« La transition écologique se jouera dans les territoires »

Publié le 11/12/2017

9 min

Publié le 11/12/2017

Temps de lecture : 9 min 9 min

Afin d’accompagner la transition énergétique en France, plusieurs actions vont être mises en place par le gouvernement. Pour Gaz d’aujourd’hui, Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès de Nicolas Hulot, détaille celles destinées à soutenir la filière gaz. Au programme : encouragement du développement du biométhane, du GNL, assouplissement des démarches administratives et incitation à l’exploitation des open data liées à la maîtrise des consommations énergétiques. Présentation.

 

Propos recueillis par Laura Icart

 

 

La loi de transition énergétique pour la croissance verte fixe à 10 % la proportion de biométhane injecté dans le réseau à l’horizon de 2030. La filière biométhane se structure dans notre pays. Quel avenir alloué au biométhane en France ?

 J’ai annoncé le 7 décembre dernier le lancement d’un groupe de travail national chargé de simplifier et de consolider les règles applicables à la méthanisation. La création de ce groupe va servir à nourrir les travaux de la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui tracera la feuille de route de la transition énergétique pour la période 2019-2023. Nous avons d’ores et déjà réduit de 40 % les coûts de raccordement à la plupart des réseaux de distribution de gaz, soit le taux maximum prévu par la loi. Avec cette nouvelle disposition, nous souhaitons accompagner le développement de la filière, notamment en milieu rural.

En France, le potentiel technique de développement du biogaz est estimé par plusieurs études entre 14 et 24 Mtep par an à l’horizon 2040, avec une contribution dans le futur de la gazéification et du power to gas. Ces deux dernières technologies sont régulièrement mises en avant par les acteurs de la filière gazière pour leur potentiel renouvelable. Comment percevez-vous l’émergence de tous ces projets à forte connotation territoriale ?

La lutte contre le réchauffement climatique a deux réponses : l’une au niveau internationale avec les négociations dans le cadre des COP et dernièrement à l’occasion du One Planet Summit organisé par le président de la République à Paris. Et l’autre au niveau territorial à travers l’action des collectivités et des entreprises privées. Ma conviction est que la réussite de la transition écologique se jouera dans les territoires. La neutralité carbone ouvre de nouvelles perspectives pour le secteur privé et en particulier pour les acteurs de la filière gazière. La gazéification et le power to gas sont des innovations qui ouvrent de nouveaux champs d’activité au secteur gazier dans cette nouvelle économie décarbonée.

« La gazéification et le power to gas sont des innovations qui ouvrent de nouveaux champs d’activité au secteur gazier dans cette nouvelle économie décarbonée. »

Si le potentiel de la filière biométhane semble important, de nombreux obstacles existent. Un grand nombre de professionnels de la filière réclament des aides plus concrètes du type l’adaptation du coefficient S pour les sites n’ayant jamais valorisé de biogaz en contrat d’achat, et/ou le passage d’un calcul mensuel des capacités d’injection à un calcul annuel. Comment l’État envisage-t-il de répondre à ces demandes ?

Dans le cadre des débats sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, nous animons un groupe de travail consacré au développement de la méthanisation. Nous allons travailler avec les acteurs de la filière à lever les éventuels freins qui ralentissent le développement de la filière biométhane. Cela pourrait se traduire par exemple par une simplification des règles dans le domaine de la méthanisation.

« Nicolas Hulot prépare un plan d’accélération de la transition énergétique, de l’efficacité énergétique, du développement des renouvelables et des nouvelles filières industrielles, qu’il présentera dans la première partie de 2018. »

Dans le grand plan d’investissement du gouvernement annoncé le 25 septembre par Edouard Philippe, 20 milliards seront alloués à la transition écologique selon trois priorités : la rénovation thermique des bâtiments, les énergies renouvelables et la mobilité durable. Pouvez-vous nous donner plus d’éléments sur la répartition des fonds et les priorités pour les trois secteurs choisis ?

La transition énergétique est la première priorité du grand plan d’investissement (GPI) et mobilisera plus d’un tiers des financements. C’est essentiel pour tenir nos engagements et notamment nous orienter vers la neutralité carbone à horizon 2050. Un premier axe porte sur la réduction des consommations énergétiques à travers la rénovation des bâtiments, qui représentent près de 45 % des consommations d’énergie finale. Ce seront 9 milliards d’euros du GPI qui seront investis pour améliorer l’efficacité énergétique des logements des ménages modestes et des bâtiments publics. Pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, nous devons adopter un nouveau modèle de production d’électricité. Les énergies fossiles ne sont pas notre avenir. Cette évolution se fera progressivement, dans le respect des différents acteurs et la plus grande transparence. Le Premier ministre nous a donné la directive claire de prévoir un accompagnement social, même sociétal, de cette transition énergétique. Nicolas Hulot prépare un plan d’accélération de la transition énergétique, de l’efficacité énergétique, du développement des renouvelables et des nouvelles filières industrielles, qu’il présentera dans la première partie de 2018.

