Ça va rugir vert au zoo de Thoiry !

L'unité de Thoiry injecte du biométhane dans le réseau de GRDF depuis septembre 2018.

Publié le 02/07/2017

7 min

Publié le 02/07/2017

Temps de lecture : 7 min 7 min

La première pierre de l’unité de production et d’injection de biométhane du parc zoologique de Thoiry en Île-de-France a été posée le 20 avril dernier. Ce projet inédit en France permettra au zoo de valoriser ses déchets organiques produits sur le site et de produire une énergie 100 % renouvelable. Reportage.

Par Laura Icart

Transformer le fumier en énergie : l’idée ne date pas d’hier pour Colomba de La Panouse-Turnbull, directrice zoologique du parc de Thoiry et pour Sylvie Fleury, fondatrice d’Ivaloé, cabinet d’expertise technique environnementale, expert en méthanisation. Les deux femmes réfléchissent à ce projet de méthanisation au sein du zoo de Thoiry depuis une dizaine d’années. De leur rencontre est née Thoiry Bioénergie. Une société familiale qui s’inscrit dans la lignée d’une démarche environnementale revendiquée depuis plusieurs années par la famille de La Panouse, actionnaire du groupe Thoiry. Thoiry Bioénergie aura en charge la promotion des énergies renouvelables et la production de substrats d’intérêts agronomiques. « Il y a toujours eu pour moi une logique indéniable à ce qu’un parc zoologique s’intéresse à la méthanisation. Nous produisons une très grande quantité de déchets organiques, environ 600 tonnes. À cela s’ajoutent les déchets verts des jardins botaniques et nous avons dans le même temps de gros besoins de chauffage pour les habitations de nos animaux et les différents bâtiments du parc », explique Colomba de La Panouse. Le projet est passé par diverses phases. Conçu au départ comme un projet de cogénération dont l’objectif initial était la création d’une énergie verte permettant – grâce au fumier des animaux – de chauffer les installations du parc et du château, l’arrivée du gaz de ville il y a trois ans au village de Thoiry et le partenariat noué avec GRDF ont redistribué les cartes et ouvert une perspective nouvelle, celle de pouvoir injecter du gaz dans le réseau.

Créer un cycle local vertueux

Vue du projet de station de biométhanisation de Thoiry.

Créée en janvier 2015, Thoiry Bioénergie a une double vocation : valoriser ses déchets organiques (fumier des animaux et déchets verts) pour produire du biométhane mais aussi des digestats plus écologiques issus de la méthanisation. « Nous avons la volonté de créer un digestat de grande qualité, utilisable en agriculture biologique » précise Colomba de La Panouse. « Nous avons d’ailleurs signé un partenariat avec de nombreux agriculteurs des alentours qui se sont engagés à utiliser nos digestats » ajoute-t-elle. Intégrée au cœur d’un vaste projet de territoire, la société a opté pour l’injection du biométhane dans le réseau, une solution optimale puisque 98 % de l’énergie est réutilisée. La solution est rendue possible par un partenariat noué avec GRDF qui s’est engagé à réaliser une extension du réseau gaz naturel pour capter le biométhane produit par l’usine et qui fera une interconnexion de plusieurs réseaux pour absorber la totalité de la production biométhane. Ce sont près de huit communes de Thoiry jusqu’à Plaisir en passant par Les Clayes-sous-Bois et Villepreux qui devraient être alimentées en biométhane. Un investissement de l’ordre de 5 millions d’euros pour l’usine de méthanisation, qui a reçu un soutien financier important (de l’ordre de 44 %) du conseil régional d’Île-de-France et de l’Ademe. Un montant auquel s’ajoutent des coûts additionnels, environ 1 million d’euros, pris en charge par Thoiry Bioénergie, liés notamment aux aménagements paysagers nécessaires à l’intégration d’une usine sur un site classé mais aussi à la réduction des nuisances olfactives et sonores puisque tous les intrants sauf les déchets verts seront traités directement en bâtiment. « Ce sont des gages de qualité qui nous confèrent une valeur ajoutée par rapport à une usine de méthanisation classique », ajoute Sylvie Fleury, future directrice d’exploitation de Thoiry Bioénergie. Dans le cadre de son partenariat avec le parc zoologique de Thoiry sur lequel elle est implantée, la société accompagnera également le parc dans une mission de sensibilisation et de pédagogie autour des énergies renouvelables.

Valoriser des déchets organiques…

Les études de ressources menées entre 2014 et 2015 ont permis d’identifier, au-delà des ressources disponibles au sein du parc zoologique, un potentiel de ressources importantes chez les agriculteurs mais aussi les industriels du territoire, dans un rayon de 15 km. « Nous avons trouvé majoritairement des fumiers bovins et équins mais nous avons également signé un partenariat avec des enseignes de distribution pour récupérer leurs invendus fruits et légumes » explique Sylvie Fleury. Chaque année, près de 11 000 tonnes de déchets végétaux alimenteront l’unité de méthanisation.

 

… en produisant du biométhane…

L’ensemble des déchets recueillis (fumiers, déchets verts, fruits et légumes périmés) seront mixés dans une mélangeuse. « Nous avons choisi un procédé que l’on appelle ʺen voie sèche continueʺ, totalement automatisé, où tout se passe en ambiance fermée » explique Sylvie Fleury, qui précise que le mélange obtenu est « à haute teneur en matière sèche, environ 28 %, ce qui induit une méthanisation compacte ». Ce mélange passera ensuite un certain nombre de jours dans le digesteur où les bactéries dégraderont la matière, majoritairement le carbone pour produire du biogaz. Le biogaz sera ensuite envoyé dans un système d’épuration membranaire où il sera transformé en biométhane de type H+. « Un système parfaitement adapté au débit que nous allons produire, puisque l’unité de méthanisation aura une capacité pouvant aller jusqu’à 250 normaux mètres cubes par heure » souligne Sylvie Fleury qui précise que « le débit devrait être compris entre 120 et 150 Nm3 par heure dans les premières années ». La future directrice de Thoiry Bioénergie insiste sur les perspectives d’évolution de leur outil industriel qui sera en mesure de doubler sa capacité de production à moyen terme. Un avis partagé par Daniel Lhéritier, chef de projet biogaz chez GRDF qui prévoit « un rendement d’environ 10 gigawattheures par an de biométhane chaque année ». La mise en service de l’unité est prévue cet automne avec une première injection à la mi-janvier 2018. « C’est alors que la phase 1 du projet débutera. Elle doit durer entre 12 à 18 mois. Au cours de cette période, le biométhane devrait représenter plus de 20 % de la consommation totale de gaz des huit collectivités en période estivale », ajoute Daniel Lhéritier. Un ratio appelé à doubler en phase 2, de 20 à 40 %.

… et un fertilisant

Quant au digestat produit, qui s’apparente à un amendement organique, mais qui est en réalité un fertilisant riche en carbone, en azote et en phosphore, il est stocké au sein de l’usine avant distribution selon le plan d’épandage. « Nous avons la volonté de faire homologuer notre digestat et ceci même si l’évolution de la réglementation devrait nous permettre prochainement d’obtenir un statut produit au vu de la qualité de la production [uniquement du végétal, NDLR]. C’est un autre gage de notre qualité » conclut Sylvie Fleury.

« Un projet fédérateur » comme aime à le rappeler Colomba de La Panouse. Un projet qui a bénéficié du soutien financier et logistique d’un grand nombre d’acteurs et qui fera dans quelques mois du château de Thoiry le premier monument historique en France alimenté en biométhane. Et l’histoire ne fait que commencer…