L’ « Opep du gaz » se cherche encore

Publié le 15/12/2017

5 min

Publié le 15/12/2017

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Le 4e sommet des chefs d’État et de gouvernement du Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG) s’est tenu le 24 novembre 2017 à Santa Cruz de la Sierra, en Bolivie. Fondé en 2001 à Téhéran, le FPEG est une organisation intergouvernementale visant à défendre les intérêts nationaux des principaux pays exportateurs de gaz naturel. Une organisation qui peine à s’imposer sur la scène internationale bien que comptant dans ses rangs les principaux producteurs de gaz de la planète. Explications.

Par Laura Icart

À l’issue du sommet qui les rassemblait en novembre – et auquel participaient entre autres des représentants du russe Gazprom, de l’espagnol Repsol, du français Total, du britannique Shell et de l’argentin YP -, les pays exportateurs de gaz naturel ont demandé une « approche plus équitable » lors de la fixation des prix du gaz naturel, prenant en compte ses avantages en termes d’efficacité énergétique et de primes environnementales. Un sommet dominé par un contexte international compliqué alors que les tensions entre les pays membres sont importantes, notamment la crise diplomatique opposant le Qatar, principal exportateur de GNL, et les autres pays arabes. Mais aussi dans un contexte économique où la surabondance de l’offre – principalement américaine – pèse sur les prix du gaz.

« Les exportateurs de gaz peuvent toujours compter sur une hausse de la demande mondiale de gaz » a déclaré en ouverture du sommet le secrétaire général du FPEG, l’Iranien Mohammad Hossein Adeli, affirmant que « le marché du gaz était sur le point de devenir concurrentiel » et reprenant à son compte un rapport sur les perspectives d’ici à 2040 de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) qui indiquait que la demande de gaz devrait croître de près de 34 mbep par jour, passant de 59,2 mbep par jour en 2015 à environ 93,2 mbep par jour en 2040, soit un taux de croissance annuel moyen d’environ 1,8 %. 

Un contexte international chahuté

Une déclaration résolument positive lorsque l’on sait que les douze pays membres de cette organisation doivent notamment faire face à une rude concurrence du gaz en provenance des États-Unis, pays qui selon les estimations de l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA) pourrait devenir d’ici 2020 le troisième exportateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL) après le Qatar et l’Australie. Sans compter que dans son dernier World Energy Outlook, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a indiqué que le pays produira en 2022 plus d’un cinquième du gaz mondial, ce qui le placera alors au même niveau que la Russie et la Norvège, principaux exportateurs de gaz. Si les regards sont actuellement braqués sur les États-Unis, d’autres pays membres du FPEG, pourraient venir bousculer l’ordre établi sur le marché mondial et faire pression sur les prix. Les immenses ressources de l’Égypte pourraient donner des idées à l’Europe pour sécuriser son approvisionnement – c’est du moins le souhait du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi. Et que dire du « petit émirat gazier » du Qatar qui, en pleine crise diplomatique avec ses voisins, a annoncé qu’il souhaitait augmenter de 30 % sa capacité de production de gaz…

Des intérêts bien trop divergents…

Bref, si les membres du forum qui représentent à eux seuls plus de 70 % des réserves gazières mondiales, 40 % de la production mondiale et 60 % des exportateurs de GNL, ont réaffirmé durant ce sommet leur rôle de producteurs fiables pour répondre aux besoins énergétiques de la planète, leur difficulté à parler d’une seule voix s’est clairement faite entendre. Et cela malgré la verve du président bolivien Evo Morales qui a appelé à « combattre ceux qui veulent s’approprier nos ressources à travers la manipulation abusive des prix » qui constitue selon lui « un outil de déstabilisation de nos États et de nos gouvernements démocratiquement élus ». Un discours somme tout très compréhensible lorsque l’on sait que le gaz, principal produit d’exportation de la Bolivie, rapporte au pays chaque année près de 4 milliards de dollars.

… pour aboutir à une position commune

Qualifié souvent à tort d’ « Opep du gaz », ses membres ne souhaitant ni imposer de quotas sur la production et la vente de gaz, ni imposer des règles sur le marché gazier, la FPEG a bien du mal à exister dans la pratique. Si elle a lancé un groupe de travail chargé de réfléchir à l’élaboration de nouvelles stratégies globales sur le développement à long terme du marché mondial du gaz, notamment par la révision des indicateurs de référence relatifs à la détermination des prix du gaz naturel, l’organisation est surtout composée de pays aux intérêts divergents. En effet, ses membres ont bien des difficultés à élaborer une stratégie commune permettant de faire remonter les prix du gaz ou encore de mettre en place une méthode pour déterminer les prix de vente du gaz dans les contrats gaziers leur garantissant de fait une plus grande stabilité face aux fluctuations du marché.

Le FPEG est actuellement composé de douze pays membres : Algérie, Bolivie, Égypte, Émirats arabes unis, Guinée équatoriale, Iran, Libye, Nigeria, Qatar, Russie, Trinidad et Tobago et Venezuela, ainsi que de sept pays observateurs que sont l’Azerbaïdjan, l’Irak, le Kazakhstan, la Norvège, Oman, les Pays-Bas et le Pérou.