De nouveaux dispositifs pour lutter contre la précarité énergétique

Publié le 01/06/2016

8 min

Publié le 01/06/2016

Temps de lecture : 8 min 8 min

La précarité énergétique gagne du terrain en France. La loi de Transition énergétique pour une croissance verte promulguée l’année dernière propose de nouveaux moyens et outils pour y remédier. Mais dans un paysage social et énergétique incertain, les solutions proposées seront-elle suffisantes ?

Par Laura Icart

Jusqu’à présent, un dispositif principal était prévu pour aider les ménages en situation de précarité énergétique : les tarifs sociaux de l’énergie. Ces tarifs prenaient la forme de déduction forfaitaire avec pour objectif de limiter l’impact de la hausse du prix des énergies. Le premier mis en place en 2005, nommé « tarif de première nécessité » (TPN) s’adressait uniquement aux ménages se chauffant à l’électricité. En 2008, le tarif spécial de solidarité (TSS) est instauré pour les foyers précaires se chauffant au gaz naturel. Mais la promulgation de la loi transition énergétique pour une croissance verte (LTECV) en août 2015 change la donne et de nouveaux outils sont créés : le chèque énergie et les certificats d’économie d’énergie spécial précarité énergétique dédiés à la précarité énergétique voient le jour. Ces deux outils viennent compléter un ensemble de moyens et de programmes qui œuvrent déjà pour la lutte contre la précarité énergie. Tour d’horizon.

Le chèque énergie

Le 22 janvier 2016, la ministre de l’Environnement Ségolène Royale a rendu public le texte organisant l’expérimentation du chèque énergie. Ce nouveau dispositif remplacera progressivement celui des tarifs sociaux. Les chèques énergie sont des titres de paiement destinés aux foyers les plus modestes leur permettant de payer leurs factures énergétiques ou de financer des travaux de rénovation dans leurs logements. Il sera utilisable pour toutes les énergies de chauffage (électricité, gaz, fuel, GPL, bois…). D’une valeur moyenne évaluée à environ 150 euros par an en fonction des revenus et de la composition du foyer, le chèque énergie s’échelonnera selon les estimations du ministère entre 48 euros pour une personne seule à 277 euros pour un couple avec deux enfants. Le revenu fiscal par unité de consommation du foyer est le principal critère d’attribution du chèque et devra être inférieur à 7700 euros. Le dispositif permet également dans le cadre de travaux de rénovation énergétique de cumuler plusieurs chèques sur une durée de trois ans.

Le dispositif est actuellement en cours d’expérimentation dans quatre départements (Ardèche, Aveyron, Côtes-d’Armor et Nord-Pas-de-Calais). Au total, ce sont environ 150 000 à 200 000 ménages qui sont concernés. Le gouvernement remettra un rapport d’évaluation au Parlement d’ici le 1er octobre 2017, avant la généralisation du dispositif à partir du 1er janvier 2018. À terme, le chèque énergie devrait bénéficier à environ 4 millions de foyers français, contre 3 millions pour les tarifs sociaux.

Les certificats d’économie d’énergie précarité énergétique (CEE PE)

Le dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE) instauré en 2005 repose sur une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée par les pouvoirs publics aux vendeurs d’énergie (électricité, gaz, GPL, chaleur et froid, fuel domestique et carburants pour automobiles). Ceux-ci, nommés « les obligés », doivent promouvoir activement l’efficacité énergétique auprès des consommateurs : ménages, collectivités territoriales ou professionnels. Après deux périodes qui ont permis sa montée en puissance le dispositif est entré le 1er janvier 2015 dans sa troisième période d’obligations (2015-2017), imposant aux vendeurs d’énergie un volume de 700 TWh.

