Il existe en Europe des exemples de coopération réglementaire régionale efficace

Alberto Pototsching © ACER

Publié le 14/06/2017

22 min

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Alberto Pototschnig est le premier directeur de l’Agence européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (Acer), créée en 2010. L’ACER contribue à garantir le bon fonctionnement du marché européen du gaz et de l’électricité. Elle assiste les autorités nationales de régulation dans leur activité de régulation au niveau européen et, au besoin, coordonne leur action.

Par Laura Icart

 

Pouvez-vous nous expliquer les missions et les objectifs de l’Acer ?

Alberto Pototschnig : L’Agence a été créée en 2010 comme élément du nouveau cadre réglementaire présenté dans le troisième paquet énergie, avec pour mission générale d’assister les autorités nationales de régulation (ANR) de l’énergie pour la mise en oeuvre, à l’échelon de l’UE, des activités de régulation menées à l’échelon des États membres et, en cas de besoin, de coordonner leur action. L’Agence comble ainsi le vide réglementaire résultant de l’intégration du marché intérieur européen de l’énergie, car les ANR ont des pouvoirs à l’échelon national essentiellement. Toutefois, l’Agence s’est vu confier depuis cette date de nouvelles responsabilités conséquentes, en particulier dans le domaine du contrôle du marché de gros de l’énergie et celui de la planification et du suivi du développement des infrastructures énergétiques, domaines dans lesquels elle agit indépendamment des ANR et non en tant que coordinatrice.

Pouvez-vous nous expliquer les différences entre l’Acer et le CEER ainsi que les interactions entre ces deux entités ?

Le CEER (Conseil des régulateurs européens de l’énergie) est une association à but non lucratif et à adhésion volontaire dont l’objet est de favoriser la coopération des régulateurs indépendants de l’énergie en Europe. Il cherche à faciliter la création d’un marché intérieur de l’énergie unique, compétitif, efficace et durable dans l’UE. La plupart de ses membres sont des ANR de l’UE, mais l’adhésion est également ouverte aux ANR d’autres pays. C’est pourquoi l’organisation du CEER est très différente de celle de l’Agence, qui est un organisme de l’UE instauré par la loi et régi par les dispositions du règlement qui l’a fondé. Toutefois, l’Agence comme le CEER ont principalement les ANR comme partie prenante et les deux organismes coordonnent leurs activités afin d’éviter les doublons et les recoupements. Plus spécialement, le CEER intervient en principe dans des domaines non couverts par l’Agence, soit parce qu’ils ne sont pas dans son secteur d’intervention (par exemple la coopération internationale), soit en raison de ses ressources limitées qui la contraignent à se fixer des priorités étant au cœur de sa mission (par exemple l’Agence intervient peu en matière de GNL, de stockage, de marché de détail).

Quels sont les grands sujets sur lesquels l’Acer est intervenue depuis sa création ?

À sa création en 2010, l’Agence s’est vu confier dans le cadre du troisième paquet énergie un rôle important : promouvoir l’intégration des marchés nationaux d’électricité et du gaz et la création d’un marché intérieur de l’énergie. En particulier, l’Agence a été retenue pour définir les principes et les critères d’exploitation du système et les règles du marché à mettre en œuvre par le Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d’électricité et de gaz (Entso), pour vérifier que ces règles, une fois conçues, sont conformes aux principes et aux critères définis et, de façon générale, contrôler les activités des Entso et participer à la planification du réseau énergétique européen, notamment par l’implantation de nouvelles infrastructures. L’Agence s’est vu confier en 2013 des responsabilités dans le domaine des infrastructures énergétiques. En particulier, elle a été désignée pour participer à l’établissement de la liste des projets d’intérêt commun de l’UE – les projets prioritaires pour l’intégration du marché intérieur de l’énergie – et pour décider de l’affectation de leurs coûts entre les différents pays lorsque les ANR ne parviennent pas à s’entendre sur cette affectation. La mission de l’Agence a été complétée en 2011 par l’ajout d’un nouveau volet, le règlement concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie (Remit) lui ayant confié la responsabilité de concevoir un nouveau cadre de surveillance du marché de gros de l’énergie dans l’Union afin de repérer et, en conséquence, d’empêcher les abus de marché et les opérations d’initiés. Ce cadre est d’une ampleur sans précédent, non seulement à l’échelon européen mais également mondial. C’est pourquoi l’Agence s’emploie depuis 2011 à mettre en œuvre le nouveau cadre réglementaire entré en vigueur en octobre 2015. Ce sont les grands domaines d’intervention de l’Agence depuis sa création en 2010. Cette œuvre s’est traduite, sur la période allant jusqu’à fin 2016, par presque cent cinquante actions – décisions, recommandations et avis – ainsi que par de nombreux rapports, dont les cinq éditions du rapport de surveillance des marchés (Market Monitoring Report), son œuvre phare.

