État des lieux du dispositif Seveso en France

Un site Seveso sous haute surveillance - © Franck Beloncle

Publié le 12/10/2015

8 min

Publié le 12/10/2015

Temps de lecture : 8 min 8 min

Il y a quelques mois, un attentat perpétré sur un site classé Seveso dans l’Isère et les différents actes de malveillance qui ont suivi à Berre-l’Etang (Bouches-du-Rhône) notamment ramenait au cœur de l’actualité la problématique de sécurisation des sites industriels sensibles en France. L’occasion de revenir aujourd’hui sur le dispositif, ses évolutions et les nouvelles obligations imposées aux industriels français.

Par L.I

La directive Seveso a été adoptée en 1982 par l’ensemble des États européens après la catastrophe de Seveso, ville italienne où a eu lieu un accident industriel dans une usine chimique (fuite de dioxine) en 1976. L’Europe prend alors conscience de l’importance de se doter d’une politique commune en matière de prévention des risques industriels majeurs. La directive Seveso, nom générique attribué à l’ensemble des directives européennes, oblige les États à identifier les sites industriels présentant des risques d’accidents majeurs pouvant entraîner des conséquences immédiates graves pour le personnel, les riverains, les biens et l’environnement, afin d’y maintenir un haut niveau de prévention et de prendre les mesures pour y faire face.

Les principaux objectifs de Seveso

Comme tous les textes communautaires, pour être applicable cette directive a été retranscrite dans chaque pays européen selon le droit national. Ses objectifs principaux visaient à la production d’une étude de dangers, l’élaboration de plans de secours et l’information des populations riveraines pour les établissements concernés par cette directive.

Un dispositif renforcé avec Seveso 2

La directive Seveso 2, adoptée en 1996, a consolidé le dispositif de prévention des accidents majeurs impliquant des substances dangereuses en introduisant des mesures complémentaires par rapport à la directive initiale. Ces mesures mettent en avant les « bonnes pratiques » en matière de gestion des risques : introduction de dispositions sur l’utilisation des sols afin de réduire les conséquences des accidents majeurs, prise en compte des aspects organisationnels de la sécurité, amélioration du contenu du rapport de sécurité et renforcement de la participation et de la consultation du public. Le champ d’application est également révisé : absence de distinction entre l’activité de stockage de substances dangereuses et la mise en œuvre de substances dangereuses dans un procédé et extension aux installations manipulant et stockant des explosifs.

Les classements des sites selon des seuils

Le calcul de dépassement de seuil se réalise par une somme pondérée des masses de produits présents dans l’établissement. Il distingue deux types d’établissements selon la quantité totale de matière dangereuse sur site. En France, au 31 décembre 2014, 1 171 sites sont concernés (dernier recensement du ministère de l’Écologie) : 515 établissements dépassant le premier seuil sont classés « Seveso seuil bas » et 656 établissements dépassant le second seuil sont classés « Seveso seuil haut ».

Les mesures de sécurité et les procédures prévues par la directive sont différentes selon le classement de l’établissement afin de conserver une certaine proportionnalité. Le respect de l’application de la directive fait partie des missions prioritaires de l’inspection des installations classées sous l’autorité des préfets.

Répartition des sites SEVESO sur le territoire français

carte site SEVESO

Seveso 3 : une refonte importante du champ d’application

Depuis le 1er juin 2015, est entrée en vigueur la directive Seveso 3. Elle prend en compte le règlement CLP (classification, étiquetage et emballage des substances et mélanges), qui conduit à une refonte complète du champ d’application de la directive Seveso 2 avec des incidences sur le classement de certains établissements. Ce règlement établit de nouvelles méthodes de classification des substances et il crée également de nouvelles dénominations de danger.

Le CLP : une nouvelle référence pour les industriels

Le règlement CLP transpose en droit européen le système d’étiquetage international SGH (système général harmonisé) adopté par les Nations unies afin de mieux protéger les hommes et l’environnement contre la dangerosité des substances et des mélanges. Le CLP a recensé 28 classes de danger dont 16 pour les dangers physiques (explosibles, inflammables, comburants, etc.), 10 pour la santé (cancérogénicité, toxicité, irritation, etc.) et 2 pour l’environnement (couche d’ozone et milieu aquatique). Cette nouvelle définition des substances basée sur le règlement CLP a pour conséquence de modifier le champ d’application de la directive avec l’entrée ou la sortie de certains établissements.