En application de la LTECV, une nouvelle obligation pour lutter contre la précarité énergétique a été mise en place le 1er janvier 2016. D’ici fin 2017, ce sont ainsi 150 TWh cumac supplémentaires qui seront dédiés par les vendeurs d’énergie pour soutenir les économies d’énergie chez les ménages aux revenus les plus faibles, avec une comptabilité dédiée. Le ministère de l’Environnement a déjà évalué le coût de cette nouvelle obligation à environ 900 millions d’euros sur deux ans mais in fine tout dépendra du prix des CEE PE. À l’heure actuelle, aucune information claire n’a été donnée à ce sujet. Ce qui est déjà prévu en revanche c’est le prix des pénalités au cas où le fournisseur d’énergie n’obtiendrait pas suffisamment de CEE PE pour l’année 2016-2017, fixé à environ 15 euros par mégawatheure manquant. Cependant, il est déjà établi que les énergéticiens menant des actions au profit des ménages les plus précaires seront fortement encouragés par un système de bonification. Enfin, la LTECV prévoit d’ores et déjà une quatrième période d’obligations de 2018 à 2020. Par ailleurs, en novembre dernier Ségolène Royal a signé avec Engie une convention sur l’expérimentation du « passeport rénovation énergétique », financé en partie par les certificats d’économie d’énergie.

Les passeports de rénovation énergétique

Cette expérimentation portée par le groupe Engie a pour objectif l’accompagnement des ménages souhaitant s’engager dans une action de rénovation énergétique. Le dispositif comprend un diagnostic de la performance énergétique de l’habitation, des préconisations budgétées de travaux et la possibilité d’avoir une présentation précises des résultats obtenus si les travaux sont réalisés. Le ministère précise que seule des entreprises certifiées « RGE rénovation globale » seront habilitées à délivrer des passeports.

D’ici fin 2017, ce ne sont pas moins de 1 000 passeports qui seront délivrés chez des particuliers propriétaires d’un logement construit avant le 1er janvier 2000. Limité pour le moment à dix territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) parmi lesquels Rouen, Bordeaux ou encore Saint-Etienne – qui a d’ailleurs signé avec Engie le 2 juin dernier la première convention « passeport rénovation énergétique » de France -, le programme pourrait s’étendre à d’autres territoires dans les prochains mois.

Ces nouveaux dispositifs pour lutter contre la précarité énergétique viennent s’ajouter à ceux déjà existants et notamment les actions et les programmes portés par l’Agence nationale de l’habitat (Anah) qui œuvre depuis 1971 pour le développement et l’amélioration du parc de logements privés en France. De nombreuses actions sont menées par l’Anah pour améliorer la performance énergétique des logements mais la lutte contre la précarité énergétique s’est vraiment intensifiée en 2010 avec la création du programme « Habiter mieux ».

Le programme « Habiter mieux »

Aux aides classiques octroyées par l’Anah aux propriétaires-occupants disposant de revenus modestes et souhaitant réaliser des travaux énergétiques, soit 35 % du montant des travaux hors taxes dans la limite de 7 000 euros et 50 % du prix des travaux dans la limite de 10 000 euros HT pour les foyers très modestes, viennent s’ajouter les primes « Habiter mieux ». Au 1er janvier 2016, le montant de l’aide correspond à 10 % du prix des travaux, mais elle ne peut excéder les 2 000 euros pour les foyers « très modestes » et 1 600 euros pour les propriétaires « modestes ». Depuis son lancement fin 2010, ce programme de primes a permis de rénover énergétiquement près de 150 000 logements partout en France. Une dynamique croissante depuis 2011 : moins de 7 000 logements concernés alors à près de 50 000 en 2015, avec des gains énergétiques constatés après travaux de près de 40 %.

Rénover de 30 000 logements

La lutte contre la précarité énergétique représente près de 85 % des aides aux travaux accordés par l’Anah en 2015, soit près de 610 millions d’euros. En mars 2016, Ségolène Royal et Emmanuelle Cosse, ministre du Logement et de l’habitat durable, ont souhaité donner une impulsion supplémentaire au chantier de la rénovation énergétique des logements en établissant un objectif rehaussé de 70 000 logements rénovés dans le cadre du programme pour cette année. En mai, Emmanuelle Cosse a précisé que 40 % des moyens financiers du programme seront consacrés à la rénovation de 30 000 logements en milieu rural, affichant ainsi la volonté de l’État de soutenir les territoires ruraux qui abritent près de la moitié des précaires énergétiques en France.

D’autres aides complémentaires existent et complètent les principaux dispositifs : le fonds de solidarité pour le logement relayé au niveau départemental, les fonds sociaux d’aide aux travaux de maîtrise de l’énergie (FSATME) mais également un ensemble d’initiatives déclinées au niveau local, qui sont autant de moyens mis en œuvre pour lutter contre la précarité énergétique en France.