« La protection du consommateur est assurée pour l’essentiel par la législation nationale »

Quelles sont encore les mesures à mettre en œuvre pour améliorer la création d’un marché intérieur de l’énergie plus homogène ? 

Le principe de subsidiarité est à la base du fonctionnement de l’UE et, plus précisément, du processus de prise de décision à l’échelon européen. Ce principe veut que les décisions soient prises à l’échelon le plus proche possible des citoyens. C’est pourquoi les autorités réglementaires de l’UE ne légifèrent que si, malgré les spécificités des États membres, l’action nationale n’aboutirait pas à la réalisation des objectifs de la politique européenne. Dans ce contexte, je considère que l’intégration du marché intérieur de l’énergie a atteint une étape dans laquelle des règles communes – et non simplement harmonisées – applicables dans toute l’UE sont essentielles sur la plupart des aspects. L’un des meilleurs exemples en est le marché journalier de l’électricité (day-ahead electricity market), dans lequel un seul système de couplage au marché fonctionne dans presque toute l’UE, du détroit de Gibraltar à la mer de Barents. Dans ce cas précis, il est difficile d’imaginer comment des règles nationales, même harmonisées, pourraient permettre de faire fonctionner un marché à ce point intégré. La même remarque s’applique au secteur gazier, sur lequel des réglementations nationales différentes ou des règles différentes applicables à des interconnexions transfrontalières entraveraient le commerce du gaz et donc le bon fonctionnement du marché intérieur du gaz. Certains volets du marché intérieur de l’énergie pourraient en revanche se contenter d’un niveau d’harmonisation moins poussé. Par exemple, les marchés au détail sont encore nettement nationaux et la protection du consommateur est assurée pour l’essentiel par la législation nationale. Toutefois, des règles non harmonisées du marché au détail peuvent constituer une barrière à la pénétration sur ce marché d’un acteur transfrontalier et, donc, une barrière à la concurrence. Qui plus est, on peut s’interroger quant à savoir si les consommateurs doivent jouir d’un niveau de protection différent en fonction du marché national dont ils relèvent. C’est pourquoi, même lorsque des règles communes ne sont pas strictement nécessaires, un haut niveau d’harmonisation reste essentiel.

Avez-vous l’impression d’avoir contribué à l’amélioration des relations entre les autorités nationales de régulation de l’énergie et l’Union européenne ?

Comme je l’ai indiqué, l’Agence a été conçue au départ pour assister les ANR à assurer leurs fonctions à l’échelon de l’UE et coordonner leur action chaque fois que nécessaire. Toutefois, cette assistance et cette coordination n’étaient pas prévues sous forme d’un secrétariat, mais par tâches et fonctions spécifiques pour lesquelles l’Agence a des responsabilités directes. Au fil du temps, des tâches supplémentaires ont été assignées à l’Agence, entraînant des interactions avec les régulateurs nationaux. Par exemple, pour la mise en œuvre de Remit, l’Agence et les régulateurs nationaux ont des responsabilités différentes et complémentaires : l’Agence contrôle le marché de gros à l’échelon de l’UE, alors que les ANR peuvent surveiller l’activité sur les marchés nationaux mais ont compétence exclusive sur leurs marchés nationaux respectifs pour les enquêtes et l’application de la loi. Cela étant, les autorités nationales de régulation sont à la fois les principaux acteurs de l’Agence et sont présentes dans sa structure interne ainsi que dans son processus de prise de décision. Le personnel des ANR et le personnel de l’Agence travaillent ensemble dans les groupes de travail de l’Agence, au sein desquels de nombreux aspects techniques relevant de la mission de l’Agence sont discutés et nombre de décisions officielles de l’Agence sont conçues. De plus, les ANR siègent au Conseil des régulateurs, l’un des quatre organismes de l’Agence, et participent à l’échelon central à la plupart des fonctions de réglementation de l’Agence. De fait, nombre des actes de l’Agence qui sont préparés, adoptés et publiés par son directeur, sont subordonnés à l’avis favorable du Conseil des régulateurs. L’étroite coopération entre l’Agence et les ANR permet à l’Agence de prendre en compte autant que possible les situations et les spécificités nationales dans son action de réglementation, tout en poursuivant le développement et le bon fonctionnement du marché intérieur de l’énergie.