La mise en place de la nouvelle nomenclature des installations classées (ICPE) 

La transposition de la directive Seveso 3 révise la nomenclature des ICPE afin d’intégrer les nouvelles dénominations des classes, catégories et mentions de danger introduites par le règlement CLP. Afin de simplifier le système, plusieurs homogénéisations ont été réalisées entre la directive Seveso 3 et la réglementation française : alignement de la nomenclature des ICPE sur la structure de la directive (création des rubriques 4 000 et suppression ou modification des rubriques 1 000), catégorisation des explosifs (A, B, C…) ainsi que la règle des 2 %.

Le décret du 3 mars 2014 modifiant la nomenclature des ICPE prévoit que « les substances dangereuses présentes dans un établissement en quantités inférieures ou égales à 2 % seulement de la quantité seuil pertinente ne sont pas prises en compte dans les quantités “qx” si leur localisation à l’intérieur de l’établissement est telle que les substances ne peuvent déclencher un accident majeur ailleurs dans cet établissement ». Concrètement cela signifie que si les industriels peuvent démontrer que l’endroit où sont stockées les substances dangereuses ne peut conduire à un risque, celles-ci peuvent ne pas être prises en compte dans le calcul pour définir le seuil d’un site.

Des mises à jour et des nouveautés

Avec l’entrée en vigueur de Seveso 3, les dispositions relatives à l’accès du public aux informations en matière de sécurité, sa participation à une prise de décision élargie et l’accès à la justice sont renforcées. Les citoyens pourront désormais s’ils le souhaitent avoir accès via Internet aux informations relatives aux installations Seveso situées à proximité de leurs habitations, ainsi qu’aux programmes de prévention des accidents et aux mesures d’urgence pour mieux réagir en cas de nécessité. Ils auront aussi la possibilité de faire appel à la justice s’ils estiment que leurs droits n’ont pas été respectés lors de l’installation d’un nouveau site Seveso.

À noter dans les nouveautés : le renforcement de la politique de prévention des accidents majeurs (PPAM), qui doit garantir un haut niveau de protection dans tous les établissements et un accès à l’information à destination des populations environnantes en cas d’accident. Enfin, l’instauration d’un système de dérogation au niveau européen pour des substances et mélanges (via l’aménagement des seuils ou sortie du champ de la directive) sur la base d’un dossier technique a été mise en place, notamment pour prévenir les incertitudes liées à l’alignement avec le CLP et de futures évolutions technologiques.

La sûreté des sites : un véritable casse-tête pour l’État et les industriels

L’efficacité des directives Seveso a toujours été jugée satisfaisante et les différentes améliorations apportées depuis sa création ont répondu jusque-là aux problématiques posées. Cependant aujourd’hui un nouveau risque semble exister : celui du terrorisme. En juin 2015 dans l’usine Air Products (en Isère) classée « Seveso seuil bas », un attentat a été perpétré après qu’un individu a réussi à s’y introduire. Si la malveillance a toujours été intégrée dans les risques, le terrorisme n’en faisait pas partie jusque-là. Une nouvelle donne à prendre en compte dans les scénarios de sécurisation des sites Seveso.

 

Point réglementaire
La directive 82/501/CEE, dite « directive Seveso 1 », est entrée en vigueur le 24 juin 1982. Elle a été remplacée en décembre 1996 par la directive 96/82/CE, dite « Seveso 2 ». La directive 2012/18/UE du 4 juillet 2012, dite « Seveso 3 », a été publiée le 24 juillet 2012 au Journal officiel de l’Union européenne. Entrée en vigueur le 1er juin 2015, elle remplace la précédente et concerne environ 10 000 établissements dans l’Union européenne et environ 1 200 en France. La transposition de la directive au niveau national est faite par décret et par arrêté.