Du gaz vert au pied des Calanques

Publié le 05/04/2019

7 min

Publié le 05/04/2019

Temps de lecture : 7 min 7 min

Au cœur du parc des Calanques, à Sormiou (Bouches-du-Rhône), se dresse désormais la future plus grande unité de France de biométhane issu du traitement des boues d’épuration. Ce projet porté par Suez, à travers sa filiale Service d’assainissement Marseille métropole (Seramm) et ses partenaires locaux, a été inauguré le 2 avril. Il permet depuis le 1er janvier 2019 d’injecter du biométhane dans le réseau de GRDF.

Par Laura Icart

Innovation au cœur de l’économie circulaire, cette toute nouvelle unité de méthanisation et d’injection de biométhane est la petite révolution verte que le territoire attendait dans la quête de verdissement de son empreinte énergétique. Elle est alimentée à partir du traitement des eaux usées d’un million d’habitants, via la station Géolide de Marseille.

Une solution locale

Soutenue par la ville de Marseille, cette usine a été portée par les principaux acteurs du territoire marseillais : la région Sud, la métropole Aix-Marseille-Provence et l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée. Depuis sa mise en service en janvier 2019, elle alimente en biométhane près de 1 500 foyers. D’ici la fin de l’année, le chiffre passera à 2 500 foyers, soit environ 10 % du 9e arrondissement de la cité phocéenne (80 000 habitants).

« L’unité de production de gaz vert issu des boues d’épuration de Géolide, nichée au cœur du parc des Calanques, est une réussite pour notre territoire dans lequel nous voulons une exemplarité écologique et énergétique», a déclaré lors de l’inauguration Renaud Muselier, le président de la région Sud. L’investissement de 9,2 millions d’euros a été principalement pris en charge par la métropole Aix-Marseille-Provence, le Seramm et l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée. C’est Engie qui a remporté l’appel d’offres d’achat du biométhane. Le produit de cette vente se répartira entre le Seramm et la métropole.

Une région qui veut produire plus d’énergie verte

Dans le cadre d’un plan climat régional, la région s’est fixé comme objectif d’atteindre une production énergétique 100 % renouvelable d’ici 2050, dans la droite ligne des objectifs gouvernementaux. La filière méthanisation est particulièrement concernée, avec 267 MW en 2030 et 570 MW en 2050. Des objectifs ambitieux puisque la région ne compte actuellement que 6 unités en fonctionnement, bien que 231,5 GWh de projets soient inscrits au registre national des capacités. Des enjeux forts qui devraient amener un développement important de la méthanisation en région Sud.

Valoriser les eaux usées

C’est donc une partie de l’unité de traitement des boues d’épuration de Géolide, implantée dans la carrière de Sormiou depuis 1987, qui a été reconfigurée et transformée en unité de méthanisation. Géolide traite chaque jour l’ensemble des eaux usées domestiques et industrielles de 1,8 million d’habitants, soit plus de 78 millions de mètres cubes traités annuellement. Quelque 12 000 mètres cubes de boues sont traités annuellement par la station d’épuration dont 10 500 seront valorisés en biogaz et 1 500 évacués sous forme de compost.

« La moitié du biogaz produit servira à alimenter les besoins internes de l’usine, l’autre sera réinjectée sous forme de biométhane dans le réseau » précise Yves Fagherazzi, directeur du Seramm. En 2019, ce sont donc près de 2,9 millions de nomo mètres cubes (Nm3) de biométhane qui seront injectés dans le réseau de gaz naturel de GRDF. L’unité de biométhane a été conçue pour atteindre 3,8 Nm3, soit 22,8 millions de kWh par an à pleine capacité.

Cette hausse de la production sera décidée « si les prix de rachat du biométhane justifient cette augmentation de production », précise le président du Seramm, Hervé Madiec. Une prudence compréhensible au regard d’une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) plutôt « défavorable au développement du biométhane ». Quoi qu’il en soit, avec une capacité installée de 25 GWh lorsqu’elle tournera à pleine capacité, elle sera la plus grande unité de méthanisation de France. Elle représente à elle seule un cinquième de la production nationale de biogaz du groupe Suez.

Accélérer la mobilité verte

Accélérer la mobilité verte est l’une des finalités du biométhane produit à Sormiou. C’est en tout cas le souhait des élus de la région Sud qui misent, entre autres, sur le gaz naturel véhicule dans sa version bio (bioGNV) pour verdir la mobilité sur leur territoire. L’approvisionnement du réseau avec le biométhane issu de l’unité de Sormiou pourrait à terme alimenter près de 150 bus métropolitains.

« Nous sommes en train d’acheter des cars qui fonctionneront au GNV », assure Roland Giberti, vice-président de la métropole, délégué à l’eau et à l’assainissement. La métropole Aix-Marseille-Provence prévoit 150 bus circulant au GNV à l’horizon 2025 sur l’ensemble de son territoire. Du côté de la région, même son de cloche : on mise sur les cars au gaz pour assurer les transports interurbains, à l’image de l’ouverture en mars de deux nouvelles lignes de bus entre Arles et Salon-de-Provence, et entre Draguignan et Saint-Raphaël, grâce à l’acquisition de sept nouveaux bus au gaz. « On monte progressivement en puissance sur la mobilité gaz » souligne Renaud Muselier.

Une technologie innovante

A Sormiou, du biogaz était déjà produit via un processus dit « de digestion » à partir des boues de la station d’épuration : c’est la première étape. Pour la deuxième, à savoir l’injection de biométhane dans le réseau, il a donc fallu imaginer comment purifier ce gaz : via un procédé technologique qui repose sur l’exploitation d’un système membranaire pour séparer le CO2 et le méthane.

Pour la conception, Suez a confié les rênes à GTM Sud et à Prodeval, une jeune start-up dont le groupe énergétique est actionnaire et qui développe via son système d’épuration membranaire les trois-quarts des projets d’injection de biométhane en France. Un procédé qui intervient après la désulfurisation des boues à l’intérieur de l’unité actuelle et avant la mise sous pression pour l’injection dans le réseau de gaz naturel. Au bout du tunnel, on trouve un biométhane de type H que Seramm livrera à GRDF, conformément aux attentes du principal distributeur français.

Suez : objectif biométhane

Le groupe Suez envisage d’augmenter de 30 à 50 % sa production de biométhane en France d’ici à 2020. Il faut dire que depuis l’inauguration, le 8 septembre 2015, de la première unité de traitement de biogaz issu des boues de la station d’épuration de Strasbourg-La Wantzenau, le groupe a fait du chemin : il exploite 8 des 12 installations d’unités de méthanisation, qui valorisent du biométhane issu de stations sur notre territoire, soit 73 % du biométhane injecté sur nos réseaux.

S’affichant volontiers comme un pionnier et le leader dans le domaine, Suez se dit extrêmement vigilant et aux côtés des acteurs de la filière pour s’assurer que  » la PPE ne sacrifie pas la méthanisation dont le potentiel est indéniable », rappelle Christelle Metral, chef de marché transition énergétique et économie circulaire chez Suez. Le groupe ne compte pas s’arrêter là puisqu’il a de nombreux projets de gaz vert, avec de l’hydrogène notamment. Il compte ouvrir prochainement à Carcassonne la première station à mobilité hydrogène produit à partir des eaux usées. Le groupe est en outre mobilisé sur un projet de méthanation biologique avec l’Institut national des sciences appliquées (Insa) à Toulouse et la jeune start-up Enodis.