Le projet d’Union de l’énergie prévoit un renforcement du rôle de l’Acer, ce qui implique le renforcement des pouvoirs et de l’indépendance de l’Acer. Comment appréhendez-vous ce nouveau rôle ?

Une intégration plus poussée des marchés nationaux dans le marché intérieur de l’énergie nécessite le renforcement du rôle des organismes à l’échelon de l’UE tels qu’Entso-E et Entso-G. En outre, le paquet de la Commission « une énergie propre pour tous les Européens » insiste sur le rôle clé de la coopération régionale pour le marché intérieur de l’énergie. À cet égard, il prévoit la constitution de centres opérationnels régionaux (COR) chargés d’assurer la coopération entre les gestionnaires de réseaux de transport à l’échelon régional. Les Entso, les COR et, j’ajouterai, les opérateurs des marchés (Nominated Electricity Market Operators – dits « Nemo ») et les futurs opérateurs du système de distribution (DSO) de l’UE interviennent aux échelons transfrontalier, régional ou de l’UE. C’est pourquoi la surveillance de ces organismes par les ANR ne saurait être très efficace. En fait, dès lors que leurs pouvoirs sont limités par hypothèse à leur territoire national, la surveillance d’établissements à dimension régionale ou de l’UE exige la coopération entre les ANR concernées. Il existe en Europe des exemples de coopération réglementaire régionale efficace, comme dans les pays scandinaves ou la péninsule Ibérique. Toutefois, en règle générale, les pouvoirs des ANR diffèrent au sein de l’UE et plus il y a d’ANR concernées, plus la surveillance conjointe est difficile. Il est donc inévitable que l’Agence soit appelée à exercer sa surveillance sur les établissements intervenant à l’échelon régional ou à l’échelon de l’UE et, comme par le passé, l’Agence est prête à prendre en charge des responsabilités supplémentaires, à condition bien entendu d’obtenir les ressources supplémentaires nécessaires.

L’Acer est compétente aussi bien dans le domaine du gaz que dans celui de l’électricité. De votre point de vue, quelles sont les principales ressemblances et les principales différences entre ces deux énergies ?

Malgré le fait que, dans le troisième paquet législatif sur l’énergie, il y a de nombreuses dispositions parallèles pour l’électricité et le gaz, ces deux sources d’énergie ont des caractéristiques physiques très différentes et les deux secteurs se caractérisent par des histoires et des évolutions très différentes. Les caractéristiques physiques de l’électricité exigent une coordination technique supérieure entre les opérateurs de systèmes de transmission que dans le secteur du gaz. Quant au gaz, son approvisionnement à partir de pays tiers fait que le secteur du gaz est nettement plus dépendant de facteurs géopolitiques que le secteur de l’électricité. Toutefois, certains principes et certains objectifs s’appliquent pareillement aux marchés de l’électricité et du gaz : l’utilisation rationnelle des réseaux, en particulier des interconnexions transfrontalières ; le développement efficient de ces réseaux ; l’importance de marchés à court terme liquides ; la nécessité de renforcer la concurrence, pour le marché de gros comme pour le marché de détail ; l’importance de différencier (unbundling) les activités ouvertes à la concurrence de celles qui relèvent d’un monopole naturel ou juridique, pour s’en tenir aux principaux. Toutefois, je considère qu’au-delà de la reconnaissance des similitudes et des différences entre ces deux secteurs, l’important est de comprendre que les deux secteurs vont devoir coopérer de plus en plus. Il y a en fait d’importants liens entre les deux secteurs, comme la production d’électricité à partir du gaz et, à l’avenir, les technologies de conversion d’électricité en gaz (power to gas). En outre, les centrales de production d’électricité alimentées au gaz peuvent apporter la souplesse dont le secteur de l’électricité a besoin en raison de l’importance croissante des énergies renouvelables. Ce dernier aspect exige également un secteur gazier plus souple. Cette intégration des secteurs, de la façon dont le marché et les infrastructures évoluent, est un défi supplémentaire pour les preneurs de décision, les autorités de régulation, les exploitants de réseaux de transmission et les opérateurs de marché.

Que pensez-vous du Clean Energy européen ?

