Jackpot gazier au pays de l’oncle Sam

Publié le 12/11/2016

4 min

Publié le 12/11/2016

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Le développement du gaz et du pétrole de schiste aux États-Unis a complètement bouleversé la donne. En janvier 2016, la mise en service du terminal de Sabine Pass, un site flambant neuf destiné à expédier vers l’étranger les excédents américains de gaz, a été le symbole du spectaculaire virage de la stratégie énergétique américaine. D’une situation de dépendance énergétique croissante et inquiétante, le pays va redevenir exportateur, redistribuant ainsi les cartes sur le marché mondial de l’énergie

Par Laura Icart

Depuis 2010, les États-Unis sont, grâce au gaz de schiste (53 % de la production américaine de gaz commercialisée en 2015), le premier producteur mondial de gaz. Le pays verra sa production plus que doubler en 2040, atteignant 79 milliards de pieds cubes de gaz par jour, contre 37 milliards en 2015, soit 70 % de la production totale de gaz naturel du pays, selon certaines estimations.

La révolution du gaz de schiste

Le spectaculaire bond de la production nationale en quelques années a convaincu les producteurs américains, faute de demande domestique suffisante, de se tourner vers les exportations de gaz naturel liquéfié (GNL). Entre 2010 et 2011, le pays a connu une ruée vers les projets de terminaux méthaniers. Sept ont été approuvés, cinq sont toujours en construction : Jordan Cove et Oregon LNG dans l’Oregon, Southern Union et Sempra en Louisiane, Freeport LNG Development au Texas et Dominion dans le Maryland. Cheniere a été visionnaire en la matière : avec la mise en service de Sabine Pass LNG en janvier dernier et de Cheniere Energy au Texas, le groupe américain devrait disposer d’un quasi-monopole sur les exportations jusqu’à la fin 2017 et pourrait devenir l’un des vendeurs de gaz les plus importants des États-Unis.

Dans son étude publiée par le centre Énergie de l’Ifri1, Sylvie Cornot-Gandolphe évoque les perspectives en matière d’exportations de GNL. Selon elle, les exportations américaines de gaz naturel vont révolutionner le marché du GNL  bien que les conséquences de la première vague de terminaux d’exportation américains se feront véritablement sentir à partir de 2018. D’ici à 2020, les États-Unis pourraient exporter jusqu’à 84 giga mètres cubes par an et devenir le troisième exportateur mondial de GNL, derrière l’Australie et le Qatar. Le pays a effectué fin février ses premières livraisons de GNL à partir de l’unité Sabine Pass LNG, à destination de l’Amérique du Sud et de l’Europe.

Un marché européen bousculé ?

Avec des prix du gaz actuellement très bas sur le marché mondial et une demande en baisse, l’Asie ne fait plus figure de favori pour recevoir le GNL américain. L’Europe peut constituer un débouché pour ce GNL du fait de sa proximité et ayant la capacité de le recevoir. Après la Norvège, le Portugal et l’Espagne au printemps, du GNL américain est arrivé fin septembre en Ecosse. En France, Engie a signé un contrat avec Cheniere pour douze livraisons par an, pendant cinq ans, qui seront faites au terminal de Montoir-de-Bretagne. EDF a de son côté établi un contrat de vingt ans avec la même entreprise pour des livraisons au terminal de Dunkerque. Bien qu’il soit susceptible de contribuer à la sécurité d’approvisionnement de l’Europe, le GNL américain ne devrait pas inonder le marché, mais il a pourtant déjà changé bien des choses. En effet, pour faire face à la concurrence américaine, Gazprom, premier exportateur mondial, doit s’ajuster pour préserver ses ventes vers l’Europe. Avec l’objectif affiché de conserver une part d’au moins 30 % sur le marché européen à moyen et long terme, le fournisseur russe a revu sa stratégie gazière : baisse des prix, vente aux enchères d’une partie de son gaz et investissements dans des unités de stockage ; il espère également toujours la doublement des capacités de North Stream.

1 Étude de l’Institut français des relations internationales : « Les exportations américaines de gaz naturel : de nouvelles règles du jeu sur l’échiquier européen », Sylvie Cornot-Gandolphe, juin 2016.