La data dans tous ses états !

Publié le 08/12/2017

8 min

Publié le 08/12/2017

Temps de lecture : 8 min 8 min

La collecte des données, leur réutilisation et leur traitement sont devenus des enjeux de tout premier plan pour les professionnels du secteur de l’énergie. L’open data induit une nouvelle manière de penser l’énergie, dans sa globalité, en synergie et au plus près des clients. Ainsi, les gaziers repensent leurs outils et leurs métiers pour accompagner la transition énergétique sur les territoires.

Par Laura Icart

 

Aujourd’hui, les acteurs de l’énergie sont au cœur d’une évolution déterminante qui les mènera à une prise de décision presque exclusivement déterminée par les données. Leur multiplication et le développement d’outils informatiques permettant de les analyser offrent de multiples possibilités et opportunités aux acteurs du monde de l’énergie. D’ailleurs, tous les gaziers s’accordent sur une chose : les données permettront une meilleure optimisation de l’utilisation du gaz à travers les smart gas grids (réseaux de gaz dits « intelligents »), pensés pour améliorer à la fois la flexibilité et la performance des réseaux mais qui, avec Gazpar notamment, doivent contribuer à une plus juste maîtrise de l’énergie des consommateurs finaux.

Une exploitation multi-réseaux…

Aujourd’hui, conformément à une recommandation émise par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) qui a « demandé aux gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel de se coordonner, concernant en particulier la nature et le format des données qu’ils collectent, afin de faciliter leur croisement et leur exploitation par les utilisateurs finals et les personnes publiques », les principaux gestionnaires de réseaux français (GRTgaz, Enedis, GRDF, RTE) travaillent ensemble pour élaborer de nouveaux services à partir de l’analyse de données. En juin dernier, dans la cadre du programme Data énergies, ils ont identifié quatre défis communs : les données énergétiques territoriales, la donnée au service du développement économique des territoires, l’efficacité énergétique des bâtiments publics et la mobilité. Créée en avril, la plateforme Open data réseaux énergies (Odre) est le fruit de la collaboration entre GRTgaz et RTE. Elle met à disposition des parties prenantes des données autour des thématiques de production, de consommation multi-énergies, de stockage et des territoires et régions. Les quatre gestionnaires de réseaux ont été rejoints depuis par l’AFGNV Weathernews France, Elengy, Storengy et Dunkerque LNG. Mais aussi par Teréga, en septembre, qui met désormais à disposition des données sur le stockage du gaz. Selon Pascale Guillo-Lohan, directrice du programme « smart grid » chez GRTgaz, la plateforme Odre, qui « va continuer à s’enrichir avec de nouvelles données multi-énergies, multi-opérateurs et multi-réseaux ces prochains mois » sera d’une « grande utilité pour aider les collectivités territoriales, notamment dans l’élaboration et l’évaluation des politiques énergétiques ». Autre évolution exigée par la réglementation : la contextualisation des données. La plateforme Odre est désormais dans l’obligation de publier les données météos qui jouent sans conteste sur la demande et la consommation énergétique. Toujours en 2017, mais en juin cette fois, 170 distributeurs d’énergie ont lancé l’agence ORE, qui aura la charge de mutualiser et de formaliser toutes ces données pour les rendre exploitables par tous.

… pour favoriser la transition énergétique sur les territoires

Toutes ces plateformes multi-canaux qui vont continuellement enrichir leurs jeux de données aussi bien quantitativement que qualitativement sont aussi un vivier de ressources pour les territoires. Avec cette mutualisation des données multi-énergies, nous assistons aussi à la création d’un nouveau système énergétique où l’intégration des énergies d’origines renouvelables sera facilitée par la meilleure capacité qu’auront les réseaux de les recevoir. Le partage de données à des mailles plus fines et à une échelle de temps réduite, avec l’ensemble des acteurs du réseau gaz, concourra à un meilleur usage global du réseau : meilleur équilibrage de portefeuille par les expéditeurs, meilleure maîtrise de leur injection par les producteurs de biométhane et pilotage renforcé de leurs procédés par les industriels. Sur les territoires, où les projets de méthanisation fleurissent, l’open data ne fait même plus débat car elle est pour beaucoup de collectivités une opportunité d’optimiser leurs ressources énergétiques locales. Sans compter que cette multitude de données disponibles à croiser et à analyser permettra l’émergence de nouveaux débouchés, de nouveaux services favorisant ainsi un terreau d’emplois.