J’ai une appréciation très positive du paquet « une énergie propre pour tous les Européens ». Il s’agit d’un important – et ambitieux – ensemble de propositions législatives pour répondre aux défis majeurs qui se posent au secteur de l’énergie, en particulier l’électricité, découlant directement ou indirectement de l’accroissement de la part des énergies renouvelables dans le système électrique européen. Il cherche également à définir un nouvel horizon pour les consommateurs : tirer un maximum d’avantages de la libéralisation du secteur de l’énergie par un choix élargi et de meilleurs prix. En outre, la technologie avancée qui est aujourd’hui disponible permet au consommateur de jouer un rôle plus actif dans le secteur de l’énergie, en apportant par exemple une partie de la souplesse dont le marché électrique de l’électricité a besoin, du côté de la demande. Les propositions du paquet « une énergie propre pour tous les Européens » vont également dans le sens d’une intégration plus poussée du marché en reconnaissant l’importance de la coopération régionale en ce qui concerne de nombreux aspects de la planification et de l’exploitation coordonnée des systèmes d’électricité. Nombres de ces aspects sont actuellement gérés à l’échelon national, mais je suis persuadé qu’une approche régionale – sinon à l’échelon de toute l’UE – est inévitable. Prenons par exemple la question de l’évaluation de l’adéquation de la ressource : cette évaluation cherche à vérifier si le système européen, et les différents systèmes nationaux en son sein, sont en mesure de répondre à la demande d’électricité à l’avenir. Jusqu’à présent, cette évaluation se faisait à l’échelon national. La question est de savoir comment traiter les ressources des pays voisins qui pourraient répondre à la demande nationale. Si ces ressources sont négligées, l’évaluation de cette adéquation va conclure très probablement à un besoin accru de ressources nationales et donc à des coûts supérieurs, sans que ce soit vraiment nécessaire. Inversement, si les ressources des pays voisins sont prises en compte dans l’analyse sans tenir compte du fait qu’elles peuvent être nécessaires dans les pays en question, l’évaluation pourra prendre en compte des ressources qui, en définitive, peuvent ne pas être disponibles pour répondre à la demande nationale. C’est pourquoi l’appréciation à l’échelon national de l’adéquation de la ressource peut aboutir soit à des surinvestissements soit à la double prise en compte de ressources, autrement dit soit à l’inefficience soit à l’inefficacité. Seule une évaluation à l’échelon régional peut produire des résultats fiables et efficients. Ce n’est qu’un exemple de ce que propose le paquet « une énergie propre pour tous les Européens » et son objectif d’améliorer l’efficacité et l’efficience du secteur pour répondre aux nouveaux défis posés par la transition énergétique.

Quelles sont les mesures mises en place par l’Acer pour sécuriser l’approvisionnement en gaz en Europe ?

Le renforcement de la sécurité de l’approvisionnement de l’Europe et de certains de ses voisins – comme l’Ukraine – résulte d’une évolution récente de la législation et la réglementation, comme l’exigence de capacités de flux inversé aux points d’interconnexion du gaz dans l’Union et le soutien aux hubs de gaz liquéfié, ainsi que l’amélioration des marchés internationaux de l’énergie. C’est pourquoi il ne saurait être confié uniquement à l’Agence. Toutefois, celle-ci fait partie du cadre réglementaire renforcé introduit par le troisième paquet législatif sur l’énergie, et elle a donc contribué à cette évolution par son rôle dans la préparation des codes de réseau, de la planification de l’infrastructure énergétique et du suivi des évolutions du secteur de l’électricité et du gaz, en proposant des mesures lorsqu’elle constate des barrières au bon fonctionnement d’un marché intérieur de l’énergie concurrentiel, durable et sûr. En outre, l’Agence a participé aux discussions menées par la Commission européenne sur la proposition de règlement pour la sécurité de l’approvisionnement en gaz et elle a fait des propositions concrètes pour améliorer et mettre en œuvre le projet.

La mise en place du Remit doit permettre une plus grande transparence sur les marchés. Quelles améliorations espérez-vous apporter avec ce nouvel outil ?

