La méthanisation à tout bout de champ

Publié le 04/04/2018

8 min

Publié le 04/04/2018

Temps de lecture : 8 min 8 min

Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, a dévoilé le 26 mars les quinze conclusions du groupe de travail « méthanisation ». Elles ont pour objectif d’accélérer l’installation d’unités de méthanisation partout en France mais aussi de répondre aux objectifs fixés par le plan climat pour décarboner la production d’électricité et verdir le gaz dans les réseaux. Décryptage.

Par Laura Icart

Rarement un sujet ne semble avoir trouvé pareil consensus. C’est du moins l’impression que l’on a lorsque l’on écoute Sébastien Lecornu présenter les résultats du groupe de travail « méthanisation ». Quelques mois tout juste après sa mise en place, tous les acteurs de la filière ont approuvé les propositions faites par le gouvernement français pour accélérer le développement de la méthanisation dans notre pays. Un développement fondamental car étroitement lié à la filière agricole française, qui voit en la méthanisation un moyen régulier de complémenter ses revenus.

« Complémentariser » le revenu des agriculteurs

C’était bien tout l’enjeu de ce groupe de travail : permettre aux agriculteurs de diversifier leurs activités et de trouver de nouvelles sources de revenus sur leurs exploitations. Pour permettre l’intégration de projets qui n’entrent pas dans le cahier des charges des appels d’offres existants, un appel d’offres spécifique sera lancé prochainement. Auront une chance d’être retenus des projets qui permettront d’accroître la production de biogaz sur des sites existants comme la transformation d’une installation de cogénération en installation d’injection dans le réseau ou encore des projets de biométhane porté pour lesquels plusieurs installations de production mutualisent un même point d’injection. L’État s’est également engagé à simplifier les règles de soutien tarifaire avec la création d’un tarif de rachat à guichet ouvert pour les installations de taille moyenne de 500 kW à 1 MW.

Autre engagement, autre enjeu de taille : l’accessibilité au crédit pour la méthanisation agricole fait aujourd’hui clairement défaut. La faute à une grande frilosité des banques face aux garanties apportées jusqu’à présent par ce type de technologie. Un déficit que le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert espère inverser, alors qu’il vient d’annoncer que 100 millions d’euros sur le grand plan d’investissement (GPI) seront consacrés pour financer un fonds de garantie BPI (Banque publique d’investissement) au bénéfice des projets de méthanisation agricole. Le secrétaire d’État a également annoncé, sans toutefois s’avancer sur le délai, qu’une norme spécifique dédiée au digestat serait élaborée ainsi que la possibilité qu’il puisse sortir de son statut de déchet et être reconnu comme un support de valorisation pour les sols.

Un coup de pouce pour l’utilisation ou la production du bioGNV ?

Dans cette course à la décarbonisation du secteur des transports, le bioGNV a clairement une carte à jouer et les conclusions de groupe de travail semble aller clairement dans ce sens puisqu’un soutien financier devrait être mis en place pour les méthaniseurs qui alimentent les véhicules (bus, camions). La possibilité dans « un avenir proche » d’utiliser le bioGNV dans les engins agricoles a également été relevé, un travail est déjà en cours au niveau européen pour modifier des textes réglementaires s’y référant.

Créer une filière française d’excellence…

La formation est un enjeu clé pour développer la filière dans notre pays. À ce titre le groupe de travail a annoncé la mise en place d’un plan de formation dédié à l’apprentissage « des bonnes pratiques de la filière » pour l’ensemble des acteurs. À noter que le ministère de l’Agriculture pilotera directement celles destinées au monde agricole.

Afin notamment de favoriser le dialogue local et faciliter l’acceptation des projets sur nos territoires, le gouvernement a demandé à tous les acteurs de rédiger une charte structurante permettant d’encadrer l’ensemble des futurs porteurs de projets. L’enjeu, selon le ministère de la Transition écologique et solidaire, est de structurer la filière afin de « permettre à chaque acteur de la chaîne de valeur (investisseurs, porteurs de projets, bureaux d’études, équipementiers, opérateurs) de s’adapter au contexte français multi-intrants et de s’insérer dans un modèle économique pérenne ». L’idée principale étant de rassurer les investisseurs en créant une démarche qualitative offrant des garanties de traçabilité (labels, normes…).

Autre outils désormais mis à disposition du grand public cette fois : le portail national de ressources sur la méthanisation. Alimenté par les organisations professionnelles, il permettra de vulgariser et de diffuser des connaissances sur la méthanisation auprès d’un public moins averti.

… pour optimiser au plus vite sa rentabilité

Si la structuration de la filière passe par un encadrement des pratiques, elle passe aussi et surtout par la simplification de la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Aujourd’hui les délais d’instruction des dossiers sont très – trop – longs comparés à nos voisins européens et pénalisent considérablement l’essor de la filière. L’État s’est donc engagé à réduire les délais d’instruction de 1 an à 6 mois et à augmenter le seuil applicable à l’autorisation ICPE (100 tonnes par jour contre 60 tonnes par jour). Un régime qui sera également étendu à l’ensemble de l’activité de méthanisation ICPE, en plus du régime de déclaration possible pour la méthanisation agricole.

Pour alléger la procédure d’instruction, l’État propose la création d’un guichet unique « méthanisation » afin d’instruire les dossiers réglementaires relatifs aux méthaniseurs mais aussi la simplification de la réglementation « loi sur l’eau ». Désormais les méthaniseurs seront soumis au régime de l’enregistrement où ils ne seront, de fait, plus soumis à l’étude d’impact ni à l’enquête publique.

Si l’État espère avec une procédure simplifiée stimuler le développement de la filière, il entend aussi augmenter son potentiel en l’élargissant aux gisements à méthaniser (déchets d’industries agro-alimentaires, bio-déchets, biogaz de décharge, boues de stations d’épuration) et en autorisant leur mélange pour optimiser les performances, avec une vigilance renforcée pour les terres agricoles en cas d’épandage du digestat. À noter que l’utilisation de digestat résultant d’un mélange de boues de stations d’épuration avec des bio-déchets sera soumis à un arrêté préfectoral avec des décisions au cas par cas. Toujours dans cette recherche de potentiel à méthaniser, le gouvernement souhaite généraliser la méthanisation des boues de grandes stations d’épuration (22 % d’entre elles sont méthanisées à ce jour). Un travail va être engagé avec les collectivités pour exploiter au mieux cette manne. Il s’est également engagé à publier d’ici l’été l’arrêté permettant la réfaction des coûts de raccordement des installations de méthanisation au réseau de transport de gaz naturel. Autre annonce phare de ce groupe de travail, la création d’un « droit à l’injection dans les réseaux de gaz naturel dès lors que l’installation de méthanisation se situe à proximité d’un réseau existant pour éviter que des projets ne soient bloqués faute de capacités ». L’État a chargé les gestionnaires de réseaux d’effectuer les investissements nécessaires pour en assurer la faisabilité.

CHIFFRES CLÉS

405
La France compte aujourd’hui 405 installations de méthanisation, dont 230 à la ferme.

+ 14 %
La puissance électrique des installations de méthanisation a connu une augmentation de 14 % en 2017.

x2
La production de biométhane injectée dans les réseaux de gaz naturel a doublé en 2017.

8 TWh
C’est la puissance de capacités des installations de méthanisation pour fin 2023, pour l’injection dans les réseaux de gaz selon la programmation pluriannuelle de l’énergie.