Il était une fois dans l’Est

Ségolène Royal inaugure l’unité de traitement de biogaz issu des boues de la station d’épuration de Strasbourg-La Wantzenau (Bas-Rhin) © Patrick Boehle

Publié le 13/09/2015

6 min

Publié le 13/09/2015

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L’instant était solennel et aurait pu être qualifié d’historique pour la filière gaz naturel. La présence de la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, était certes un événement, mais c’est surtout la raison de sa venue qui a ainsi été vécue : l’inauguration, le 8 septembre 2015, de l’unité de traitement de biogaz issu des boues de la station d’épuration de Strasbourg-La Wantzenau (Bas-Rhin) a fait de l’Eurométropole de Strasbourg la première collectivité de France à valoriser ses eaux usées pour produire du biométhane destiné à rejoindre le réseau de gaz naturel. Quelques milliers d’Alsaciens raccordés à ce dernier cuisineront, et/ou se chaufferont désormais grâce à leurs déchets…

Le projet Biovalsan a démarré en 2011, sous l’égide de trois acteurs : l’Eurométropole de Strasbourg, le distributeur local de gaz naturel Réseau GDS et l’exploitant de la station d’épuration Suez. Olivier Bitz, président de Réseau GDS, n’a pas caché son enthousiasme : « La France se doit d’être ambitieuse à la veille de la COP 21. Et ce projet, en contribuant à un modèle énergétique plus diversifié, s’inscrit pleinement dans le cadre de la loi pour la transition énergétique pour la croissance verte. C’est également un projet très structurant pour le territoire alsacien. » Un projet gagnant-gagnant, en somme…

Par Laura Icart

Soutenu par un financement de 2,3 millions d’euros de la Commission européenne via le programme Life+ (sur un investissement global de 4,7 millions d’euros), Biovalsan a pour objectif de produire un biométhane de haute qualité, purifié et débarrassé du gaz carbonique qu’il contient naturellement, avant de l’injecter dans le réseau de gaz naturel. La modification du cadre réglementaire, le 26 juin 2014, autorisant et soutenant la production de biogaz à partir des boues d’épuration des stations, a de fait ouvert la voie à de nouvelles perspectives de valorisation du biogaz produit dans ces stations.

Quatrième plus grande station d’épuration de France, installée sur les rives du Rhin, la station d’épuration va pouvoir fournir environ 1,6 million de m3 de biométhane par an purifié à 98 %. Cette production pourrait couvrir les besoins d’environ 5 000 logements à basse consommation, alimenter 1 500 véhicules motorisés au gaz et réduire les rejets de CO2 de 7 000 tonnes par an. « Cette station, c’est le  fleuron de la technologie française, c’est une station vertueuse qui permet une réduction d’environ 66 % de ses émissions de GES tout en produisant une énergie verte », s’est enflammé Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez. Il est également revenu sur « le succès d’un partenariat qui a contribué à la réussite d’un projet d’économie circulaire, valorisé à l’échelle d’un territoire ».

Les déchets deviennent de l’énergie

Ségolène Royal était visiblement satisfaite. « Ce projet est exemplaire, car il transforme les déchets en valeur, en énergie ! », a-t-elle insisté, avant de déclencher le processus d’injection des premiers mètres cubes de biométhane dans le réseau de la métropole alsacienne. La ministre est ensuite revenue sur l’article 1er de la loi de transition énergétique qui entend porter à 10 % la part des énergies renouvelables dans le gaz. Si Ségolène Royal a spécifié que les modalités d’application seront précisées dans le plan pluriannuel de l’énergie, elle a tout de même annoncé que « 6 à 8 TWh de biométhane seront injectés chaque année dans les réseaux d’ici 2023, c’est-à-dire l’équivalent de 400 à 500 projets Biovalsan ». Ségolène Royal a également évoqué la possibilité d’équiper du même système 60 stations d’épuration d’ici 2020, l’équivalent de  500 GWh injectés par an, soit la consommation annuelle de 40 000 foyers.

Cette station a la possibilité de traiter environ 150 000 tonnes de boues chaque année. Ces boues sont acheminées vers les méthaniseurs pour être brassées, privées d’oxygène et maintenues à 37 °C. Elles sont ensuite, en partie, converties en biogaz, ce qui représente environ 3 millions de m3 chaque année. L’objectif du traitement est d’extraire les molécules de méthane du mélange gazeux. La première étape consiste à capter les impuretés via un système de lavage, mais aussi par filtration. Dans un second temps, le biogaz est comprimé (16 bar environ) pour atteindre, notamment, la pression du réseau de gaz naturel. Enfin, le biogaz est introduit dans près de 50 modules de filtration membranaires qui comprennent elles-mêmes plusieurs milliers de fibres creuses minuscules assurant la séparation entre le méthane et le dioxyde de carbone. Purifié, le méthane est collecté puis orienté vers une unité d’injection. Le dioxyde de carbone, lui, est filtré au mieux avant d’être rejeté dans l’atmosphère. À moyen terme, il sera transformé en matière solide et valorisé dans d’autres filières industrielles. Avant sa mise en réseau, le biométhane est contrôlé, odorisé, détendu et comptabilisé afin de pouvoir le facturer à l’acheteur. Ce processus aboutit à un biométhane totalement compatible avec le gaz naturel.

Le projet de plusieurs acteurs

La réalisation de cette première injection de biométhane n’aurait pas été possible sans la mobilisation de plusieurs d’acteurs : Suez, qui a assuré l’ingénierie du projet et des travaux et qui gère aujourd’hui l’exploitation de la station d’épuration ; Réseau GDS, qui assure l’injection du biométhane dans le réseau de distribution de gaz naturel ; la ville de Strasbourg, qui a mis à disposition la station d’épuration ; les laboratoires SGS Multilab qui ont défini des protocoles chimiques et Eurofins, des protocoles micro biologiques. Tous les acteurs et la ministre de l’Écologie ont souligné la qualité du savoir-faire français et l’importance de le développer dans des projets industriels répondant aux enjeux fixés dans la loi de la transition énergétique pour la croissance verte. Biovalsan est incontestablement de ceux-là.

Le projet Biovalsan comporte trois volets :
– l’injection du biométhane produit à partir des boues usées de la station d’épuration de Strasbourg-La Wantzenau dans le réseau de gaz naturel ;
– la valorisation du coproduit (un tiers du CO2 en rejet) en matière première secondaire ;
– l’amélioration des connaissances technologiques et chimiques pour le biométhane et le CO2 avec les laboratoires SGS et Eurofins.