Remit signifie « règlement concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie ». Le règlement, adopté en 2011, instaure de nouvelles obligations et de nouvelles interdictions pour assurer la transparence et l’intégrité des marchés de gros de l’énergie dans l’UE. Il prévoit également le développement d’un nouveau cadre de surveillance, spécifique au secteur et sans précédent, pour repérer et empêcher l’abus de marché sur les marchés de gros de l’énergie en Europe. L’Agence a travaillé à la mise en place du nouveau cadre de contrôle depuis l’adoption du règlement et, après l’adoption des actes d’exécution de la Commission en décembre 2014, elle a commencé à recueillir des données sur les marchés de gros de l’énergie en octobre 2015. L’Agence reçoit actuellement des informations sur plus d’un million de dossiers de transactions, y compris les ordres de vente, et des données de base sur les marchés de gros de l’énergie au quotidien dans l’UE. Elle analyse les données pour repérer toute tendance et tout comportement anormal, pouvant être le signe d’une manipulation du marché ou d’opérations d’initiés. Lorsque l’Agence a une raison de suspecter un tel comportement, elle le signale au régulateur national chargé des recherches et de la mise à exécution. La combinaison de l’obligation de transparence, de l’interdiction de l’abus de marché et d’un cadre de contrôle efficient renforce la confiance des acteurs du marché sur le fait qu’ils négocient à partir des mêmes informations, et la confiance des consommateurs sur le fait que le prix payé pour l’énergie résulte du jeu de l’offre et de la demande et des lois fondamentales du marché, qui ne sont pas faussées – le plus souvent à la hausse – par un abus de marché.

Quelle est la nécessité, pour votre Agence, de mettre en place des initiatives régionales gazières (GRI) ?

L’initiative régionale gazière est antérieure à la création de l’Agence. Elle a été lancée en 2006, avec l’initiative régionale en électricité, en tant qu’étape pragmatique, intermédiaire – tremplin – vers l’intégration totale du marché dans l’UE. En fait, il a été admis que passer directement à un marché unique à l’échelon de l’UE était trop difficile. Ces deux initiatives régionales ont favorisé la mise en œuvre volontaire anticipée du troisième paquet législatif sur l’énergie. L’initiative régionale en électricité a été dissoute en 2016, lorsque la priorité pour l’intégration du marché est passée de la dimension régionale à des projets transrégionaux (à savoir, intégration du marché pour les différents calendriers par marché et calcul de capacités). L’initiative régionale gazière constitue toujours un forum pour la coopération et l’échange de bonnes pratiques à l’échelon régional et, même si l’une des trois initiatives régionales initiales – la GRI de la région nord-ouest – a perdu de l’ampleur, je considère qu’elle a toujours un rôle à jouer dans les deux autres régions pour soutenir la mise en œuvre intégrale des codes de réseau et des orientations. En fait, l’accent est mis aujourd’hui sur la relation entre la région de la Baltique et la GRI en vue du plan d’intégration du marché régional.

Vous avez publié, en février 2017, un rapport sur l’initiative régionale gazière (GRI) en 2016, qui met en avant la mise en œuvre des codes de réseau de gaz par les pays européens. Quelles sont vos remarques et vos recommandations ? 

Ce rapport expose le statut et les activités effectuées par les deux régions actives en matière de gaz qui font partie de la GRI : la GRI région Sud et la GRI région Sud Sud-Est. La vérification de la conformité des États membres aux dispositions des codes de réseau fait apparaître, une fois de plus, une image à deux volets : alors que la GRI région Sud a atteint un niveau de conformité plutôt élevé et homogène, la GRI région Sud Sud-Est est confrontée à une situation à deux vitesses, les pays du Sud-Est en étant encore à des taux de conformité très faibles par rapport aux dispositions des codes de réseau en ce qui concerne le mécanisme d’attribution des capacités et d’équilibrage et les procédures de gestion de la congestion. En 2016, la GRI région Sud a mené à bien (même tardivement) une activité importante en matière de coordination des mesures en cas de demande excédentaire et de rachat, qui sont à présent les mêmes dans les trois pays. La région coopère également en vue de la mise en œuvre de façon coordonnée du code d’équilibrage du réseau. L’intégration du marché de la péninsule Ibérique – et éventuellement à l’avenir avec la France – a également progressé. La GRI région Sud Sud-Est a mené plusieurs enquêtes afin de mieux connaître l’état d’avancement des points de négociation virtuels, de la qualité du gaz, du troisième paquet législatif sur l’énergie en ce qui concerne leur mise en œuvre et la transparence. Certains projets sont encore à la traîne, comme la mise en œuvre coordonnée du mécanisme d’attribution des capacités et des codes d’équilibrage du réseau au point d’interconnexion entre la Grèce et la Bulgarie. La même chose vaut pour le projet visant à proposer un nouveau type de licence, qui n’a pas beaucoup avancé. Par ailleurs, des progrès ont été faits en matière d’intégration du marché autrichien et de définition de l’accroissement de la capacité de transport en Roumanie, Hongrie et Autriche (route « Rohuat »). Pour l’avenir, l’Agence encourage la GRI région Sud à poursuivre le renforcement de l’intégration du marché régional et, en ce qui concerne la GRI région Sud Sud-Est, l’Agence insiste sur l’importance d’une mise en œuvre complète du code de réseau.