

Les États-Unis, maître des schistes

Avec leur révolution des schistes, les États-Unis ont bouleversé et vont continuer à bouleverser durablement l’équilibre des forces sur le marché mondial de l’énergie. L’AIE souligne que la production nord-américaine d’hydrocarbures progresse à un rythme inédit, « supérieur de 50 % à celui jamais atteint par aucun autre pays ». Les États-Unis devraient devenir le premier exportateur mondial de gaz naturel GNL d’ici le milieu des années 2020 et un exportateur net de pétrole d’ici la fin de la prochaine décennie (2030). L’extraction de pétrole de schiste devrait ainsi augmenter de 8 millions de barils par jour entre 2010 et 2025. Dans le gaz, ce sont 630 Gm3 supplémentaires qui seront ajoutés en 2023, par rapport à 2008. Une situation américaine qui contraste de manière frappante avec les ambitions vertes de la Chine, dans un pays où le boom du pétrole et du gaz entraînera des investissements majeurs dans la pétrochimie et d’autres industries énergivores.

Et pour la première fois un scénario développement durable

Malgré des modifications structurelles de premier plan, l’effort consenti par les pays ne permet pas en l’état de répondre aux objectifs fixés par l’ONU pour lutter contre le changement climatique, améliorer la qualité de l’air et de manière plus globale universaliser l’accès à l’énergie. C’est une des raisons qui poussent cette année l’AIE à nous proposer un scénario dit « de développement durable », un scénario collectif pour permettre de rester sous le seuil des 2 °C de réchauffement. Dans ce scénario, les sources à faible émission de carbone doublent leur part dans le mix énergétique à 40 % d’ici à 2040, tandis que les économies mondiales tendent à une amélioration maximale de l’efficacité énergétique avec plus de véhicules électriques et plus de photovoltaïque. Ce scénario implique également un recours plus massif au gaz avec une augmentation de 580 bcm de la demande, si bien que le gaz pourrait représenter près de 20 % de la consommation énergétique mondiale à l’horizon 2030.

L’AIE précise que si toutes les mesures de son scénario étaient mises en œuvre, cela aurait « le même impact sur la réduction de la hausse moyenne des températures de surface en 2100 que la fermeture de toutes les centrales électriques au charbon en Chine ». C’est dire si le défi est important !

 

1,6 %
Taux de croissance de la consommation de gaz naturel jusqu’en 2040.
20 %
de gaz dans la consommation énergétique mondiale d’ici 2030.