Bruxelles prêt à dévoiler son objectif de réduction des émissions de CO₂ pour 2040

Perspectives
27/06/2025
6 min
La France, pays le plus nucléarisé au monde par habitant (56 réacteurs pour 68 millions d’habitants), est devenue le fer de lance européen de la relance de l’atome, à la tête d’une « alliance européenne du nucléaire » d’une douzaine de pays.©Shutterstock

L’objectif de réduction des émissions de CO₂ pour 2040 sera dévoilé le 2 juillet par la Commission européenne. Même si ce n’était pas officiellement à l’ordre du jour du sommet européen de Bruxelles, l’objectif climatique de l’Union européenne en 2040 s’est invité dans les discussions du 26 juin, la France se montrant sceptique sur la méthode employée par la Commission.

Par la rédaction, avec AFP

Après des mois de flottement, la Commission européenne s’apprête à mettre sur la table mercredi prochain sa proposition chiffrée de baisse des émissions de CO₂ à l’horizon 2040 au sein de l’UE.

Une baisse des émissions d’environ 30 % depuis 1990

Si l’UE a réduit ses émissions nettes de gaz à effet de serre, y compris celles de l’aviation internationale, de 31 % par rapport aux niveaux de 1990 selon l’Agence européenne de l’environnement, le chemin à parcourir reste très important, avec de nombreuses disparités d’un État à l’autre. Pour viser cette cible de 90 % en 2040, l’atteinte des objectifs fixés (- 55 % de GES d’ici 2030) est un pré-requis « indispensable » rappelle la Commission, évoquant la nécessaire mise en œuvre de « Fit for 55 ». Cependant, l’UE sait déjà que cet objectif sera compliqué à atteindre. Pour atteindre la neutralité climatique en 2050, la Commission européenne avait annoncé en février 2024 sa volonté de réduire de 90 % les émissions de gaz à effet de serre de l’Union en 2040 par rapport aux niveaux de 1990. Un défi très ambitieux pour le Vieux Continent mais un pré-requis indispensable à la neutralité carbone en 2050. L’exécutif européen, qui présentera mercredi une proposition législative avec l’objectif d’une « transition équitable » pour tous et de garantir « la compétitivité industrielle », avait déjà ouvert la voie l’année dernière au captage et au stockage du carbone pour réduire les émissions de l’industrie mais il se trouve confronté à la réticence de plusieurs États dont la France qui veulent davantage de garanties, notamment en termes de neutralité technologique, alors que Paris se bat depuis plusieurs années à Bruxelles pour faire reconnaître la particularité de son mix électrique.

Davantage de flexibilité pour les États promet Bruxelles

L’exécutif européen pourrait maintenir son objectif de réduire les émissions de 90 % en 2040 par rapport à 1990. Mais avec des flexibilités pour les Etats membres. Peut-être en prenant en compte l’achat de crédits carbone internationaux et le financement de projets vertueux en dehors de l’Europe. Certains États comme l’Italie, la République tchèque ou la Hongrie, contestent la baisse de 90 % visée.

Paris veut des garanties

De son côté, la France a critiqué à plusieurs reprises la méthode employée par la Commission. Le gouvernement français lui reproche d’afficher un objectif très ambitieux, sans préciser comment y parvenir. « Je suis favorable à avoir ces objectifs en 2040 mais il faut nous donner les moyens de le faire et de les rendre compatibles avec notre compétitivité« , a dit jeudi soir le président français Emmanuel Macron à l’issue du sommet. Cela implique à ses yeux de valider le concept de neutralité technologique, c’est-à-dire d’inclure dans l’effort les énergies renouvelables comme le nucléaire, prisé par la France. Une demande faite depuis plusieurs années par les ministres de l’Énergie qui se sont succédé, de l’hôtel de Roquelaure à Bercy. « La neutralité technologique prévue dans les traités européens et qui implique de ne pas privilégier une technologie sur une autre, est une condition sine qua non du rehaussement de notre ambition climatique » indiquait à Gaz d’aujourd’hui le ministre de l’Industrie et de l’énergie français, Marc Ferracci. Emmanuel Macron a également rejeté le 27 juin l’adoption d’un objectif en catimini lors d’un « débat technique fait en quelques semaines« . « Ça doit être un débat démocratique à 27« , a-t-il plaidé. Il a d’ailleurs estimé qu’il ne fallait pas que l’UE s’impose de fixer cet objectif avant la COP30 sur le climat de Belem, au Brésil, prévue à l’automne, car ce n’est pas une obligation internationale. « Si ça doit prendre plus de temps, prenons plus de temps pour bien le faire !« 

Fin avril, Paris a adressé à Bruxelles une liste de conditions qu’elle veut voir respecter avant de se prononcer sur l’objectif de la Commission de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’UE de 90 % en 2040 par rapport à 1990. La directive sur les EnR, adoptée en octobre 2023, fixe un objectif contraignant de 42,5 % de renouvelables dans la consommation européenne d’ici 2030 et si possible de 45 %. La France, qui affiche l’un des gisements d’Europe les plus importants en termes de potentiel de production, doit atteindre 44 % en 2030 selon RED III. Si la Commission était tentée de réviser ce chiffre à la hausse pour alimenter son ambition pour 2040, il faudrait en passer par une adoption à l’unanimité, souligne la France dans sa note. En juillet, la France a remis à Bruxelles son plan national intégré énergie climat (Pniec). Un plan qui se refuse toujours à parler en part de renouvelables dans la consommation finale d’énergie brute d’ici à 2030. Un point sur lequel Paris ne veut pas transiger, évoquant la place du nucléaire et sa capacité à atteindre 58 % « d’énergies décarbonées » en 2030. Chez les ONG, on reproche déjà à la France de vouloir remettre en cause les objectifs européens lors du sommet à Bruxelles. « Emmanuel Macron envisage de tuer l’ambition climatique européenne« , accuse le Réseau Action Climat.

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