Des réseaux plus flexibles et plus performants

C’est tout l’objet des smart gas grids, qui seront capables de communiquer et d’interagir avec l’ensemble des mailles du système gazier du réseau, du producteur au consommateur en passant par le fournisseur. Ce réseau nouvelle génération est doté de technologies informatiques et d’outils performants permettant l’optimisation de la production, de la distribution et de la consommation de gaz. Tous les acteurs gaziers testent actuellement de nouvelles technologies et outils pour aller vers des réseaux plus intelligents. Le projet de démonstrateur Jupiter 1000, piloté par GRTgaz et qui vise à tester l’injection d’hydrogène et de méthane de synthèse dans un réseau gazier existant, sera opérationnel cette année. Autre outil au service de l’optimisation énergétique, la création de postes de « rebours ». Si d’autres acteurs gaziers étudient la question, pour le moment en France seul GRTgaz a installé deux sites pilotes dans le cadre de son projet West Grid Synergy. Ce nouveau type d’installation permettra de gérer les écarts entre la production et l’injection généralement constante de biométhane et la consommation locale variable en fonction des saisons, en faisant remonter les volumes excédentaires injectés dans le réseau de distribution. Dans ce même esprit de flexibilité des réseaux, GRDF participe au démonstrateur européen Interflex, piloté par Enedis, centré sur l’utilisation et la valorisation des flexibilités multi-énergies à l’échelle locale, dans le cadre du démonstrateur Nice Smart Valley et dont premiers tests vont se dérouler en 2018. De manière plus globale, la multiplication des capteurs tout au long du réseau et de ses ouvrages fournit une vision plus fine de l’état du réseau aux centres de dispatching pour un meilleur pilotage de flux.

Moins « open » mais carrément « data », toutes les données dites « fermées » qui sont transmises tous les jours par des capteurs, des drones ou autres technologies de pointe qui assurent une surveillance et une sécurité accrue des réseaux (le projet Siam chez Teréga, le programme de télé exploitation chez GRDF…).

Vers plus d’efficacité énergétique

Capteurs, drones, compteurs communicants, thermostats, chaudières… À tous les maillons de la chaîne énergétique, les objets connectés trouvent une place et ont leur importance, que ce soit pour transporter l’énergie, pour la distribuer ou encore pour la fournir aux clients finaux. Pour les entreprises gazières, créer des outils capables de collecter et transmettre des données est une vraie opportunité d’optimiser le transport du gaz en étant de plus en plus réactif mais aussi de pouvoir accompagner les consommateurs d’énergie vers une meilleure maîtrise de leur facture énergétique. C’est le cas par exemple de Storengy qui, pour réduire sa consommation énergétique sur tous ses sites industriels en France, s’est associée à la start-up Blu.e. Grâce à une plateforme logicielle d’aide à la maîtrise énergétique, capable en temps réel de détailler les dépenses énergétiques sur le process de stockage du gaz, toutes deux ont détecté un potentiel d’économies de 250 000 euros. Convaincue, Storengy a décidé de poursuivre le projet sur les sites de Chémery (Loir-et-Cher) et Saint-Illiers-la-Ville (Yvelines) et d’équiper tous les autres sites de Storengy en 2018, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni.

D’ici 2021, les compteurs communicants gaz fourniront aux gestionnaires de réseaux les informations nécessaires à une meilleure exploitation des réseaux, et aux collectivités et aux consommateurs finals une information plus fréquente sur leur consommation afin d’en permettre une meilleure maîtrise. Ils sont ainsi au cœur de cette collecte des données. Cette complémentarité des réseaux permettra également le développement de nouveaux usages (pompes à chaleur gaz, micro-cogénérations, chaudières hybrides) et de nouveaux services.