« Dès 2018, l’amortissement fiscal supplémentaire exceptionnel sur les poids lourds fonctionnant au gaz naturel et au biométhane carburant va être étendu aux véhicules de 3,5 tonnes. »

La pollution de l’air occasionne 40 000 morts par an en France. Elle est principalement due au trafic routier. Quelles sont les mesures et les incitations, notamment fiscales, que pourrait mettre en place le gouvernement pour inciter les entreprises et les collectivités à intégrer des véhicules GNV dans leurs flottes ?

Le projet de loi de finances pour 2018 traduit pleinement les ambitions du gouvernement pour accélérer la transition écologique et solidaire. Ainsi, dès 2018, l’amortissement fiscal supplémentaire exceptionnel sur les poids lourds fonctionnant au gaz naturel et au biométhane carburant va être étendu aux véhicules de 3,5 tonnes. De même, cet amortissement pourra également bénéficier aux véhicules fonctionnant au carburant ED95. Cette mesure s’inscrit pleinement dans le cadre du plan climat de Nicolas Hulot et dans notre volonté d’atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050. De plus, le projet de loi de finances pour 2018 prolonge la fiscalité avantageuse accordée au GNV, avec une taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) faible et gelée jusqu’en 2022. Dans le cadre du renouvellement des flottes de l’État, des collectivités territoriales et des taxis et loueurs de voitures, le décret « véhicules propres », paru le 11 janvier 2017, fixe une part minimale de véhicules dits « propres » (dont GNV). Sachez que le cadre d’action national pour le développement des carburants alternatifs fixe des objectifs de points de ravitaillement en GNC et GNL à l’horizon 2025 : 115 points GNC et 25 points GNL.

En novembre, l’armateur marseillais CMA CGM a choisi d’équiper ses neuf nouveaux navires, capables de transporter chacun 22 000 conteneurs, de moteurs fonctionnant au gaz naturel liquéfié. Comment le gouvernement français envisage-t-il de soutenir cette nouvelle filière du GNL carburant ?

Tout d’abord, je tiens à saluer la décision historique du groupe CMA CGM de choisir la motorisation au gaz liquéfié. Cela démontre l’ambition de l’industrie française au service de la transition écologique. Cette décision s’inscrit pleinement dans les suites de l’accord de Paris pour le climat et dans la règlementation adoptée par l’Organisation maritime internationale. Cette décision doit être un encouragement fort pour l’ensemble de la filière, qui doit en particulier permettre de développer rapidement ce type d’avitaillement dans nos grands ports. Dans le cadre d’un plan d’action national pour carburants alternatifs, la France s’est engagée sur un déploiement progressif d’une offre de ravitaillement avec des solutions adaptées à l’évolution de la demande à l’horizon 2025. Ce premier palier de développement vise la mise en place, a minima, sur un port de chaque façade maritime, des conditions réglementaires et opérationnelles nécessaires au soutage du GNL et, éventuellement, au développement d’une offre de ravitaillement de GNL au détail.

« Dans le cadre d’un plan d’action national pour carburants alternatifs, la France s’est engagée sur un déploiement progressif d’une offre de ravitaillement avec des solutions adaptées à l’évolution de la demande à l’horizon 2025. »

Quelle est l’ambition du gouvernement en matière d’open data liées à la maîtrise des consommations énergétiques ? Comment allez-vous travailler avec les collectivités territoriales notamment ?

Parce que les données d’énergie sont essentielles à l’élaboration des plans climat-air-énergie territoriaux, le diagnostic des consommations énergétiques dans les territoires ou encore la planification des nouvelles orientations énergétiques comme les énergies renouvelables, nous avons annoncé trois axes prioritaires : premièrement, la mise en place progressive d’un nouveau dispositif plus complet d’accès aux données énergie, intégré à la plateforme nationale data.gouv.fr. Deuxièmement, la création d’une boite à outils « socle » pour les collectivités locales afin de les accompagner dans la préparation de leur plan climat-air-énergie. Les start-up de la « greentech » verte sont invitées à la déployer, l’enrichir ou l’adapter pour le bénéfice des collectivités. Enfin, l’ouverture d’un « lab » sur les données énergie dans les incubateurs de la « greentech » verte pour échanger et partager la connaissance. Par ailleurs, le ministère de la Transition écologique et solidaire lancera dans les prochaines semaines un concours de data visualisation des données locales d’énergie.